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Tillerson à Pékin. Les « chauds et froids » de la relation sino-américaine

Devenues l’un des axes du monde par les puissances qu’elles expriment, parfois rivales à la suite des fatalités historiques, culturelles et géostratégiques, parfois raisonnablement complémentaires, les relations sino-américaines ont, depuis leur établissement en 1979, toujours été traversées par des hauts et des bas.

En mettant l’histoire en perspective on constate que, souvent, les dissonances furent le résultat des espoirs déçus, pourtant toujours entretenus, que la Chine ouvrirait son marché et son système politique pour, à la longue se couler dans la conception socio-économique et du rapport au monde calibrés par les États-Unis et leurs alliés après la 2e guerre mondiale.

Au cours des années 2000, les secousses de la relation se durcirent à mesure que disparaissait l’espoir d’une Chine alignée sur le schéma américain du monde. A mille lieues des critères démocratiques occidentaux, le régime développait à l’intérieur une ploutocratie à parti unique matinée de « socialisme aux caractéristiques chinoises » enfermée dans un strict contrôle politique et récemment soumise à une vaste entreprise de redressement éthique destinée à corriger les effets pervers d’une société où la richesse était devenue l’épine dorsale des relations entre la société, les entreprises et le pouvoir.

A l’extérieur, l’affirmation de la puissance chinoise en Asie et le rejet récurrent de l’influence américaine dessinaient les limites d’une nouvelle relation plus équilibrée que le Parti appelle de ses vœux et à laquelle Washington tente de s’adapter. Enfin, depuis 6 mois, l’accélération des « montagnes russes » de la relation sino-américaine doit beaucoup aux commotions provoquées par la politique étrangère de Donald Trump.

L’embellie surgie à l’occasion de la visite Rex Tillerson à Pékin après une succession de raidissements et d’apaisements, exprime la conscience que la force des interactions et la dimension des défis obligent au dialogue, en dépit des rivalités.

Enfin, la perspective du 19e Congrès où le Parti renouvelle son bureau politique au milieu des marchandages de pouvoir, dessine un fond de tableau peu propice aux joutes stratégiques extérieures et où le système politique est intensément tourné vers lui-même.

Pour autant, s’il est probable que les différends ne dégénèreront pas en guerre frontale, il est illusoire de croire qu’ils disparaîtront, tandis que subistera toujours la crainte d’un accident militaire sur fond de nationalisme de plus en plus exacerbé, non seulement en Chine où il est attisé comme adjuvant de politique interne, mais également aux États-Unis.

Un rameau d’olivier après les crispations.

Le 18 mars, Rex Tillerson le Secrétaire d’État américain arrivait à Pékin tout juste 10 jours après que son homologue chinois Wang Yi, ait renvoyé dos à dos Washington et Pyongyang dans le camp des fauteurs de guerre. Lors de sa conférence de la session annuelle de l’ANP, il avait suggéré que les États-Unis fassent un geste d’apaisement en renonçant à leurs méga manœuvres annuelles avec les sud-coréens en échange du gel par Pyongyang des ses tests nucléaires et balistiques.

L’ancien PDG d’Exxon mobil venait de Tokyo et Séoul où, sur le sujet de la sécurité de l’Asie du Nord-est et celui de la question coréenne, ses déclarations avaient toutes pris le contrepied des attentes chinoises, notamment sur les alliances militaires et l’installation du système anti-missiles de théâtre en Corée du sud. Surtout, à Séoul, Tillerson a rejeté avec une inhabituelle brutalité la proposition de Wang Yi selon qui les États-Unis devraient négocier directement avec Pyongyang pour rechercher une solution au dilemme nord-coréen.

Lors d’une conférence de presse avec le ministre de la défense sud-coréen Yun Byung-se, et après avoir invité Pékin à cesser ses représailles contre le groupe sud-coréen Lotte puni en Chine pour avoir cédé des terrains destinés aux équipements du THAAD, le secrétaire d’État a en effet agité le spectre toujours dans les tiroirs du Pentagone, mais depuis longtemps sorti de l’éventail des discours diplomatiques de la Maison Blanche, d’une frappe préventive si la menace de Pyongyang atteignait un niveau inacceptable pour les forces coréennes et américaines sur la péninsule [1].

