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›› Chronique

Les « docteurs Folamour » de l’économie mondiale

Le monde va mal. C’est une évidence. Après les affres de la crise budgétaire américaine, l’Europe, ayant épuisé la logique purement économique d’une direction sans tête, semble atteinte du syndrome de la machine infernale du Dr Folamour, le film culte de Stanley Kubrick (1964).

Ce dernier met en scène le télescopage tragique entre la bêtise humaine et la force paralysante des bureaucraties militaires ou politiques, embarquées dans un insondable tissu d’incohérences. Voilà en effet les élites politiques et financières de Bruxelles et des pays membres empêtrées à la fois dans la solidarité déficiente des opinions publiques européennes et les inextricables entraves financières et techniques de l’Euro.

Au point qu’ils ne parviennent ni à aider la Grèce par crainte de déplaire à la vox populi, ni à lui demander d’abandonner la monnaie unique, puisque les effets domino de ce lâchage seraient dévastateurs, non seulement pour l’Europe, mais également pour l’économie mondiale, Chine et Etats-Unis compris.

A la question « comment est-il possible à une machine de se déclencher automatiquement, sans qu’il soit possible de l’arrêter ? », le Dr Folamour (Peter Sellers) répondait : « non seulement c’est logique, mais c’est essentiel. Voyez-vous, c’est bien là toute l’idée de cette machine ».

Si on examine attentivement le dessous des cartes de la situation politique, sociale et financière de la Chine, on constatera que le même cercle vicieux est à l’œuvre dans au moins trois secteurs : les captations de terres, importante source de financement des administrations locales et causes de désordres dans les campagnes ; le financement des logements sociaux, en partie détourné au profit de la spéculation immobilière ; la lutte contre l’inflation, affaiblie par le schéma de croissance toujours stimulé par l’injection massive de capitaux.

La quadrature du cercle des captations de terre.

Dans les provinces, les appropriations brutales et sans compensation de terres sont à la fois la principale source de revenus des administrations locales, criblées de dettes et une des causes des émeutes sociales, dont le nombre en 2010 a récemment été estimé à 180 000 par le Dr Sun Liping de Qinghua Daxue.

Yu Jianrong, qui suit les révoltes populaires à l’Académie des Sciences Sociales explique qu’en 2010, 65% des troubles sociaux dans les campagnes avaient comme origine les captations des terre. Cette proportion pourrait encore augmenter puisque, selon un audit national effectué en juin, les administrations locales avaient accumulé 10 000 milliards de Yuan de dettes (1100 Mds d’€) dont 23 % étaient hypothéquées sur la vente potentielle de terres.

En septembre, les journaux locaux du Liaoning expliquaient que 85% des administrations locales n’avaient pas assez de revenus pour honorer les intérêts de leurs emprunts.

En 2010, les revenus locaux des ventes de terres s’élevaient à 2900 milliards de Yuan (336 Mds d’€). Mais si les administrations locales, dont certaines sont en faillite, veulent continuer à financer les hôpitaux, les écoles et les services sociaux, elles n’auront pas d’autre solution que de poursuivre sur cette lancée, ce qui exigera au moins autant d’investissements. Une contrainte qui laisse augurer de nouvelles captations de terres, sur fond tensions de sociales.

Il est vrai que le gouvernement, inquiet des conséquences politiques des manipulations foncières, considérées depuis des lustres comme une source de revenus des bureaucraties locales, vient de promulguer une loi entrant en vigueur le 1er octobre, stipulant que les compensations devraient désormais se faire au prix du marché. Il reste qu’en Chine, beaucoup ne croient pas à son efficacité, essentiellement parce que les sources de financement des provinces sont limitées.

Le programme des HLM, en partie détourné par les provinces.

Selon le China Daily du 24 septembre, acculés par la faiblesse de leurs capacités financières qui handicape la mise en œuvre du programme de logements sociaux, une des priorités de Wen Jiabao, certains gouvernements locaux- districts et préfectures du Shandong, du Gansu et du Henan - sont tentés de vendre les appartements au lieu de les proposer à la location à des prix modérés, comme initialement prévu.

Si quelques cadres approuvent cet expédient rémunérateur, d’autres s’insurgent contre ces pratiques héritées des anciennes habitudes immobilières des provinces, dont la première conséquence sera de réduire l’offre des appartements à bas prix et de détourner le programme des logements sociaux de son objectif.

Li Donghua, chercheur à l’Académie des Sciences Sociales du Shandong, stigmatise aussi les gouvernements locaux désargentés qui, dit-il « fuyant leurs responsabilités », reportent la responsabilité de l’immobilier social sur des entreprises sommées de construire jusqu’à 2000 appartements, avec des retours sur investissement très largement inférieurs à ceux des projets de résidence de luxe qu’elles avaient l’habitude de développer.

Comme pour le secteur foncier, lieu de nombreuses frictions, ce sont les pratiques des gouvernements locaux qui freinent l’évolution du schéma économique et social. Aujourd’hui, en mal de capitaux et faute de moyens financiers de rechange - le système des taxes foncières est encore très loin de pouvoir remplacer la manne des projets immobiliers de luxe -, les administrations locales tendent à perpétuer l’ancien modèle économique par la captation de la propriété publique, notamment de la terre et de l’immobilier, transformés en projets lucratifs.

La répétition des blocages conduira les autorités centrales et provinciales à généraliser l’impôt immobilier, très impopulaire dans la classe moyenne. Cette tendance est déjà à l’œuvre dans certaines provinces.

La municipalité de Chongqing qui, avec Shanghai, expérimente depuis le 28 janvier 2011, le premier système de taxes à la propriété jamais mis en œuvre en Chine, vient de fixer l’échéance limite pour le paiement des impôts fonciers au mois d’octobre, « sous peine de sévères sanctions ». Comme à l’habitude la réforme, qui heurte de nombreux intérêts dans l’oligarchie, sera lente et très progressive.


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