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›› Politique intérieure

Décès de Jiang Zemin. Héritage politique et contradictions

Alors que montait les contestations populaires contre la politique « zéro-covid » de Xi Jinping, le 6 décembre, le Parti, qui ressentait la nécessité d’exprimer une cohésion sans faille avec le n°1 a rendu un hommage solidaire à Jiang Zemin. Sous la surface, cependant fermentait le regret que la rigidité idéologique de Xi Jinping ait tourné le dos à la souplesse pragmatique héritée de Jiang.

Zhang Ming, professeur de sciences politiques à la retraite fait une brève synthèse du personnage et de la situation. « A l’époque nous trouvions Jiang ennuyeux et sans charisme politique. Il était narcissique et aimait se mettre en scène. Avec le recul, l’impression reste que son époque était marquée par l’optimisme. C’est la tragédie de la Chine. La situation ne s’est pas améliorée  ». Jia Qingguo, ancien doyen de l’Institut pour les Études Internationales de l’Université de Pékin, est plus élogieux. « Jiang a conduit la Chine hors de grandes difficultés politiques vers de grandes promesses. (…) Sous ses mandats la Chine s’est ouverte au monde. Elle est devenue plus libérale et son économie plus dynamique ».


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Le 6 décembre au grand palais du peuple, le nouveau bureau politique solidaire et endeuillé a rendu hommage à la dépouille exposée de Jiang Zemin 江澤民 , décédé le 30 novembre, à 96 ans.

Le retour sur la trajectoire politique de cet apparatchik de l’appareil, originaire de Yangzhou (sur le fleuve Yangzi à 250 km au nord-ouest de Shanghai) qui fut maire de Shanghai (1985 – 1988), secrétaire général du Parti de 1989 – 2002, en même temps que Président de la République de 1993 à 2003, permet une plongée dans les contradictions politiques du régime.

Les trois minutes de silence déclenchées au son des sirènes et observées dans tout le pays eurent lieu moins de quinze jours après que l’exécutif et Xi Jinping lui-même durent essuyer une contestation directe et inédite de pans entiers de la population à la suite des excès brutaux en vigueur depuis trois ans de la stratégie radicale dite de « zéro-covid », de tests, de traçage et d’isolation des cas déclarés ou non.

Ayant sévèrement ralenti l’économie, le choix d’une éradication totale mais improbable, décidé par crainte d’une circulation du virus favorisée par la vaccination insuffisante des séniors, a poussé à bout la patience nombre de Chinois, dans une quinzaine de villes du pays, y compris quelques-unes très à l’ouest, éloignées des grands cœurs urbains de la cote Est.

Une arrivée au pouvoir dramatique.

La photo (Apple Daily Hong Kong) qui date du milieu des années quatre-vingt-dix, montre les forces en présence de la politique chinoise après le drame de Tian An-men du 4 juin 1989. A premier plan Deng Xiaoping déjà vieux discute avec Jiang Zemin à gauche, qu’il avait mis au pouvoir après avoir successivement destitué deux réformateurs.

En 1987 il avait évincé Hu Yaobang décédé en avril 1989, dont la disparition avait initié le mouvement étudiant qui conduisit au drame de Tian An-men. Deux années plus tard, le 24 juin 1989, trois semaines après la répression armée contre les étudiants qui réclamaient la démocratie, Deng avait écarté Zhao Ziyang. Jugé trop accommodant avec les protestataires, il termina sa vie en résidence surveillée. Lire : https://www.questionchine.net/memoires-d-outre-tombe-de-zhao-ziyang

Au deuxième plan Li Peng le premier ministre (1987 – 1998) conservateur adepte des planifications centralisées s’opposait à l’ouverture économique et gêna Jiang Zemin dans l’application des réformes prônées par Deng. Alors que son fils Deng Pufang suggérait de le limoger, le « Petit timonier  » contre-attaqua par « le voyage dans le sud » qui libéra l’esprit d’entreprise des Chinois. Au dernier plan Qiao Shi, qui prônait le contrôle des politiques publiques par les députés, fut écarté et placé à la tête d’une ANP restée sans pouvoir.


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Au moment où l’autorité du parti était ainsi discutée, l’exigence d’unité politique fut soulignée par un éloge funèbre d’une heure de Xi Jinping, face à un millier d’officiels du parti, civils et militaires, réunis pour l’occasion. L’hommage du n°1 honora la mémoire de celui qui accéda à la tête de l’appareil le 24 juin 1989, après le limogeage sous l’influence de Deng Xiaoping, des réformateurs Hu Yaobang en 1987 et de Zhao Ziyang, le 23 juin 1989.

L’avènement de Jiang eut lieu le lendemain de la destitution du réformateur Zhao Ziyang et, surtout, vingt jours seulement après la secousse politique de l’intervention de l’armée, le 4 juin, contre les étudiants manifestant à Tian An-men qui réclamaient la « Cinquième modernisation  », dont il est important de rappeler qu’ils se rassemblèrent cinquante-quatre jours avant les massacres, d’abord pour porter le deuil du réformateur Hu Yao-bang décédé le 15 avril 1989.

Lire : L’obsédant héritage de Hu Yaobang.

Autant dire que la disparition de l’homme désigné après quelques hésitations par Deng Xiaoping à la suite de la brutale répression d’une quête de réformes politiques écrasée par l’armée, renvoie à une série de contradictions politiques essentielles dont l’appareil ne parvient pas à se défaire.

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Au moment où apparaît un craquement dans l’unité du parti que Xi Jinping a, depuis dix ans, taillé à sa main sans autoriser la moindre nuance de respiration politique, les tiraillements internes touchent au degré de liberté nécessaire pour éviter une nécrose politique et sociale provoquée par l’excès de contrôle centralisé et dont la première conséquence pourrait être la naissance sous la surface de ferments de révolte.

Il y a dix ans, dans l’article rendant compte des mémoires posthumes de Zhao Ziyang citées plus haut, publiées en France aux éditions du Seuil en 2011, François Danjou qui citait le sino-américain Li Cheng , Docteur en Sciences Politiques, spécialiste du système politique chinois, rappelait déjà que « la scène politique chinoise était constamment travaillée en sous-main par les forces du changement. »

Mais les tensions contraires se lisent d’abord dans les hésitations de Jiang Zemin lui-même à mettre en œuvre les réformes d’ouverture économique pour lesquelles il avait pourtant été promu par Deng Xiaoping qui l’avait préféré à Qiao Shi.

De loin le plus sérieux concurrent de Jiang, rival de Deng qui s’en méfiait, Qiao prônait une réforme politique constitutionnelle radicale autorisant le contrôle des politiques publiques par l’ANP. Lire : Qiao Shi, l’un des plus brillants et des plus énigmatiques cacique du Parti s’est éteint).


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