Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chronique

Chine – États-Unis. A la croisée des chemins, riposte et ouverture chinoises. Discrets présages d’une trêve

Pragmatisme financier et persistance des tensions.

Sous la surface de cette proposition de dégel au sommet, par Qin Gang, les contacts ont repris dans le secteur technique des finances.

Du côté de la Banque asiatique des Investissement d’infrastructure (AIIB) (lire : L’élan global de la monnaie chinoise, craintes américaines et perspectives) le gouverneur chinois Jin Liqun, mesure les risques portés par les tensions en cours – dont le FMI estime les effets à une chute de 2% de la production globale -, mais relève la très bonne coopération de sa banque avec Wall Street et le Trésor américain.

A la mi-avril, à Washington en marge d’une réunion entre le FMI et la Banque Mondiale, Yi Gang, le gouverneur de la banque de Chine a rencontré Jerome Powell Président de la Banque Fédérale, tandis que Gina Raimondo secrétaire au commerce et Janet Yellen à la tête du trésor ont aussi exprimé l’intention de se rendre en Chine.

A ce niveau, pourtant les défiances n’ont pas disparu. Au-delà des bonnes intentions exprimées par J. Yellen qui félicite la Chine d’avoir allégé les dettes du Sri Lanka, quand Yi Gang a promis d’aider à la restructuration des dettes des plus pauvres, de sérieux agacements subsistent.

La banque centrale chinoise qui contrôle toujours le taux de change du Yuan (ce qui pour l’instant tient la devise chinoise éloignée du statut de monnaie de réserve), fustige à la fois la stratégie de Washington visant à dévier hors de Chine les chaînes de valeurs qui fondait son statut d’usine du monde et la hausse des taux d’intérêts par la FED en lutte contre l’inflation, dont les effets freinent la reprise chinoise pour l’instant bien plus rapide qu’à l’Ouest.

*

Au bilan, même si certains experts occidentaux voient dans l’inflexion du ton du ministre Qin Gang une authentique intention d’alléger des tensions par la reprise des échanges appuyés par la position renforcée de la Chine dans le « sud global » face à Washington -, l’hypothèse d’une sortie de crise rapide paraît encore improbable.

Il y a au moins deux raisons objectives à ce pessimisme. En marge de la séance plénière de l’ANP en mars dernier, Qin Gang qui vient de prudemment corriger le tir, avait néanmoins exprimé une défiance extrême à l’égard de Washington, reflétant un courant inflexible au sein de l’appareil qui anticipe une dangereuse montée des tensions. : « L’attitude des États-Unis à l’égard de la Chine est en fait seulement articulée au containment et à la suppression  ».

En occident et par effet de miroir en réaction aux agressivités chinoises, la bienveillance des opinions à l’égard de la Chine s’est aussi très largement émoussée. Aux États-Unis, au printemps 2023, selon une enquête du PEW research center, seulement 15% des sondés voyaient la Chine de manière favorable, en baisse de 5% par rapport à 2022 et de 38% depuis 2018.

En Europe, les tensions avec les anciens pays de l’Est (République Tchèque et Lituanie) à propos de Taïwan qui, à l’image de Petr Pavel le président tchèque, considèrent que « Pékin n’est pas leur ami » [3], préfèrent ouvertement développer une relation suivie et substantielle avec Taipei. Le choix qui enflamme la vindicte agressive de Pékin nourrit une perception globalement négative de la Chine dans l’opinion et au parlement européen.

Les défiances avaient atteint un paroxysme au printemps 2021 quand la ratification de l’accord sur les investissements a été suspendu par le parlement européen (lire : Chine – Europe. Symbole d’un risque de dislocation globale, l’horizon de l’accord sur les investissements s’obscurcit) sur fond d’accusation de génocide au Xinjiang par les députés européens.

Ces dernières années les enquêtes du Pew Research Center en Europe ont révélé une forte dégradation de l’image de la Chine, notamment chez les jeunes à propos de son bilan en matière de droits de l’homme, sa puissance économique croissante utilisée comme un levier d’influence politique et la brutalité de ses politiques à Taïwan et à Hong Kong.

En même temps, s’impose dans les opinions en Europe Occidentale la résignation pragmatique que la confrontation directe avec la Chine porte le risque de représailles dangereuses pour les équilibres économiques.

Enfin, alors que Pékin, comblant le vide créé par l’impuissance européenne partie prenante du conflit avec Washington, s’est proposé en médiateur pour le conflit en Ukraine, la dégradation de l’image de la Chine en Europe est au cœur des préoccupations du Ministre Qin Gang qui a commencé le lundi 15 mai un périple en France, en Allemagne et en Norvège.

La tâche vient d’être compliquée par la récente embardée de l’ambassadeur de Chine en France Lu Shaye qui, dans une interview à une radio grand-public, niait la souveraineté des anciens pays du pacte de Varsovie.

Note(s) :

[3Quand le 30 janvier 2023, le président tchèque Petr Pavel nouvellement élu accepta les félicitations téléphoniques de Tsai Ing-wen après son élection, il s’attira dès le lendemain une réprimande publique du porte-parole du Waijiaobu qui l‘accusa d’interférer dans les affaires intérieures chinoises et le menaça de « dommages irréparables ».

La brutalité chinoise exprimée alors que plusieurs officiels tchèques avaient confirmé l’obédience de Prague à la « politique d’une seule chine » est mal passée dans ce pays dont la mémoire est encore marquée par la lourde main soviétique.

Le résultat est que le 25 mars 2023, le président tchèque de la Chambre basse venu dans l’Île à la tête d’une délégation de 150 députés, signait onze protocoles d’accord destinés à renforcer les liens économiques, politiques et culturels entre Prague et Taipei. Parmi eux un accord dont il est impossible de minimiser la sensibilité dans la relation avec Pékin, sur la livraison à Taïwan d’obusiers automoteur et sur la recherche pour la définition commune d’un drone de combat.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Chine - France : Commission mixte scientifique 2024, vers une partie de poker menteur ?

A Hong-Kong, « Un pays deux systèmes » aux « caractéristiques chinoises. »

Chine-Allemagne : une coopération scientifique revue et encadrée

Pasteur Shanghai. Comment notre gloire nationale a été poussée vers la sortie

A Pékin et Shanghai, les très petits pas de l’apaisement des tensions commerciales