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Wang Yi et Yang Jiechi en quête de rédemption diplomatique en Europe

Du 25 août au 1er septembre, Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères – dont il faut rappeler qu’il ne fait pas partie de la haute direction du régime (voir l’annexe 1) - a effectué une tournée en Europe qui l’a conduit à Rome, à La Haye, à Oslo, à Paris et à Berlin. La mission du ministre en Europe a été complétée par une visite éclair de Yang Jiechi en Espagne et en Grèce.

Évitant Bruxelles, il a aussi fait l’impasse sur le Royaume Uni, l’Autriche, la République Tchèque, la Pologne et le Danemark qui tous ont rejeté les pressions chinoises cherchant à favoriser l’adoption des infrastructures 5G de Huawei.

Avec Londres et Prague les contentieux sont encore plus enflammés, puisque le premier abrite l’activiste de Hong Kong Nathan Law (lire : Hong Kong, symbole incandescent de la souveraineté chinoise.) tandis la visite à Taipei de parlementaires tchèques a embrasé la scène politique chinoise.

Paris qui pourtant a tenté de concilier ses intérêts en Chine en réservant à Wang Yi un entretien avec le Président Macron au milieu des bonnes paroles sur « la longue amitié » franco-chinoise et des appels du pied du porte-parole Zhao Lijian soudain plus conciliant, n’a pas été épargné par la mauvaise humeur de Pékin. Le 25 août, moins d’une semaine avant l’arrivée du ministre chinois, le Waijiaobu a en effet mis en garde la France après l’ouverture d’un nouveau bureau de représentation de Taipei.

Première sortie diplomatique officielle du ministre depuis la pandémie, la tournée avait pour but de réparer les dégâts infligés à la relation sino-européenne par la crise épidémique (lire : L’horizon de la Chine se brouille.), les menaces répétées de Pékin pour imposer l’adoption des infrastructures 5G du groupe Huawei, les critiques unanimes en Occident de la politique chinoise au Xinjiang et les crispations nées du brutal durcissement de Pékin à Hong Kong où Pékin, inquiet de la montée d’un sentiment de rupture avec le Continent, a mis fin à l’arrangement « Un pays deux systèmes ».

C’est peu dire que le vent a tourné. Le temps où Pékin pouvait imaginer l’Europe en contrepoids des États-Unis par le biais d’un « partenariat stratégique » à la substance hésitante est terminé. « Un fiasco » dit Richard Arzt correspondant à Pékin du site Slate soulignant que, partout, l’accueil a été « neutre ». Dans le JDD du 30 août, François Clemenceau évoquait une « visite ratée ».

Si Pékin pourra éviter le découplage économique et commercial avec l’Europe, tant les relations sont imbriquées, il faudra en effet plus d’efforts chinois que « la séduction diplomatique » tentée dans seulement cinq pays, pour laquelle Wang Yi diplomate nationaliste à la raideur sèche est d’ailleurs assez peu doué, pour réparer les dommages que l’agressivité de Pékin a infligés à la relation Chine - Europe et encore plus pour convaincre les Européens de se rapprocher de Pékin contre Washington.

Si Paris a ménagé Wang Yi, les autres étapes furent difficiles. En France, quatrième et avant-dernière étape de la tournée avant Berlin, Emmanuel Macron, a choisi « la manière douce ».

A l’exception d’un communiqué de l’Élysée donné en marge de la rencontre à Reuters évoquant la situation au Xinjiang et à Hong Kong, Wang Yi a été protégé de l’épreuve d’une conférence de presse conjointe face à des médias semi-hostiles ; Paris et Pékin se sont aussi épargnés la difficile synthèse d’un communiqué de presse commun, tandis que la partie française évitait les références à Huawei et à la 5G (annexe 2)

Ailleurs, en revanche, Wang Yi a assez souvent été à la peine.

A Rome, première étape de la tournée pourtant partenaire privilégié et premier pays du G7 à participer aux « nouvelles routes de la soie », l’accueil fut moins aimable que prévu.

