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Un tunnel sous-marin dans le Détroit. Faut-il s’en inquiéter ?

Le 8 mars, Li Xiaopeng, le ministre des transports qui présentait son travail devant l’ANP, exhiba la carte du réseau TGV chinois en projet pour l’échéance 2035. Une des lignes envisagées franchissait le Détroit de Taïwan par un tunnel sous-marin. L’idée n’est pas nouvelle.

Proposée pour la première fois été 1996, comme partie d’une voie rapide Pékin – Taipei, elle a fait l’objet d’études par la China Railway Engineering Corporation 中国铁路工程总公司 et envisageait déjà une liaison sous-marine vers la ville côtière taïwanaise de Hsinchu située à 50 km au sud-ouest de Taipei et à 130 km des côtes chinoises.

Le départ était envisagé à partir de l’île Pingtan enserrée dans un petit archipel à quelques encablures des côtes du Fujian, à 75 km au sud-est de Fuzhou.

Couvert par un vaste ensemble d’éoliennes, projet phare de l’énergie verte, le district de Pingtan saisi d’une frénésie d’investissements a été désigné par Pékin comme le cœur d’un projet pilote de la coopération entre Taïwan et le Continent. La zone est déjà reliée par ferry à Taichung et Taipei en 3 heures et à Kaoshiung en 4h30 – en fonction du nombre de passagers -. Les liaisons s’ajoutent à celle à partir de Xiamen vers Taipei et Keelong.

A Pingtan, les espaces entre les îles sont comblés pour gagner sur la mer ; un pont mixte voie ferrée-route à deux étages, long de 16,3 km relie la zone au continent ; tandis que la ligne TGV vers Fuzhou a été inaugurée le 26 décembre 2020. Le tronçon est précisément partie de la future voie rapide Pékin – Taipei 京台高速铁路, dont le projet de tunnel sous-marin, est cependant élaboré sans concertation avec Taipei.

En Chine, les réactions des réseaux sociaux allèrent de l’enthousiasme nationaliste « 2035 c’est demain. Le rêve se réalise ! », au scepticisme : « Est-ce vraiment possible en 15 ans ? ». Sans surprise, les Taïwanais sont unanimement méfiants. « Propagande à usage interne, rêve éveillé, “hoax“ » disent les uns. Certains sont ironiques « La Chine devrait construire une voie ferrée trans pacifique vers Washington » ; « pourquoi pas la lune ? » interroge un autre.

Quelques-uns y croient tout en gardant leurs distances avec Pékin « En Europe, des liaisons de toutes sortes relient les différentes capitales. Elles ne font pas pour autant partie du même pays ».

Il est vrai que dans l’état actuel de la relation où tout contact officiel est rompu depuis que Tsai Ing-wen rejette le « consensus d’une seule Chine » de 1992, on imagine mal une cérémonie conjointe d’inauguration. Alors quoi ? Une provocation ?

A moins qu’il ne s’agisse d’une manière pour le régime chinois d’attiser la tension de « la réunification » avec l’Île, son projet le plus nationaliste, à la fois le plus controversé par Washington et le plus emblématique de la réalisation du « rêve chinois » dont l’échéance est fixée en 2049.

En cette année du centième anniversaire de la règle du Parti en Chine, la trajectoire du retour inéluctable de la puissance passe même par une étape intermédiaire, fixée à 2035, dans moins de quinze ans.

Le poids des mythes.

L’expérience historique enseigne qu’il faut prendre au sérieux « le rêve ». Dans l’arrière-plan de la pensée chinoise, le mythe de Yu Le Grand (大禹) – datant de plus de 4000 ans -, enseigne la domestication de la nature par l’homme.

En 1956, s’il ne la citait pas expressément, le sens de l’allégorie avait été utilisée par Mao dans un poème pour redonner vie au vieux projet de Sun Yat-sen de domestiquer le Yangzi, par le projet du barrage géant des trois gorges.

« La faille infranchissable deviendra passage ; Des murs de pierre en amonts construits retiendront de Wushan les nuages et la pluie – Note : Wouchan : montagne au sud-est du district du même nom, dans le Sichuan - ; Dans la gorge escarpée surgit un lac uni ; La déesse sans doute à soi-même pareille s’étonnera du monde nouveau - Note : Sur le mont Wouchan, se trouve un pic appelé pied de la Déesse. D’après la légende, c’est là que demeure une déesse qui contrôle les nuages et les pluies. »

Dix ans plus tard, Mao qui lançait la révolution culturelle, se servit une nouvelle fois du mythe de Yu le Grand domestiquant le fleuve et les eaux. Le 16 juillet 1966, âgé de 73 ans il se baigna dans le Yangzi, se montrant, dit la propagande, capable de braver les courants qui, à l’époque, symbolisaient les révisionnistes.

« Les références constantes faites dans la presse à l’époque maoïste ainsi qu’au héros de l’antiquité Yü le Grand (qui dompta les eaux de la version chinoise du mythe du déluge) témoignait du désir du gouvernement de se situer dans la lignée des héros du passé ayant aménagé le territoire chinois », (Florence Padovani, Directrice de l’antenne de Pékin du Centre d’Études français sur la Chine contemporaine qui a travaillé sur le fleuve Yangzi).

Dans un article de Nikkei publié le 4 mars, Katsuji Nakazawa explore les probables réminiscences de cette pensée chez Xi Jinping porteur d’une vision grandiose de la Chine moderne ayant tourné le dos à la modestie prônée par Deng Xiaoping.


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