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La longue connivence anti-américaine de Moscou et Pékin.
Le 20 janvier, dans le Figaro, une analyse plus précise de Sébastien Falleti allait à l’essentiel : « Comme pour Poutine face à Kiev, le défi de Xi Jinping dans le détroit de Taïwan est de tenir à distance les États-Unis pour intimider la petite île de 23 millions d’habitants, afin qu’elle finisse par tomber à terme, comme un fruit mûr, dans sa zone d’influence. » Sur les deux théâtres a surgi le sentiment d’un raidissement en apparence irréductible retranché dans des postures où les compromis paraissent improbables.
Tout comme à Pékin on affirme la fatalité historique de la réunification de l’Île et du Continent, à Moscou, après avoir, en 2014, récupéré la Crimée et le port stratégique de Sébastopol commandant la Mer Noire, on trace à l’attention de Washington la « ligne rouge » de l’arrêt de l’expansion vers l’Est de l’OTAN, tout en appuyant militairement les séparatistes russophones des Républiques du Donetsk et Louhansk au Dombass.
Autres similitudes, sur les deux théâtres où se déploient des vastes opérations d’intrusions et de manipulations informatiques menées par Moscou et Pékin, s’exacerbent à la fois des sentiments nationalistes et des idéaux de liberté avec, en cas de fausse manœuvre ou de malentendu, le risque répété par les commentateurs que les plus optimistes croient médiatiquement surfait, de provoquer un embrasement militaire catastrophique entre trois puissances nucléaires du conseil de sécurité de l’ONU.
Le 28 janvier, Qin Gang 秦刚 (56 ans) le nouvel ambassadeur chinois aux États-Unis nommé en juillet 2021, ajoutait des braises au foyer de ces inquiétudes. Ancien vice-ministre des Affaires étrangères et ancien porte-parole du Waijiaobu, il est connu pour son intransigeance nationaliste animé par l’état d’esprit des « loups guerriers » (lire notre synthèse sur la genèse de cette crispation anti-occidentale de Pékin : La Chine agressive et conquérante. Puissance, fragilités et contrefeux. Réflexion sur les risques de guerre).
Lors de sa première interview aux États-Unis à des journalistes de National Public Radio (NPR), chaîne de droit privé non commerciale du service public d’information des États-Unis, Qin Gang a mis en garde contre les risques de conflit militaire direct avec la Chine si Washington continuait « à jouer avec le feu » en accompagnant la dérive de Taïwan vers l’indépendance (lire notre synthèse : Taïwan enjeu stratégique de la rivalité sino-américaine et défi politique pour Pékin).
Dans le Détroit de Taïwan comme en Ukraine, même après l’entremise de l’UE sous présidence française dans le cadre des accords de Minsk, la tension n’est pas retombée entre Washington confronté à la forte connivence de Pékin avec Moscou dont la proximité remonte déjà à un quart de siècle.
Échaudés par l’entrisme américain et les avancés de l’OTAN en Europe orientale et dans l’ancienne Asie Centrale soviétique qui donna naissance au Groupe de Shanghai, devenu l’O.C.S en 2001, Russes et Chinois ont, comme aujourd’hui, souvent fait cause commune à l’ONU.
La tendance née au milieu des années 90 s’est accélérée. Elle se lit dans la succession des vétos opposés conjointement au Conseil de sécurité par Moscou et Pékin contre les propositions occidentales (mais pas seulement) sur les situations politiques au Myanmar (janvier 2007) et au Zimbabwe (2008). Ils furent suivis d’une rafale de cinq vétos chinois et russes sur la question syrienne entre 2011 et 2017. Chaque fois les refus Moscou et Pékin s’opposaient à une initiative américaine ou occidentale.
Le dernier véto conjoint du 8 juillet 2020 rejetait le renouvellement du mécanisme d’acheminement de l’aide internationale via la Turquie à au moins 3 millions de personnes en Syrie. Soutenant Bashar el Assad, les deux considéraient que l’autorisation onusienne violerait la souveraineté de la Syrie et que l’aide devrait transiter par les autorités syriennes dès lors qu’elles retrouvent le contrôle d’une vaste portion du territoire.
Pour autant, sous la surface d’une apparente solidarité, s’il y a une calamité que l’appareil chinois voudrait éviter à tout prix, c’est bien le déclenchement d’un conflit où la Chine aurait à prendre parti en cette année politique cruciale du Tigre commençant par les JO d’hiver et se continuant à l’automne par la grand-messe politique qui devrait consacrer Xi Jinping pour un troisième mandat à la tête du Parti.