Pas de rencontre avec le Premier Ministre Giuseppe Conte – seulement un échange téléphonique – et un dialogue avec le MAE Luigi di Maio où les sujets sensibles ont été abordés publiquement.

Ayant rappelé la participation de Rome aux Nouvelles Routes de la soie - l’Italie dont les infrastructures de transport sont délabrées, compte sur les financements chinois – le Premier Ministre a signé deux accords commerciaux pour la coopération avec SNAM (transporteur de gaz et unique opérateur italien de liquéfaction) et l’exportation de produits italiens vers le marché chinois.

Le partenariat stratégique en question.

Mais, si les relations économiques et commerciales sont logiquement préservées, la tentative de rééquilibrage stratégique n’a pas fonctionné. Le ministre italien a en effet fermement rappelé l’attachement de Rome à l’Alliance atlantique et à la relation avec Washington.

En juin dernier, Di Maio avait déjà indiqué que si la Chine était un partenaire commercial, les États-Unis étaient un allié de longue date dont les Italiens partageaient les valeurs. Au moment même de l’entretien, sur la place della Farnesina, face au Ministère, la réalité de l’actualité de Hong Kong s’est imposée à Wang Yi.

Alors que le régime chinois tient l’opinion publique de la R.A.S et les scrutins pour quantités négligeables et qu’au cours de sa tournée Wang Yi n’a jamais évoqué les contradictions historiques, politiques et humaines de la R.A.S autrement que par l’angle de la sécurité nationale d’une affaire strictement intérieure, hors des limites d’un échange diplomatique, un groupe de manifestants guidé par l’activiste Nathan Law spécialement venu de Londres brandissait des pancartes de soutien aux Hongkongais.

Peu avant la rencontre entre Wang Yi et Di Maio, s’adressant à la presse et à des représentants du ministère italien des Affaires étrangères, il a, reprenant la rhétorique de Mike Pompeo, tiré à boulets rouge sur le régime chinois.

Exhortant les Européens à faire cause commune contre Pékin, il a suggéré d’imiter Washington et de sanctionner les officiels chinois responsables des violations des droits au Xinjiang et à Hong Kong.

Lors de la conférence de presse commune, Di Maio a répété la nécessité de protéger la complète autonomie politique de la R.A.S, à quoi Wang Yi a, sans surprise, répondu qu’il s’agissait d’une affaire se sécurité intérieure dont les étrangers n’avaient pas à se mêler.

Comme pour toutes les fois où les échanges ont exprimé des tensions et tourné à l’aigre, les médias officiels chinois ont soigneusement occulté l’épisode.

*

Aux Pays-Bas, changement de sujet. Les droits de l’homme n’avaient pas disparu, mais l’attention s’est portée sur le dogme du libre commerce dont La Haye est pourtant le champion, mais à qui la Chine reproche d’avoir récemment plusieurs fois enfreint les règles.

Au cœur d’une première controverse, le blocage en 2019 sous la pression de Washington d’une vente à la Chine par le néerlandais ASML, d’une machine de photolithographie utilisée dans la fabrication de microprocesseurs, enjeux de la rivalité technologique sino-américaine.

Lire nos article : Huawei sévèrement touché, mais pas coulé. La guerre sera longue et difficile et La guerre mondiale des semi-conducteurs.
Une deuxième tension est surgie en juin dernier quand le gouvernement néerlandais a, in-extremis, injecté 35 millions d’€ dans le capital de la jeune société Smart Photonics fabricant des circuits intégrés de nouvelle génération pour l’empêcher de tomber aux mains d’investisseurs singapouriens, japonais et chinois. A l’époque, l’épisode avait provoqué une réaction courroucée de l’Ambassadeur de Chine Xu Hong, menaçant des conséquences sur les relations bilatérales, qui n’avait cependant pas eu d’effet.

Lors de sa rencontre avec le premier ministre Mark Rutte, Wang Yi, baissant cependant la rhétorique d’un ton, se contenta d’appeler les Pays Bas à, conformément à sa propre tradition historique, donner l’exemple des règles du commerce multilatéral et de la libre concurrence.


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