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Point sur la compétition technologique Chine – Etats-Unis

Le 12 avril, le WSJ a publié une intéressante synthèse de la compétition technologique entre la Chine et les États-Unis.

Deux idées sont à retenir.

1. Il est exact que les groupes américains continuent à produire parmi les ordinateurs les plus rapides, les avions de combat les plus performants et les robots les plus efficaces de la planète, mais grâce à la puissance des investissements publics chinois dans le secteur des hautes technologies, les innovations chinoises grignotent peu à peu les marges technologiques américaines.

2. Pour autant, un arrêt sur image montre que si la Chine a pris une nette avance dans le domaine de la 5G, pour l’instant du moins, les États-Unis possèdent un avantage dans certains secteurs cruciaux, notamment l’industrie des semi-conducteurs.

Considération connexe : Les progrès rapides de la Chine ont mis en alerte la Maison Blanche et sont à l’origine de la contre-offensive américaine. D’où un contrôle plus serré des exportations d’équipements « high-tech » et la campagne contre des scientifiques chinois aux États-Unis, accusés publiquement de voler les secrets des groupes américains.

Mais au-delà de cette riposte tactique coercitive critiquée par beaucoup, pour D. Trump, la priorité est clairement, comme il l’a dit lui-même alerté par ses conseillers, que les États-Unis remportent la course de la « 5G ».

5G : Qu’en est-il exactement ?

A la base, en Chine, comme toujours on trouve le Parti par lequel tout commence et tout finit. Grâce à ses directives verticales dispensées sans parasitage du haut vers le bas, l’appareil a cette capacité essentielle et sans équivalent sur la planète de mobiliser les énergies et les moyens techniques et financiers pour atteindre un objectif dont il a identifié l’importance stratégique.

En pleine révolution culturelle dans les années 60, il avait développé ses armes nucléaires classiques et à hydrogène ; trois décennies plus tard, ayant absorbé la technologie de Kawasaki qui en avait pris ombrage, il a construit en un temps record le plus vaste réseau TGV au monde ; entre 2002 et 2008 il a changé le visage de Pékin et de plusieurs villes hôtes des JO et construit une centaines de stades, salles de sport, piscines et bâtiments divers pour les JO de l’été 2008 et les jeux paralympiques du mois de septembre suivant.

Cette fois, il a ordonné aux 3 opérateurs publics des réseaux WIFI, pourtant concurrents sur le marché, de travailler ensemble. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Fin 2019 150 000 relais cellulaires 5G, certains utilisant les anciennes antennes 4G étaient installés dans le pays contre seulement 10 000 aux États-Unis qui pourtant ont dégagé 11 Mds de $ pour le projet, une somme presque identique aux 12 Mds chinois.

C’est que les Chinois ont un avantage foncier à la fois politique et culturel. Chez eux les procédures d’expropriation quand elles sont nécessaires sont presque toujours une formalité. En Occident où les terrains sont souvent privés et où monte une méfiance contre la nocivité des ondes, l’entreprise est autrement plus complexe. En Europe des plans existent, mais les installations piétinent. Aux Pays Bas et au Royaume Uni où 25 000 relais sont installés, certaines antennes ont été vandalisées.

Exemple : China Tower, la compagnie publique en charge de construire les antennes-relais mises à la disposition des trois opérateurs WIFI sommés de coopérer, utilise le plus souvent des terrains appartenant à l’État. Aux États-Unis, 95% des terrains et des toits d’immeubles où sont installés des relais sont privés, au loyer mensuel de 1300 $. Il faut 2 à 3 mois, dans les cas extrêmes jusqu’à 2 ans, pour trouver un accord opérationnel.

Sans compter que les opérateurs WIFI américains doivent acheter aux enchères publiques les plages de fréquence de la 5G, alors qu’en Chine elles sont mises à disposition à très bas prix avec, de surcroît, l’avantage technique que la bande de fréquence moyenne des 3,5 GHz utilisés par les Chinois combine mieux les exigences de vitesse et de portée que ne le font les bandes hautes et basses utilisées aux États-Unis.

