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Les États-Unis et l’Occident face à la Chine et la Russie. Quels risques de montée aux extrêmes ?

Récemment, spéculant sur la proximité entre Moscou et Pékin et les sévères tensions qui s’échauffent aujourd’hui avec la plupart des pays occidentaux, plusieurs analyses ont considéré que la question ukrainienne constituait pour Pékin un test de la détermination américaine à défendre Taïwan.

Impossible de nier les similitudes. Dans les deux cas, une puissance autocrate, se réclamant de l’histoire et de la culture commune exerce une pression à ses marges sur un territoire ou une zone qui tente, en se réclamant de la liberté ou du droit international d’échapper à la fatalité d’une sujétion non désirée ou illégale.

D’une part divers ilots du Pacifique occidental notamment en mer de Chine du sud et de l’Est et l‘île de Taïwan, possession des Qing depuis 1683 – d’autre part aux marches de l’Europe l’Ukraine, berceau des Slaves au début du XIe siècle, puis balayé par les Mongols un siècle plus part.

Renforçant encore l’analogie, tout comme les Ukrainiens sont hantés par le souvenir apocalyptique du cauchemar de « l’extermination par la faim » en 1933, fomentée par Staline resté dans les annales sous l’appellation « d’Holodomor », révélée en 1973 par l’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljenitsyne, à Taïwan perdure la mémoire douloureuse des massacres du 22 février 1947 « 2-28 大屠殺 », perpétrés par les troupes désordonnées de Tchang Kai-chek repliées dans l’Île (lire notre analyse rédigée à l’occasion de la mort de Lee Teng-hui : Au cœur de l’histoire tourmentée de l’Île.).

On aurait cependant tort de croire que l’analogie des situations serait complète. Dans son Introduction à l’analyse géopolitique, Ed. du Rocher, septembre 2018, Olivier Zajec rappelle que contrairement à Taïwan, point de l’incandescence stratégique des tensions sino-américaines en Asie de l’Est, où la défiance au Continent est unanime, « l’Ukraine elle-même est double, territorialement profondément divisée, entre une partie occidentale rurale de rite religieux latinisé et une partie orientale russophone orthodoxe et minière. »

L’histoire récente reflète cette dichotomie, véritable source incandescente des actuelles tensions. En 1991, lors du référendum sur la Perestroïka organisé par Mikhaïl Gorbatchev, à l’Est, dans les zones industrielles, la majorité vota pour le maintien dans une « URSS renouvelée ».

A l’Ouest, les résultats furent partagés. Alors qu’à Kiev le « Oui » à une Union Soviétique refondée recueillit encore 44% des voix, plus à l’Ouest, dans une bande de 150 km le long de la frontière polonaise de Lvov à Ivano-Frankivsk, la population vota à 80% pour l’indépendance. Plus à l’Est, 100 km au nord de Kiev, à Tchernobyl le long de la frontière biélorusse, les Ukrainiens, encore sous le choc de l’accident nucléaire cinq ans plus tôt, votèrent aussi massivement pour l’indépendance.

La similitude réapparait cependant quand Kiev et Taipei se réfugient dans le droit des peuples à décider librement de leur destin sous l’ombrelle stratégique de l’Amérique érigée en parangon démocratique et dont la marine de guerre s’efforce en Asie de faire respecter le droit de la mer en mer de Chine du sud, que Pékin tente de transformer en mer intérieure.

En Europe, la querelle américaine pour les droits des peuples a pris le visage martial et sans nuance de l’OTAN, plus vaste alliance militaire de l’histoire, ciblant directement la Russie, tandis qu’en Asie se cristallisent autour de Washington contre Pékin le concept « d’Indo-pacifique » et celui de l’Alliance « Quad », qui, avec les États-Unis, regroupe sous la bannière de leur système politique démocratique, le Japon, l’Inde et l’Australie.

Tous sont alarmés par les stratégies, parfois agressives d’influence et de grignotage territorial de la Chine, récemment exacerbées à proximité de Taïwan par d’imposantes démonstrations de forces aériennes qu’il est facile de comparer aux regroupements d’unités blindées russes aux portes de l’Ukraine.

Depuis le centre Carnegie-Qinghua de Pékin, le chercheur Zhao Tong écrivait récemment : « La Chine observe attentivement la crise, car elle veut apprendre de la Russie certaines tactiques dont elle pourrait s’inspirer ensuite à Taïwan ». Quelles tactiques ?

D’abord de menaçants déploiements de forces, mais que Pékin pratique sans interruption depuis fort longtemps dans les parages de l’Île. Ensuite et surtout, comment obtenir des concessions de Washington à partir de la position de faiblesse née dans l’Île de la sévère perte d’audience du KMT, porteur déchu de la mouvance favorable au Continent dans le paysage politique taïwanais (lire : Le KMT et l’embardée démocratique des quatre référendums. Ou le détournement de la démocratie directe).

Alors qu’en réaction aux pressions chinoises et la scène politique de l’Île est en pleine effervescence démocratique, un sondage du 31 décembre 2021 évaluait à 72,5% la proportion de Taïwanais prêts à se battre pour éviter une réunification par la force.


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