Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chine - monde

La Chine, la Russie et l’Ukraine. Les embarras de l’alliance sino-russe

Les actes de la Chine contredisent le discours apaisant

Un document d’une vingtaine de pages datant de septembre 2013, rédigé par l’Institut de Shanghai pour les Etudes Stratégiques - 上海国际问题研究院 – rappelle que la « diplomatie chinoise privilégie les principes d’égalité, de respect mutuel, de confiance réciproque, d’échanges d’expériences, de coopération gagnant-gagnant, avec, comme objectifs essentiels, la stabilité, le développement économique et la paix ».

Après voir rappelé les priorités internes de réformes, de restructurations et de correction des dommages écologiques, l’étude insiste sur les bascules d’influence en cours dans le monde ; elle appelle à des relations entre les grandes puissances anciennes et nouvelles basées non pas sur les rivalités et les confrontations du passé, mais sur leur « coopération honnête et amicale » avec les pays en développement. Pékin dit aussi vouloir participer avec les autres grandes puissances aux efforts pour réformer le système de gouvernance mondiale et redéfinir des normes internationales permettant de « standardiser » les comportements et de mieux gérer les conflits d’intérêts.

Pourtant tout indique que depuis quelques années la Chine n’est plus perçue par l’image apaisée qu’elle tente de donner d’elle-même. Avec 20% de la population mondiale et la deuxième économie de la planète, de plus en plus vorace en énergie et en matières premières, elle pèse toujours plus lourdement sur les affaires d’un monde encore calibré à l’aune des intérêts occidentaux, tandis que sa montée en puissance dérange. Le surgissement dans les anciens équilibres d’un ensemble démographique aussi vaste, encore animé, malgré la crise, d’une croissance bien plus forte que celle des pays développés, soulève une longue série de questions.

Ces dernières interrogent Pékin sur ses intentions réelles, tant sur les plans économique, commercial et juridique, que dans le domaine stratégique. Ces questionnements laissent entendre qu’à l’Ouest, on doute de la montée en puissance pacifique de la Chine et de ses intentions de se couler docilement dans des règles globales édictées par d’autres. Avec Moscou, Pékin remet en cause le magistère occidental à propos de la Corée du Nord, de la Syrie et de l’Iran, critiquant les politiques de sanctions et les tentations de la force, tandis que son ombre portée, y compris militaire, s’allonge en Asie, où elle réfute la légitimité de l’aéronavale des États-Unis, qu’elle accuse d’attiser les tensions au lieu de les apaiser.

En réalité, tout indique qu’en dépit de ses discours, la Chine conteste l’actuel cours du monde, d’abord parce qu’elle craint que, dans l’état des rapports de forces, l’initiative reste dans la main des États-Unis, devenus à la fois son partenaire obligé, le miroir de sa puissance à venir, et son principal rival stratégique.

Il est clair que les puissances occidentales héritières de l’après-guerre, tétanisées par la crise, acceptent de plus en plus mal l’intrusion dans leur jeu du colosse chinois, jaloux de son espace stratégique direct, en quête, partout dans le monde, de cibles pour ses investissements, et avide de ressources, de technologies, de marchés et d’influence. (Les trois paragraphes qui précèdent sont un extrait d’un article de François Danjou publié dans la Revue de la Défense Nationale de janvier 2013).

Provocations chinoises en mer de Chine et réactions des riverains

Un des derniers exemples des initiatives chinoises ayant éveillé la méfiance des voisins de la Chine après les échauffourées régionales avec l’Inde, le Japon, les Philippines et le Vietnam a eu lieu récemment au large des côtes de Bornéo, à 110 km des côtes de l’État malaisien de Sarawak.

Le 26 janvier, pour la deuxième fois en 10 mois, la marine chinoise s’est projetée à plus de 1800 km de ses côtes pour organiser un exercice auquel participaient au moins 2 destroyers dans les parages des récifs de James Shoal (Zengmu en Chinois 曾母暗沙) à l’intérieur de la ZEE malaisienne que Pékin revendique par sa « ligne en 9 traits », transformant la presque totalité de la Mer de Chine du sud en mer intérieure chinoise.

Lire notre article Vacuité diplomatique et crispations militaires dans le Pacifique occidental.

S’il est vrai que Kuala Lumpur reste un allié de Pékin visité par le Président Xi Jinping à l’automne dernier sur fond de promesses d’expansion du commerce bilatéral à 160 Mds de $ en 2017 ; s’il est également probable que la Malaisie n’adoptera pas la même stratégie de confrontation avec Pékin que Manille au tribunal international du droit de la mer, la répétition des manœuvres chinoises aux abords des côtes de Sarawak a provoqué un subtil changement dans l’attitude des autorités malaisiennes.

Un discret raidissement de Kuala Lumpur qui va exactement contre les intérêts stratégiques chinois, au point qu’il est légitime de s’interroger sur la rationalité des démonstrations de forces nationalistes de l’APL, alors que plusieurs pays de l’ASEAN considèrent la marine des États-Unis, que la Chine voudrait pourtant éloigner de la zone, comme une assurance ultime de sécurité.

Tous les témoins avertis ont d’abord constaté un plus grand activisme de la Malaisie pour promouvoir une position commune de l’ASEAN face à la Chine le 18 mars prochain à Singapour, lors des échanges sur le code de conduite destiné à réduire les risques d’escalade militaire ; Moins d’une semaine après l’épisode des récifs de James Shoal de janvier dernier, le MAE malaisien Anifah Aman s’est rendu à Manille pour y rencontrer son homologue ; le 18 février, des émissaires du Vietnam, des Philippines et de Malaisie se sont rencontrés pour coordonner leur position face à Pékin.

Selon un témoin, les trois se seraient mis d’accord pour rejeter la ligne en 9 traits chinoise. Cette stratégie aura probablement été évoquée par Benigno Aquino lors de sa visite en Malaise fin mars. Il est peu probable que le président Obama ne la remette pas sur la table lors de sa visite à Kuala Lumpur en avril.

Washington saisit d’ailleurs l’opportunité pour hausser le ton : le 13 février le commandant de la marine américaine l’Amiral Greenert a pour la première fois assuré que l’US Navy viendrait au secours des Philippines dans le cas d’un conflit avec la Chine. Le pentagone a également promis une assistance à la Malaisie pour créer une unité de « Marines » dont une partie serait stationnée sur la côte de Sarawak.

Ainsi, par ses démonstrations de force, Pékin aura directement provoqué deux incidences contraires à ses intérêts : le regroupement sous la bannière de l’ASEAN des riverains de la mer de Chine inquiets de la montée en puissance coercitive de l’APL et une plus grande pertinence de la présence militaire américaine dans la zone, vue par certains comme le seul contrepoids crédible aux pressions chinoises.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements

Chine-UE. Misère de l’Europe puissance, rapports de forces et faux-semblants

A la croisée des chemins, Pékin fait le choix de « la rue arabe » contre l’Occident