›› Chronique
La joie déraisonnable des anti-nucléaires.
De manière perverse, que les militants anti-nucléaires n’avaient pas anticipée, la saturation des piscines empêche le démantèlement des quatre réacteurs arrivant en fin de vie, alors même que l’opération reste l’un des objectifs politiques du DPP ayant fait le choix de stopper la production d’électricité nucléaire d’ici 2025.
Mais la situation est plus complexe, et plus urgente, que cela pour le gouvernement de la Présidente Tsai IngWen, surtout préoccupée par le risque de coupures de courant, que l’industrie des semi-conducteurs ne peut absolument pas tolérer. Taïwan a un besoin urgent et important d’électricité. KuoSheng #2 peut fournir la solution facilement, si l’étranglement des combustibles usés est levé.
La pressante question de l’énergie et l’opportunité du retraitement français.
Par courtoisie, les industriels font mine de s’intéresser à l’éolien, dont l’intermittence produit pourtant l’effet pervers d’avoir à polluer par le charbon pour compenser l’absence de vent.
Les mêmes, préoccupés par le fonctionnement stable de leurs usines sont également inquiets de la rigidité, donc de la fragilité en cas de troubles internationaux du LNG acheminé à Taïwan par des norias de tankers, et dont le stockage plafonne très vite, n’offrant aucune véritable réserve, et pas même de flexibilité sur les courts-termes.
La présidente Tsai — sans manger son chapeau — portée par sa victoire lors du referendum de décembre 2021 — a pourtant à sa portée une solution dont elle pourrait tirer un véritable crédit politique certain : Re renouveler la proposition que l’électricien TaiPower avait faite à la France il y a une trentaine d’années, lorsque Jean Syrota était le P-Dg de la Cogema. C’est à dire recevoir et recycler les combustibles nucléaires usés des quatre réacteurs de l’agglomération de Taipei.
Au plan économique ce serait l’option la plus avantageuse pour Taïwan. Manne politique, bienvenue, le choix est en effet susceptible de séduire à la fois les pro et les anti-nucléaires.
Le referendum, fausse manœuvre du KMT, donne à la Présidente les coudées franches. Elle peut, sans donner l’impression de renier ses principes, ni de donner du mou aux pro-nucléaires, s’attaquer au problème des combustibles nucléaires usés sur-accumulés dans les piscines sursaturées de l’agglomération de Taipei.
Pour ne pas trop déconcerter son électorat, il conviendrait de renouer avec l’industrie française par étapes. A cet effet, l’exécutif pourrait choisir de relancer d’abord un « projet pilote » de portée limitée - 180 à 300 tonnes - celui-là même que le DPP alors dans l’opposition avait fait dérailler en 2015.
De cette façon, délesté de manière significative d’une fraction de ses combustibles usés, le réacteur n° 2 de la centrale de KuoSheng pourrait gagner trois bonnes années de prolongation, levant ainsi la crainte des black-out que redoutent l’industrie des semi-conducteurs, et les Taïwanais de manière générale.
Quelle sera alors l’attitude et la réponse du gouvernement français et des instances de tutelle de l’industrie nucléaire à une telle initiative, ou un tel signal ?
On peut penser que, désormais, pour les autorités françaises concernées, rien ne fait plus obstacle à un dialogue rapide et serein entre Taiwan Power Company et Orano, successeur de la Cogema et d’Areva.
Nous songeons à un dialogue précis et efficace comme celui qui fut catalysé par l’intercession de la banque Paribas, sur nombre de détails, pour préparer et faire aboutir l’important contrat de 1983 courant sur vingt années et portant sur un tiers des besoins en uranium enrichi des six réacteurs en activité.
Les fonctionnaires français qui, sans aucune logique, ni rimes ni raisons, inquiets des contrecoups chinois, faisaient du zèle à l’encontre de Taïwan dans tous les recoins pour compliquer le jeu, pourraient facilement être invités à de meilleurs sentiments et au sens de l’intérêt industriel national.
Il va de soi que la confirmation par les autorités françaises concernées ne devrait être officialisée qu’après l’émergence d’un consensus à Taïwan, la balle étant clairement dans le camp de Taipei.
Le dilemme du DPP est simple.
Soit conserver dans l’île les combustibles nucléaires usés : quelques 4,000 tonnes, si le programme électronucléaire est arrêté en 2025. ll n’y a pas de consensus à ce jour pour les déplacer vers un site possible, dans le Sud de l’île, à MaAnShan, dans des châteaux double-usage (transport et entreposage).
Soit s’en débarrasser définitivement en les recyclant en France, ce qui en toutes hypothèses serait à la fois plus économique et politiquement avantageux.
Avant 2000, des poids-lourds du DPP, ayant visité LaHague, s’en étaient convaincus : Chang ChünHsiung (un futur premier ministre) et You Ching (le magistrat élu de ce qui était alors le Taipei County, siège des quatre réacteurs de ChinShan et KuoSheng).
De même que Huang PoFu, un avocat du même cabinet que l’actuel patron du National Security Council, Koo LiHsiung, tous deux défenseurs - lors des procès de 1979 - des prisonniers politiques futurs leaders du DPP.
Le (futur) représentant de la Cogema René Viénet, fut alors le seul Européen à assister aux procès et, par la suite, développa ses relations avec ces avocats, les associant avec un confrère français — ce qui permit les invitations à La Hague du futur premier ministre DPP.
La réalité est qu’il faut un peu plus que de la neutronique pour faire avancer la coopération internationale électronucléaire. Une certaine familiarité (et sympathie) avec le terrain n’est pas inutile.
You Ching l’avait expliqué aux patrons de Taiwan Power company, qu’il avait reçus à dîner à sa résidence officielle lors de son retour de France, en présence de responsables de la Cogema.
« Pour Taiwan, je reste opposé à l’électronucléaire. Mais je suis bien plus encore opposé à la présence éternelle de combustibles usés, avec leurs déchets de haute radioactivité, et leurs dizaines de tonnes de plutonium, dans ma circonscription. J’ai été heureux de visiter La Hague et de découvrir la solution à mon problème et celui de mes électeurs. Je vous encourage à dialoguer avec la France pour aboutir rapidement à l’évacuation vers la France de tous ces combustibles nucléaires usés ».
Portée par sa victoire au récent referendum et une popularité qui ne se dément pas, la Présidente Tsai IngWen a donc une solution à portée de main qui renforcerait sa popularité.
Une ébauche de brainstorming sur ce sujet est, à l’évidence, en cours à Taipei, à haut niveau. L’intérêt de l’industrie française est de ne pas laisser trop longtemps la balle dans le camp de Taïwan, de la reprendre de volée, et de poursuivre la partie.
En chinois, la maxime américaine bien connue « It takes two to tango » a un équivalent très ancien « 一 個巴掌拍不響 » dont l’usuelle traduction est : « Pour applaudir, mieux vaut avoir deux mains, plutôt qu’une seule ».