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L’impitoyable guerre des microprocesseurs. (Suite)

Le libre marché auquel chacun est sommé de s’adapter pour accompagner la modernité et l’idéal d’un monde connecté et ouvert est, pour paraphraser La Rochefoucauld, une vertu cachant des « vices » nationalistes. Ces derniers refont surface dès que l’essentiel des intérêts d’un pays est en jeu, qu’ils soient d’affaires ou de sécurité.

Le secteur des semi-conducteurs, cœurs sensibles de toute l’industrie des « nouvelles technologies » en grande partie dominé par des sociétés américaines (4 parmi les 10 premières mondiales dont « Intel », n°1, Qualcomm, n°4, Micron, n°7 et Texas Instruments, n°8) est le lieu privilégié où se joue une très féroce compétition technologique. Les Américains y luttent pour préserver leur suprématie, tandis que les Chinois dont l’industrie des semi-conducteurs est encore dans les limbes, tentent de la réduire.

Enjeux stratégiques et de sécurité.

Les enjeux ne sont pas seulement commerciaux liés à la manne des « royalties » que les groupes américains en situation de monopole empochent. Ils sont aussi stratégiques, puisque les nouvelles technologies de l’information connectées à Internet constituent la part « intelligente » des armements modernes, des censeurs d’alerte et des dispositifs de guidage des missiles. Ils sont aussi politiques puisque les matériaux semi-conducteurs sont la matière première des dispositifs de « hacking » et de censure informatique.

Il y a deux ans QC avait déjà évoqué les contradictions en Chine et aux États-Unis entre le libre marché et la sécurité nationale, tandis que le gouvernement américain redoute que la compétition entre les sociétés américaines sur le très lucratif marché chinois les pousse, par surenchère, à livrer aux ingénieurs chinois quelques uns de leurs secrets. Lire notre article Compétitions, libre marché, transferts de technologies et sécurité nationale. La psychose sino-américaine des microprocesseurs.

Aujourd’hui, la bataille fait rage et les soldats de ce combat fourbissent leurs armes. Après le rachat par la Chine pour 2,7 Mds de $ de la division de produits standard du Néerlandais NXP (ancien Philips Semiconductors), l’Américain Qualcomm n°4 mondial du secteur derrière Intel, Samsung et le Taïwanais TSMC (Taïwan Semiconductors Manufacturing Company), craignant des transferts de technologies rampants aux Chinois, a aussitôt avalé tout le groupe néerlandais pour 47 Mds de $. (Reuters). Lire aussi Coup d’œil sur le « high-tech » en 2016.

Une manœuvre pilotée au sommet.

En Chine, les sociétés high-tech étrangères en situation de monopole de fait, subissent un harcèlement juridique et des pressions commerciales pour les obliger aux transferts de technologies et à se plier aux règles de la censure chinoise, du stockage et de l’accessibilité des données. L’étroite connexion entre la sécurité d’État, le pouvoir central et les hautes technologies apparaît clairement si on se souvient que le remplaçant à Chongqing de Sun Zhengcai éliminé par la Commission de discipline, est Chen Miner.

Très proche du président, Chen venait au moment même de son transfert d’accueillir au Guizhou dont il était le n°1 politique, le centre de « cloud computing » installé par Apple au prix d’un investissement d’un milliard de $. Ce centre de stockage de données que « le groupe à la pomme » a accepté d’installer, offre un ensemble de services informatiques - serveurs, stockage, bases de données, composants réseau, logiciels, outils d’analyse - fournis via Internet (le « cloud »).

Dans un article publié le 13 juillet, le China Daily qui ne manque pas de signaler qu’en dépit d’un recul de plus de 14% depuis janvier, les revenus d’Apple en Chine au 2e trimestre 2017 ont dépassé les 10 Mds de $, précise que le Centre sera mis en œuvre par une société chinoise de « big data » (métadonnées) contrôlée par le gouvernement provincial – faisant ainsi du groupe Apple et du gouvernement du Guizhou les partenaires d’une JV dans le domaine de la gestion de données et des services informatiques en ligne.

Branlebas en Chine et aux États-Unis.

En mars dernier, au moment de l’ANP, la compétition autour de ces technologies prenait un tour plus direct quand le vice-premier ministre Ma Kai avait répété que la Chine ne pouvait plus se permettre de dépendre des « “chips“ étrangers – 外国芯片 ». Par là, il réagissait au fait que 90% des microprocesseurs consommés en Chine, représentant 190 Mds de $ et 58% du marché mondial, étaient importés ou fabriqués localement par des groupes étrangers, notamment américains.

En même temps, il fixait à l’industrie chinoise des semi-conducteurs l’objectif de se hisser pour 2030 à la hauteur de la concurrence internationale. La cible, dit un article du WSJ du 27 juillet, est « l’hégémonie américaine » sur le marché des micro-processeurs, dans un contexte où, disent les Chinois, dans ce secteur sensible, les obstacles au « libre marché » érigés par les Américains n’ont pas cessé.

Pressions chinoises et résistances américaines.

L’analyse cite le torpillage en 2015 par la Maison Blanche de l’offre chinoise d’Unigroup de racheter Micron Technologies, n°7 du secteur et 15% du capital de la société de gestion de données Western Digital. Au total au cours de l’année 2015, la quête systématique de technologies avait conduit les groupes chinois à mettre sur la table jusqu’à 38 Mds de $, parfois pour des offres outrageusement surévaluées. Les méfiances et le raidissement américains ont cependant fait que seulement 4,4 Mds de $ ont réellement été investis par les Chinois dans les sociétés américaines.

Les pressions commerciales et financières chinoises ont éveillé les craintes du secteur aux États-Unis. S’il est vrai que, par le passé, l’industrie des microprocesseurs a triomphé de celle du japon, la Chine est un tout autre défi. Ayant l’avantage incomparable de son marché, elle peut inciter les Américains à des transferts de technologies détruisant leur avance technologique. Le scénario catastrophe serait une invasion des « chips » chinois à prix cassés réduisant à néant les profits des géants du secteur.

Du coup aux États-Unis c’est le branle bas de combat, sur fond de considérations commerciales et de sécurité. Le FBI est sur le coup, enquêtant à Taiwan sur les anciens employés de Micron recrutés par les sociétés chinoises et soupçonnés d’avoir vendu des secrets. Alors que les Chinois crient au harcèlement, à Washington, on envisage d’augmenter encore les restrictions appliquées aux sociétés chinoises.

En Chine, la contre attaque s’organise à la mode centralisée en favorisant l’émergence de « champions » du secteur. Au milieu de plusieurs centaines de petits fabricants de microprocesseurs ayant bénéficié de l’aide publique, la société vedette pour l’heure est Unigroup, associée à la recherche appliquée par le truchement de Qinghua dont le PDG Zhao Weiguo avait en 2009 acheté 49% des parts d’une filiale commerciale de la première université de Chine.

Grâce à cette coopération mettant en ligne directe la recherche et les affaires, Zhao compte bien bénéficier de la meilleure part du fond 20 Mds de $ créé en 2014 pour donner un coup de fouet à sa recherche sur les microprocesseurs. A Wuhan, il investit pour faire sortir de terre un complexe industriel géant destiné à la recherche et à la fabrication des micro-processeurs chinois. Simultanément, il a débauché quelques meilleurs spécialistes du secteur tel Charles Kau, l’ancien PDG de Micron à Taïwan. Lire : China’s Next Target : U.S. Microchip Hegemony.


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