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›› Politique intérieure

Lettre ouverte pour une ratification. Dialogue avec la société civile

Dialogue public sur la Constitution.

En prêchant pour plus de vérité, les intellectuels ne sont pas non plus iconoclastes, puisque, depuis le Congrès, l’un des leitmotivs politiques du nouveau n°1 du régime, aujourd’hui pris au mot de ses propres discours, est précisément le respect de la Loi Fondamentale. C’était en effet le thème d’une allocution que Xi Jinping prononça le 5 décembre 2012, pour célébrer le 30e anniversaire de la Constitution, dont il fallait, expliqua t-il, « renforcer l’autorité à tous les niveaux de la société, afin de créer un véritable état de droit ».

La suite du discours, qui résonne comme le pendant prémonitoire de la pétition, expliquait que la colonne vertébrale de la Constitution de 1982, amendée 4 fois, était clairement imprégnée de l’importance du Droit et de la protection des individus, mais que sa mise en œuvre aléatoire, qui pêchait par l’absence de contrôle, affaiblissait la crédibilité de tout l’appareil judiciaire.

La conclusion du Secrétaire Général répéta une fois encore que « personne n’avait le pouvoir de se placer au-dessus de la Constitution ». Enfin, véritable « feuille de route » adressée à la machine bureaucratique du régime, elle appelait les cadres de la Commission juridique du Parti et du futur Comité Permanent de l’Assemblée Nationale à mettre sur pied « un mécanisme destiné à freiner et contrôler le pouvoir, qui ne devrait s’exercer que dans l’intérêt du peuple ».

Il faut souligner à quel point le texte du 26 février qui circule sur les réseaux sociaux en amont de l’ANP répond au discours du Secrétaire Général, dont il cite plusieurs extraits, tout en expliquant à quel point la ratification renforcerait la Constitution. S’il est vrai qu’on peut y voir une critique et une mise en demeure, la pétition est aussi un encouragement et un dialogue. – Une traduction en Anglais de la lettre ouverte, avec une liste complète des signataires est disponible sur le site de China Média Project de Hong Kong.

L’appel des intellectuels développe 5 points qui mettent en évidence la cohérence formelle entre la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, le Pacte onusien de 1966 et la Loi Fondamentale chinoise qui, dit la Lettre, « insiste depuis 1954, non seulement sur les responsabilités des citoyens, mais également sur leurs droits ».

La lettre ouverte souligne aussi l’effet positif à attendre d’une ratification qui enverrait un signal international favorable, rehaussant la crédibilité de la Chine, « puissance responsable, et membre permanent du Conseil de Sécurité », capable de mettre ses actes en concordance avec ses discours. Elle ajoute enfin que le temps de la ratification était venu, après que de sensibles progrès ont été accomplis par le régime en matière de droits, dans un contexte où « la conscience politique du peuple et de la société civile s’éveille ».

Surtout, le 4e point de l’argument prend au mot Xi Jinping, puisqu’il affirme que la ratification contribuerait au « renforcement de la Constitution et à sa sauvegarde », dans la mesure où l’ONU apporte aux États ayant ratifié le Pacte une assistante institutionnelle pour la création d’organismes nationaux indépendants de supervision et de contrôle, « dans un esprit de tolérance et de respect de la souveraineté des états », tandis que le 5e point, qui conclut la Lettre, reprend le thème de la « renaissance de la Nation chinoise », plusieurs fois répété lors du 18e Congrès, dont l’idéal serait renforcé à la fois par le respect de la Constitution et la reconnaissance des principes universels - 普遍性 – et inaliénables - 不可分割性 - des droits de l’homme.

Une pétition - dialogue pour quels résultats ?

Au total, le texte adresse certes dans sa dernière partie une sévère mise en garde. Cette dernière n’est cependant pas nouvelle. Elle est en phase avec les nombreux rapports rédigés depuis de longues années par les divers centres de recherche du régime. Tous anticipent en effet un risque politique grave si la prééminence de la Loi Fondamentale continuait à ne pas être reconnue, tandis que les élites politiques du pays perdraient leur légitimité et leur dignité à force d’utiliser leur pouvoir à d’autres fins que celle de l’intérêt du peuple.

Mais, la pétition exprime aussi clairement le souci des intellectuels chinois de dialoguer avec le pouvoir sur un mode et un ton bien plus apaisés que ceux de la charte 08 en décembre 2008, dont toute une partie historique passait en revue, sans détour, « la succession de désastres des droits de l’homme » provoqués par le Parti, depuis les campagnes de rectification maoïstes « anti – droitiers » en 1957, jusqu’à la suppression du mouvement « Weiquan » de protection des droits, initié en 2000 par des avocats et des activistes de la liberté, en passant par la catastrophe du « Grand Bond en avant » (1958 – 1960) et le massacre de Tiananmen, le 4 juin 1989.

Voir : https://www.lepoint.fr/monde/le-texte-integral-de-la-charte-08-08-10-2010-1246830_24.php#11

Une fois de plus, la Chine affronte ses contradictions politiques. Mais ce qui prévaut aujourd’hui n’est pas l’affrontement, mais bien le dialogue sur le sujet central du respect de sa propre Loi Fondamentale par le Parti. S’il est vrai que les échanges n’ont pas lieu dans une enceinte institutionnelle dédiée à cet effet, leur caractère public, où l’on voit un mouvement d’intellectuels reprendre au vol, dans une lettre ouverte, les préoccupations majeures exprimées par le n°1 du Régime sur la nécessité de respecter la constitution et de contrôler son application de manière indépendante, pourrait marquer une étape de la réforme politique.

Il faut cependant se garder de trop d’optimisme. Si la Chine ratifiait le Pacte, elle accomplirait certes un geste symbolique, mais elle rejoindrait avec beaucoup de retard une longue cohorte d’états qui se réclament des droits civils et politiques sans jamais les respecter.

Sans compter que les procédures de ratification sont assorties d’une grande souplesse, autorisant les signataires à éluder, au moins pour un temps, la rigueur des textes internationaux. Cette facilité, qui relativise la difficulté de la démarche, est d’ailleurs évoquée dans le texte même de la pétition.

« Quant aux difficultés liées aux différences avec l’actuel système légal chinois, et dont la correction exigerait des délais, nous pourrions, à l’instar des autres pays signataires, proposer des réserves à l’application complète du Pacte, à condition de continuer à œuvrer sincèrement et avec respect, aussi longtemps qu’il le faudra, pour améliorer la situation des droits de l’homme ».

On peut faire confiance à la mouvance conservatrice pour utiliser toute la panoplie des réserves qui permettraient de mener un combat retardateur, au nom de la « spécificité chinoise ».

Pacte International relatif aux droits civils et politiques

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l’ONU)

CHAPITRE IV
DROITS DE L’HOMME


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Par Anonyme Le 3/03/2013 à 00h09

Lettre ouverte pour une ratification. Dialogue avec la société civile.

Il est étonnant de voir,et je l’ai déjà souligné sur ce site, la ressemblance frappante entre la situation chinoise et vietnamienne . Au vietnam depuis le début de l’année ,circule sur internet une pétition demandant la révision de la constitution et le multipartisme . Vendredi 1 et mars on en était a près de 6000 signatures.

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