Aux États-Unis mêmes, l’hypothèse d’une frappe reste une option très controversée, mais, en l’occurrence, l’important n’est pas la pertinence stratégique de la menace, mais la brusquerie avec laquelle la proposition de Wang Yi a été rejetée par Tillerson.

Une volonté partagée d’accalmie.

Pour autant, tous les observateurs le disent, le pétrolier Texan est arrivé en Chine avec un rameau d’olivier à la main et, en poche, un message d’apaisement de Donald Trump à Xi Jinping assorti d’une invitation adressée au n°1 chinois à se rendre en Floride en avril. Formant un saisissant contraste avec l’agressivité antichinoise de la campagne électorale, l’empressement inhabituel de la Maison Blanche à convier le président chinois aux États-Unis si peu de temps après l’investiture de Donald Trump est en lui-même un signal dont il est impossible de minimiser l’importance.

La volonté d’afficher un désir d’apaisement était largement partagée par les Chinois. Lors de la rencontre avec Xi Jinping au Grand Palais du peuple et en présence des journalistes, les échanges entre les deux furent une mise en scène très efficace de l’apaisement. Tempérant un « tweet » du président tout juste 48 heures avant rappelant que la Chine « faisait peu de choses pour aider à la solution du problème nord-coréen », Tillerson rapporta les bonnes paroles de Trump affirmant que les relations sino-américaines ne pouvaient être qu’amicales.

A quoi Xi répondit en exprimant sa reconnaissance - « 定-义 美中关系 的 只能 合作 和 友好 我表示 赞赏 » -, ajoutant que les intérêts communs entre les deux dépassaient largement les divergences, la coopération bilatérale étant la seule option. L’échange continua sur les mêmes thèmes traditionnels de la contribution commune à la paix et de la connaissance mutuelle par le dialogue, bases d’une relation apaisée entre deux puissances qui se respectent l’une l’autre, épine dorsale maintes fois répétée par Pékin de ce que devrait être une « relation normale sur un pied d’égalité » entre « grandes puissances ».

Peu après, calibrée par l’agence officielle Xinhua, la presse officielle était exactement sur cette ligne avec de rares allusions aux contentieux en cours. Une exception, le 22 mars, le Quotidien du Peuple publiait un commentaire de Curtis Stone, détaché de l’Université de Chicago, réfutant une annalyse de Bonnie Glaser spécialiste reconnue des relations sino-américaines au CSIS et Directrice du projet « China Power ».

Dans un article paru dans le Washington Post, elle critiquait Tillerson pour avoir accepté de reconnaître les « intérêts vitaux chinois » sans contrepartie pour les priorités stratégiques américaines dans la région. A quoi Stone, strictement aligné sur le discours international de Pékin, répondit que les relations internationales n’étaient plus un jeu à somme nulle où un vainqueur prendrait le pas sur un vaincu, avec, en position dominante, les États-Unis restant l’autorité mondiale.

Dans l’avenir, les relations internationales devraient s’articuler autour du respect des interêts vitaux à long terme de chacun, par des échanges où il n’y aurait ni vainqueur ni vaincu, mais seulement des bénéfices mutuels.

Cette vision a été reprise par Hua Chunying, la porte parole du Waijiaobu. Le 23 mars, réfutant une question laissant entendre que Tillerson avait été trop laxiste avec la Chine, elle réaffirmait que l’esprit de coopération et de respect mutuel ayant présidé à la rencontre entre Xi Jinping et Tillerson ne pouvait pas être considéré comme la victoire d’une partie sur l’autre, mais comme un type de relations basées sur le respect mutuel et les intérêts partagés.

Note(s) :

[1La dernière fois que l’éventualité d’une frappe préventive américaine avait été évoquée, ce n’était pas par des responsables américains en fonction, mais, en juin 2006 par William Perry et Ashton Carter deux anciens responsables de la défense sous Clinton. Ashter qui fut vice-ministre de la défense, revint aux affaires en 2009 à la défense comme responsable acquisitions et logistique, puis comme ministre de la défense d’Obama en 2014.

Aujourd’hui, compte tenu de la capacité de riposte directe de la Corée du nord (artillerie classique, missiles et engins nucléaires, voire chimiques), essentiellement contre les populations sud-coréennes et japonaises, l’option d’une frappe préventive est devenue une solution à hauts risques pouvant conduire très vite aux extrêmes.


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