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Les États-Unis et l’Occident face à la Chine et la Russie. Quels risques de montée aux extrêmes ?

Demain l’apocalypse ?

En haussant l’analyse d’un étage, il faut s’interroger sur la probabilité ou non que, sur les marches orientales de l’Europe et en Asie Pacifique, notamment à Taïwan en dépit des effervescences nationalistes, la situation s’apaise au point que s’éloigne le spectre des cataclysmes que les commentateurs souvent alignés sur la mouvance très conservatrice américaine ne cessent de rabâcher sur les plateaux de télévision et sur les plateformes internet.

A propos des tensions en mer de Chine, de l’Îlot Senkaku et du détroit de Taïwan où Xi Jinping montre sa force contre la mouvance de Tsai Ing-wen à l’intention du nationalisme de l’opinion interne chauffée à blanc, Jean-Pierre Cabestan sinologue français et expert des relations entre Pékin et Taipei, vient de publier chez Gallimard, un ouvrage intitulé « Demain la Chine : guerre ou paix ? ».

Il y fait l’hypothèse que, quels que soient les rapports de forces, les risques de montée aux extrêmes sont tels que le futur le plus probable de la situation en Asie de l’Est sera selon la formule de Raymond Aron, une « Guerre improbable, et une paix impossible ».

Contrairement à la plupart des analystes, il ne spécule pas sur le remplacement de la superpuissance américaine par la Chine, mais sur « l’instauration d’une nouvelle bipolarité, caractérisée par une asymétrie », dont il estime qu’elle sera durable. En somme dit-il « une nouvelle guerre froide assez différente de la première », notamment en raison des vastes interdépendances entre la Chine et l’Occident, qui dans l’ancienne guerre froide avec l’URSS étaient interdites par le rideau de fer.

Sur le théâtre ukrainien, preuve que Vladimir Poutine est rompu à la manœuvre oblique, il avait déjà en juin 2014, produit un apaisement en levant la menace posée par l’autorisation du Conseil de la fédération – équivalent du Sénat – d’engager des troupes russes sur le territoire de l’Ukraine.

Le geste était une réponse de bonne volonté aux signaux de détente envoyés par le plan de paix de Petro Porochenko, prévoyant l’instauration d’une zone tampon large de dix kilomètres à la frontière du Donetsk et un couloir qui permettait d’exfiltrer les rebelles vers la Russie. Huit années plus tard, nous n’en sommes pas encore là. Sur fond de spectaculaires exercices militaires russes en mer, comme sur terre avec la Biélorussie, Washington met de l’huile sur le feu en suggérant de sanctionner Poutine.

Mais, même s’il y a loin de la coupe aux lèvres, des signes ténus de désescalade sont apparus, à la fois dans la série des échanges directs entre Moscou et Washington et dans la fermeté solidaire des Européens non seulement à l’égard des intentions belliqueuses de la Russie, mais également de la surenchère punitive des États-Unis, invités par Joseph Borel à se calmer. Les plus optimistes y voient un réveil stratégique de l’Europe. Pour l’instant, chacun voit bien que l’espoir est plus proche d’un vœu pieux que d’une réalité.

« Guerre improbable, paix impossible », est le titre du premier chapitre du live de Raymond Aron « Le grand schisme » (1948) écrit au début de la guerre froide. Au cours de ses différents ouvrages, il développait une réflexion sur la violence des Nations. Notamment – ce qui nous ramène à la question ukrainienne – l’idée que seule la violence permettrait le maintien des valeurs libérales et leur défense contre le totalitarisme.

En même temps, si on élargit la réflexion à la dissuasion nucléaire, fond de tableau des tensions entre Pékin, Moscou et Washington, surgit l’idée de la mesure qui protège de la montée aux extrêmes et bride les agressivités nationalistes.

Le fondement de la dissuasion nucléaire est d’ordre philosophique et politique. La menace d’emploi d’une arme aux effets épouvantables évoqués par Charles de Gaulle, bien plus qu’un simple outil militaire, est destinée à prévenir la guerre et toutes formes de coercition ou chantage. Pour ce faire, elle hausse les enjeux d’un conflit central à un tel niveau de « dommages inacceptables » infligés à un agresseur potentiel qu’elle met ce dernier en face du caractère irrationnel d’une agression armée.

Tel est le raisonnement qui fonde l’idée que dans le Pacifique occidental et à l’Est de l’Europe, en dépit des démonstrations de forces au milieu d’une longue suite de tensions, provocations et postures martiales, la montée au extrêmes redoutée par les commentateurs est improbable. Ce qui ne suffit cependant pas à tenir complètement à distance les risques de déflagrations limitées sous le seuil de l’apocalypse.

Dans « Paix et guerre entre les Nations (1962), moins de vingt ans après Hiroshima, Raymond Aron analysait que les relations internationales seraient toujours gouvernées, non par le Droit comme le pensent toujours les Européens à Bruxelles, mais par la compétition de puissance et les émotions nationales.

Pour lui qui s’inspirait de Thomas Hobbes (1588 – 1679), les risques de conflit militaire entre les nations seront immuablement articulés à la « rivalité », à la « défiance » et à la « fierté », trois émotions clairement présentes dans l’actuelle trajectoire de « renaissance » de la Chine et dans celle de Vladimir Poutine, occupé à relever l’honneur de son pays après l’effondrement de l’URSS. Comme Xi Jinping, il fixe son imaginaire sur la gloire passée de l’Empire et la résistance aux défis posés par les États-Unis et leurs alliés.

Enfin, on aurait tort de croire que les émotions seraient absentes du « camp des démocraties » emmenées par l’Amérique. Suivie par la plupart des Européens, elle aussi, dont le magistère démocratique global vacille, tente par tous les moyens de conforter son statut de parrain mondial du monde libre.


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