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›› Chronique

Chine – France. Les non-dits de la coopération franco-chinoise en pays tiers

Les vertueuses intentions françaises et le pragmatisme chinois.

En 2018, un rapport de la Direction du Trésor sur les « Nouvelles routes de la soie », cité par Mathieu Duchatel, avait tenté de clarifier les intentions françaises.

Il ne s’agissait pas d’embarquer la France de manière indiscriminée dans le sillage des Nouvelles Routes de la soie, dont QC a plusieurs fois révélé quelques travers impossibles à ignorer. Lire à ce sujet : Dans le sillage scabreux des routes de la soie.

Mais de rechercher des « coopérations ponctuelles dans des marchés tiers, plutôt qu’un mémorandum d’entente sur la BRI (Belt an Road Initiative). Au passage le rapport développait sans ambages les raisons des réticences françaises.

« L’initiative, dans les faits pragmatique et évolutive, est l’expression d’une stratégie globale qui permettrait de réduire les vulnérabilités géopolitiques de la Chine, d’accroître la capacité de projection de sa puissance – d’abord économique –, d’accompagner sa montée en gamme, et de promouvoir un nouvel ordre mondial « aux caractéristiques chinoises ». (…)

« La mise en œuvre de cette stratégie pose plusieurs questions concernant son impact pour le développement et la stabilité économiques des pays concernés ainsi que la capacité des entreprises européennes à y participer. Cette dernière dépendra largement du degré de transparence et d’ouverture de la stratégie chinoise. »

Mais au-delà de la tension exprimée par la divergence entre la Chine et la France réticente à cautionner sans réserve les projets BRI, il en existe une autre opposant le pragmatisme chinois et l’idéalisme français aux critères certes vertueux, mais dont les impératifs de nature politique sont autrement plus difficiles à respecter que ceux des Chinois.

C’est entre ces deux séries de contradictions que se sont tout de même développés des projets concrets de coopération, où il apparaît que la partie française a parfois réussi à imposer à la Chine des points d’application hors Afrique, dont Pékin faisait initialement le seul objectif de la coopération franco-chinoise en pays tiers.

Malgré tout, quelques réalisation concrètes.

La liste complète des « sept projets » mentionnés par Pékin n’a en réalité pas été rendue publique ni par la CNRD chinoise, ni par le Trésor français. Mais certains, déjà en route, sont connus. Mathieu Duchatel les cite. Il s’agit de :

1) Deux projets en cours dans le secteur de l’énergie.

Le premier ne s’applique pas à un pays tiers. Impliquant EDF et China Datang Corporation, il vise le développement de leur partenariat sur le marché chinois. Le deuxième concerne le Français ENGIE et TusHolding, émanant de Qinghua opérant globalement, par ses nombreuses filiales, dans un large spectre d’activités allant entre autres de la fabrication d’équipements de traitement des déchets à la formation aux affaires. Leurs cibles communes sont les systèmes de distribution et de stockage « intelligents » d’énergie en Égypte et en Thaïlande.

2) Trois projets portuaires en Asie et en Afrique.

Le premier avec le groupe Bolloré et China Harbor Engineering Company, construit le port de la baie de Tibar dans le Timor Oriental, 1800 km à l’Est de Djakarta. Rare exemple de l’implication en Asie d’un sous-traitant chinois avec un maître d’œuvre européen.

Le deuxième toujours avec Bolloré, cette fois partie du consortium China Merchants Group pour la gestion des opérations du terminal de conteneurs du port de Tincan dans le port de Lagos au Nigeria.

Le troisième implique China Harbor Engineering Company mandatée pour construire le terminal de conteneurs Lekki près de Lagos dont le Français CGA – CGM assurera la gestion.

Pour appuyer leur coopération Paris et Pékin ont créé en 2016, un Fonds d’investissement commun géré par C.I.C, le fonds souverain chinois et la Banque Publique française d’investissements Bpifrance, propriété de la Caisse des dépôts.

Lors de la visite en France de Xi Jinping en 2019, un accord de coopération à quatre a été signé avec les Français Bpifrance, et Qair (ancien Quadran International) et les Chinois CIC, Shanghai SUS Environment. Les projets avaient été orientés vers le solaire, l’éolien et la valorisation énergétique des déchets sur des marchés tiers.

Dans la pratique, la France et la Chine ont eu du mal à convenir d’une liste commune de projets, ce qui explique que leurs ambitions sur les pays tiers ont été revues à la baisse. En arrière-plan, obstacle supplémentaire, la défiance des sous-traitants Français qui craignent le captage par les Chinois de leurs technologies de pointe.

Au total, la Chine qui initialement semblait vouloir faire cavalier seul sur ses routes de la soie a pris conscience des risques de l’exercice. Elle accepte désormais de s’associer à des partenaires, pour intervenir dans des pays tiers y compris en Asie dans sa zone d’intérêt stratégique directe de l’ASEAN et parfois même dans un schéma où elle n’assure pas la maîtrise d’œuvre.

Mais les arrière-pensées de recherche d’influence politique demeurent. Elles handicapent la définition des objectifs communs de coopération ailleurs qu’en Chine. En même temps, quoi qu’on en dise, la hauteur des ambitions françaises de ramener la démarche chinoise à un meilleur respect des standards écologiques et humanistes brouille l’efficacité pragmatique de la coopération.


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