Si on ajoute à tout cela que Huawei, le maître d’œuvre unique et incontesté en Chine des équipements d’infrastructure, désormais interdit aux États-Unis, mais souvent techniquement plus avancé et au moins 20% moins cher que ses rivaux occidentaux, on comprend pourquoi la Chine a pris de l’avance dans l’installation du réseau d’infrastructure de la 5G.

Aux Etats-Unis, Lucent Motorola les rivaux de Huawei sont mal en point. Après leur rachat par Nokia et Ericsson la compétition avec le groupe chinois a fait passer leurs comptes au rouge. Obligés de licencier et de se structurer, ils ont laissé à Huawei le marché européen.

S’il est vrai que Cisco Systems est le n°1 mondial des « routers » et des commutateurs connectant aux équipements cellulaires, tandis que Qualcomm et InterDigital engrangent d’importants bénéfices des royalties de leurs domination du marché des microprocesseurs et des équipements cellulaires, il reste que Huawei, moins cher et aussi performant, présent sur ces deux segments, grignote leurs avantages.

La 5G au Guizhou : la main de Xi Jinping.

Au passage, l’intervention politique de l’État chinois apparaît clairement quand on examine la répartition territoriale des nouveaux réseaux.
C’est en effet au Guizhou, ancien fief de Chen Min’er le plus fidèle appui du Président Xi Jinping et aujourd’hui n°1 à Chongqing où il a remplacé Sun Zhungcai condamné à la prison à vie pour corruption (lire : L’élimination « à vie » de Sun Zhengcai.) que se développe comme dans une expérience de laboratoire, le réseau 5G chinois. Lire : 19e Congrès : Qui est Chen Miner 陈 敏 尔 ?

Évoquant le très pauvre village de Tongguan en pleine zone montagneuse à 2500 km au sud de Pékin, le WSJ souligne qu’à l’été 2019, la 4G était disponible à 97,3% dans toute la province du Guizhou alors qu’en Virginie occidentale la couverture n’était que de 85,3%.

Effet du pragmatisme économique la connexion internet de ce territoire reculé de Chine devenu une région pilote, a redonné vie à une société rurale pauvre où se développe le commerce en ligne de légumes, de poivre en grains et d’une marque de sauce tomate en boîte fabriquée sur place. Les commandes des clients sont envoyées par téléphone portable via WeChat et livrées à partir d’un entrepôt régional qui stocke les produits comme une coopérative.

L’enthousiasme d’un jeune maraîcher devenu un industriel du jus de tomate connecté au marché, est sans limites : « La 4G a déjà amélioré la vie du village. Nous étions isolés. Voilà que nos produits sont très demandés en Chine. Vivement la 5G qui nous reliera au marché mondial ».

Mais prenant le contrepied des analyses pessimistes, Ajit Pai, Président de la Commission fédérale américaine des télécoms (Federal Communications Commission -FCC -) croit en l’avenir de la 5G aux États-Unis. En substance, il affirme que tenir la corde dans une compétition technologique ne préjuge pas de l’issue de la course.

Rappelant que la compétition dans l’espace et vers la lune avait été gagnée par les États-Unis malgré l’avance initiale de l’URSS, il relaye les propos des acteurs américains des télécoms selon lesquels la fiabilité et la rapidité des relais cellulaires américains seraient meilleures que celles des chinois dont l’avantage est, pour l’heure, uniquement quantitatif.

« Soyons clairs : les États-Unis, et non la Chine, sont en tête sur la 5G » (…) « À l’heure actuelle, nous avons déjà des déploiements commerciaux 5G dans de nombreuses villes de notre pays, tandis que pour l’instant la Chine n’en a pas. » A suivre donc.

Le WSJ continue la comparaison Chine – États-Unis à propos de l’Intelligence artificielle, des ordinateurs quantiques des microprocesseurs et des véhicules autonomes.


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