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Sans faiblir, Pékin relance son influence dans l’ASEAN par le détour des riverains du Mékong

En dépit des vents contraires, une vaste vision d’infrastructures de transport.

Les bonnes paroles de Wang Yi télescopaient cependant une situation où le pays et ses généraux sont visés par des sanctions de plusieurs pays occidentaux pour des abus flagrants commis par l’armée depuis le coup d’État. A la mi-juin 2022, 677 groupes civiques ont, dans cette logique répulsive, publié une lettre ouverte appelant l’ASEAN à exclure des délibérations le général Mya Tun Oo ministre de la défense.

En réalité, alors qu’Aung San Suu Kyi était mise au secret dans une prison à proximité de la capitale, la rencontre avec Wunna Maung Lwin avait surtout pour but de relancer l’élan des nouvelles routes de la soie dans le « corridor économique Chine - Myanmar ». Sur la table, des projets d’infrastructure ferroviaire et la connexion des réseaux électriques des deux pays.

Naypyitaw prévoit de construire pour un coût de 8,9 Mds de $ un chemin de fer entre Mandalay, la deuxième plus grande ville du Myanmar et l’État Shan, à la frontière avec la Chine.

Par ailleurs, selon la presse chinoise, les travaux de la voie ferrée longue de 336 km entre les villes de Dali au sud Yunnan et Ruili, sur la frontière du Myanmar ont achevé le percement de six tunnels dont le plus spectaculaire long de 34,5 km, franchit la zone très montagneuse de Gaoligong 高黎贡.

A plus long terme, le projet (1200 km) vise à relier Kunming à la zone côtière de Kyauk Phyu, centre de gravité, sur l’océan indien, du terminal chinois gaz-pétrole et épicentre des projets de développement chinois dans la région.

Mais l’instabilité politique latente du pays nourrit des craintes sécuritaires et freine le lancement des projets.

Entre risques sécuritaires et pragmatisme politique.

Depuis le mois de mai, un climat de peur ponctué d’enlèvements et d’assassinats se développe autour de la mine de cuivre de Letpadaung, 100 km à l’ouest de Mandalay sur la rivière Chindwind, premier affluent de l’Irrawaddy, exploitée par une filiale de la société chinoise Wanbao Mining.

Le 22 juin, les villageois de Sagaing du canton de Salingyi où se trouve la mine chinoise, ont retrouvé les corps éventrés, décapités aux mains coupées de deux hommes originaires du village voisin de Moe Gyo Pyin.

La veille, l’endroit avait été attaqué par une compagnie de la junte en représailles d’une embuscade tendue par un groupe de résistance à la mine dont l’opérateur chinois Wanbao Mining associé au conglomérat militaire Union of Myanmar Economic Holdings Ltd (UMEHL) est, depuis juillet 2021, lui-même sur la liste des groupes chinois frappés par les sanctions américaines. Lire : The United States Takes Further Actions against the Burmese Military Regime.

En avril dernier, un groupe de résistance anti-chinoise de la région de Salingyi avait publié une déclaration appelant la société Wanbao et sa filiale locale à suspendre leurs opérations sur les sites miniers de Letpadaung les accusant de soutenir le régime militaire.

En riposte, une compagnie de la junte a aussitôt été stationnée près du quartier général de Yangtse Copper Co, filiale locale de Wanbao citée plus haut. Au milieu d’affrontements avec les forces de la guérilla, elle a mené des assauts impitoyables contre plusieurs villages de la région.

Pour autant, alors qu’à la réunion de Bagan, l’ASEAN était représentée par le Cambodge inféodé à Pékin, la perspective que s’y cristallise une opposition à la Junte pouvant gêner les intérêts chinois est faible. Le choix chinois, pragmatique, directement lié à ses intérêts à long terme, naviguant à vue entre les écueils des tumultes birmans se lit clairement dans le souci de Pékin de maintenir le contact quels que soient les aléas de la politique birmane.

Depuis le coup d’État du 1er février 2021, Sun Guoxiang diplomate chevronné, envoyé spécial chinois pour le Myanmar s’est rendu deux fois à Naypyidaw. La première visite du 21 au 28 août 2021 eut lieu à peine six mois après la prise de pouvoir par les militaires, tandis que Wang Yi lui-même rencontrait à deux reprises son homologue birman à Pékin.

La constance imperturbable de la Chine au milieu des basculements de la politique birmane se lit clairement dans la succession des visites officielles. Dix-huit mois avant la première rencontre entre Sun Guoxiang et la junte, Xi Jinping avait effectué un voyage officiel à Naypyidaw où dominait alors l’influence contraire d’Aung San Suu Kyi.

Symbole asiatique des droits et de la démocratie, lauréate du Prix Nobel en 1991, elle était alors en première ligne au poste de « Conseillère Spéciale d’État » après la victoire sans appel de son parti « la Ligue Nationale pour la démocratie » aux élections législatives de 2015. Lire : Xi Jinping en Birmanie. Rétablissement spectaculaire des intérêts chinois.

Preuve que le parti s’applique à anticiper l’événement et à tenir simultanément tous les fers au feu, Aung San Suu Kyi avait été invitée à Pékin en 2015, avant même les élections législatives qui virent son triomphe. C’était il y a sept ans. Depuis, le contexte a radicalement changé, mais, l’œil fixé sur ses intérêts et ses projets, Pékin opiniâtre garde le cap.


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