Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chine - monde

La Chine, la Russie et l’Ukraine. Les embarras de l’alliance sino-russe

L’Ukraine, théâtre du cynisme des puissants embarrasse Pékin

Le 2 mars, le porte parole du MAE affirmait que la Chine restait fidèle à ses principes de non interférence dans les affaires intérieures, tout en précisant, comme pour excuser Moscou, mais sans élaborer, que « l’actuelle évolution de la situation en Ukraine pouvait s’expliquer ». La nuance signalait une irrésolution et un dilemme.

Elle-même confrontée aux irrédentismes au Tibet et au Xinjiang la Chine ne veut ni donner l’impression qu’elle soutient une ingérence militaire dans les affaires internes d’un pays souverain, ni qu’elle prend fait et cause pour Washington, qu’elle a toujours rendu responsable de l’épidémie de révolutions en Asie Centrale et sur les marches occidentales de l’ancien empire soviétique.

Toutefois, s’il est vrai que le 3 mars, les ambiguïtés n’étaient toujours pas levées, puisque Pékin n’a pas fait écho aux commentaires de Lavrov expliquant que la Chine et la Russie étaient solidaires, on peut conjecturer qu’aux Nations Unies le représentant chinois s’alignera sur le Russe.

Comme l’écrit assez cyniquement le Global Times au milieu d’autres commentaires dont celui de Xinhua qui stigmatisait l’Occident, responsable d’avoir à la fois antagonisé Moscou et provoqué une fracture en Ukraine, la seule logique qui prévaut dans cette situation est le rapport de forces.

Les racines complexes de la crise ukrainienne

Les événements à Kiev que la Chine suit avec attention depuis « la révolution orange » de 2004, dont Pékin anticipait déjà la capacité de perturbation de l’ordre né de la chute de l’Empire soviétique, renvoie non seulement à quelques grandes et très lourdes constantes historiques, mais également à l’accélération de nouvelles tendances très subversives que Pékin et Moscou font mine d’ignorer, mais qui portent de puissants ferments de déstabilisation de leurs systèmes politiques.

Les effervescences stratégiques qui se développent entre Kiev, Bruxelles, Moscou et Washington sont en effet le résultat du frottement de trois grandes plaques tectoniques de l’histoire : celle du berceau religieux des Slaves christianisés au XIe siècle, celle de la guerre froide où Kiev était à la fois un pion soviétique et le grenier de l’empire et celle, plus récente, du droit des peuples dont la force relayée par internet monte de manière à la fois irrésistible et désordonnée, souvent manipulée. A Kiev, cette mouvance s’est exprimée avec force contre les prévarications, l’arbitraire et les maquillages d’une oligarchie sévèrement corrompue.

Deux facteurs perturbants viennent compléter ce tableau. Le premier, très inquiétant, parce qu’il pervertit les revendications pour plus de droits, renvoie à la résurgence du nationalisme ukrainien radical, porté par un mouvement aux tendances paramilitaires dures et violentes historiquement lié à la collaboration de l’Ukraine avec l’Allemagne nazie. Le deuxième est la réouverture de la fracture nationaliste entre Russes et Ukrainiens, une plaie particulièrement sensible en Crimée tardivement rattachée à l’Ukraine (1954) et où la population est en majorité proche de la Russie.

Accessoirement, la situation, aboutissement d’une succession d’enchaînements néfastes et aveugles, est aussi le résultat de la faiblesse politique de l’Union Européenne, dont la bureaucratie atteinte d’une boulimie d’élargissements en partie contre la volonté des peuples, s’est depuis 1994 montrée incapable de gérer avec subtilité les contradictions et les tensions à l’œuvre sur le continent depuis la chute de l’URSS. Pour l’essentiel ces dernières sont nées des tendances contradictoires du désir d’Europe des anciennes républiques soviétiques, opposées aux efforts de retour de puissance de la Russie, qui utilise très efficacement l’arme de ses ressources d’hydrocarbures pour freiner son déclin.

Au passage, il n’est pas inutile de rappeler que c’est également autour du prix du gaz que se cristallisent aujourd’hui les principales tensions de la relation sino-russe, où Moscou dont l’influence rémanente en Asie Centrale reste palpable aux portes de la Chine, craint aussi d’être submergé par la force des injections financières chinoises dans les grands conglomérats russes du pétrole et du gaz.

Dans ce contexte très volatile, il faut tenter de décrypter le comportement extérieur de la Chine dont les attitudes envoient des signaux contradictoires selon qu’elles s’appliquent à sa zone d’intérêt stratégique direct ou à des régions plus éloignées de sa sphère d’influence. Une première approche consiste à examiner les écarts entre d’une part le discours officiel plutôt lénifiant et d’autre part les initiatives concrètes de Pékin sur le terrain.

Un autre décryptage moins orthodoxe spécule sur l’absence d’unité d’une politique étrangère en réalité toujours très opportuniste, dont les responsables n’ont jamais occupé une place éminente dans un système politique essentiellement tourné vers l’intérieur et, de ce fait, soumis à des influences concurrentes diverses au gré des rapports de forces politiques internes.

La récente création d’un organisme supervisant la sécurité nationale interne et externe, réplique des Conseils de Sécurité Nationaux existant en Occident, répond à cette exigence aujourd’hui pressante à mesure que l’ombre portée de la Chine s’allonge dans le monde.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements

Chine-UE. Misère de l’Europe puissance, rapports de forces et faux-semblants