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« Micro-puces » et droit de propriété. La violente riposte américaine contre la Chine et ses contrefeux

La longue histoire des violations de la propriété.

Depuis vingt ans, la défiance américaine à l’égard des captations illégales de technologies par la Chine est au cœur du vaste sujet touchant au respect du droit de propriété. Elle a été exacerbée en 2018, par un rapport du Département du commerce.

L’analyse détaillait à la fois l’absence générale d’obédience aux règles du marché des entreprises publiques chinoises et la stratégie de Pékin de captation consistant à imposer aux sociétés étrangères souhaitant accéder au marché chinois des transferts de technologies à une co-entreprise locale ou même à lui vendre leur savoir-faire à moindre prix.

Le schéma est bien connu. Agathe Demarais le rappelle dans une première partie pour mettre en perspective la virulence de la riposte américaine.

Ayant siphonné la technologie, les entreprises chinoises la reproduisent sans trop de scrupules. « C’est le moment où les sociétés étrangères se rendent compte qu’une usine chinoise ressemblant beaucoup à la leur vient d’ouvrir dans le voisinage, fabriquant à moindre coût des répliques exactes de leurs produits ».

Du coup l’avantage technologique de l’étranger ayant disparu, les conditions de sa présence sur le marché chinois deviennent moins assurées. Ce n’est pas tout. Les « services  » américains se sont également intéressés aux entreprises chinoises opérant aux États-Unis ainsi qu’aux administrations américaines utilisant d’autres équipements de haute technologie fabriqués en Chine.

Au-delà des drones, le soupçon est au cœur des féroces interdictions ayant ces dernières années frappé le groupe Huawei fabriquant des téléphones portables et des équipements télécoms liés à la 5G. En arrière-plan persiste la crainte du Pentagone d’un risque de sécurité nationale lié à la conviction qu’un groupe chinois ne peut pas refuser de coopérer avec son gouvernement.

Il existe des précédents.

A deux reprises, la Chine a été accusée d’espionner le siège éthiopien de l’Union africaine grâce à ses caméras et ses micros. Pékin et les entreprises chinoises soupçonnées, dont Huawei, avaient opposé un démenti peu convaincant. Lire à ce sujet l’article très bien documenté du journal Le Monde du 27 janvier 2018.

Le pire scénario des services américains est encore plus inquiétant. Pour certains il tient de la paranoïa, pour d’autres il est un risque impossible à négliger. Les plus méfiants craignent que l’installation d’équipements de télécommunications fabriqués en Chine sur le sol américain permettrait à Pékin, grâce au bond technologique de la 5G, de débrancher à distance les réseaux téléphoniques ou Internet aux États-Unis.

L’hypothèse est jugée improbable par la plupart des spécialistes tant les interconnections entre les deux entraîneraient d’importants dommages à l’économie chinoise elle-même. Sauf, précise un expert, en cas de conflit militaire direct dans le Détroit de Taïwan, une situation où, en Chine, les risques économiques et commerciaux passeraient au second plan.

*

Pour l’heure en tous cas, la puissance de l’économie chinoise et son interaction avec celle des États-Unis sont aujourd’hui d’une telle ampleur que les sanctions traditionnelles infligées par Washington, - taxes imposées par D. Trump sur 360 Mds de $ d’importations chinoises, continuées par Joe Biden - sont inefficaces.

En 2021, alors que le commerce bilatéral était de 650 Mds de $, trois années après les taxes imposées par Washington, le déficit commercial américain était toujours de 353 Mds de $. La mise en perspective est éclairante. Depuis 2000, où le déficit était à 83 Mds de $, il ne cesse d’augmenter, accéléré par l’entrée de la Chine à l’OMC en 2001. En 2002, il était à 103 Mds de $. En 2010, il avait atteint 273 Mds de $, pour dépasser les 300 Mds de $ en 2012. Depuis dix ans, il fluctue entre le maximum de 418 Mds en 2018 et le minimum de 308 Mds de $ en 2020.

De même, les sanctions infligées à des particuliers et à des entreprises chinoises ciblées n’ont eu que peu d’effets sur les politiques répressives chinoises au Xinjiang et à Hong Kong.

Autre implication très sensible de l’enchevêtrement des économies, alors que le Congrès examine la possibilité improbable d’effacer des bourses américaines les 1000 milliards de $ d’actifs des sociétés chinoises, il mesure en même temps les risques sur le fond d’investissement retraite qui gère les pensions de millions d’employés du gouvernement fédéral, en partie investi dans des valeurs chinoises.

Du coup, espérant à la fois plus d’efficacité politique et moins d’effets indésirables, Washington a resserré sa cible sur l’industrie très sensible des microprocesseurs, cœur technologique de l’innovation globale.

*

En apparence et à moyen terme, le choix est judicieux. Alors que les États-Unis, berceau de l’industrie des semi-conducteurs née dans les années 1950, accélérée par les besoins militaires de la guerre froide, dominent le secteur avec un capitalisation boursière de 1000 Mds de $, la Chine achète chaque année plus de 300 milliards de dollars de « puces » fabriquées à l’étranger sous licence américaine. En 2021, la somme a même atteint 430 Mds de $ dont 36% en provenance de Taïwan.

C’est son talon d’Achille, bien plus que ses besoins en pétrole dont la facture a pourtant atteint 257,3 Mds de $ en 2021. Alors que la presque totalité des puces haut de gamme fabriquées dans le monde [3] dépend de la technologie et d’équipements sous licence américaine, l’embargo frappe de plein fouet l’industrie chinoise qui importe 85% de ses microprocesseurs.

Note(s) :

[3Pour bien saisir la portée des enjeux, il faut mesurer la prévalence américaine et le retard chinois. Il y a actuellement dans le monde six entreprises capables de fabriquer des processeurs haut de gamme dans 25 usines. Il s’agit d’Intel, de Global Foundries, de Samsung, de STMicroelectronics, de Taïwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) et de United Microelectronics Corporation (UMC). Toutes sont américaines ou opèrent sous licence américaine.

Notons au passage que deux d’entre elles, le franco-italien STMicroelectronics (STM) et l’américain GlobalFoundries, vont construire une usine de semi-conducteurs en France avec l’aide des pouvoirs publics dans ce qui, rappelait le Wall Street Journal du 12 juillet 2022, « est devenu une course mondiale à la souveraineté technologique ».

Dans cet aréopage de la haute technologie numérisée sous licence américaine et connectée par internet, le taïwanais TSMC et le sud-coréen Samsung dominent la fabrication de semi-conducteurs dans le monde. À ce jour, ils sont les seuls à fabriquer des « micro-puces » dont la finesse est inférieure à 7 nanomètres (7 millionièmes de mètre).

Mais la compétition à coups d’investissements est sévère, et le coût de la très grande miniaturisation augmente à mesure que reculent les limites. A la fin août, le Chinois SMIC de Shanghai déclarait avoir maîtrisé la technologie des « puces » à 7 nanomètres et la capacité de les produire sans les équipements sous licence américaine. Il reste qu’aller plus avant dans la « finesse  » des micro-puces est à la fois un défi financier et technologique.

Lire : Guerre technologique : 10 points sur les semi-conducteurs


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