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Pékin « teste » le Japon

Le conflit qui agite la relation entre Pékin et Tokyo depuis plus de deux semaines s’inscrit dans la situation générale en Asie du Nord-est, marquée par la rivalité stratégique, pour l’heure irrémédiable, entre la Chine et le Japon.

La situation a évolué le 25 septembre, avec la décision de Tokyo de relâcher Zhan Qixiong, capitaine d’un chalutier chinois détenu au Japon pendant 17 jours, après la double collision de son bateau avec deux gardes côtes japonais dans la zone des îlots volcaniques des Senkaku (Diaoyu pour les Chinois). Ces derniers, situés à moins de 100 miles nautiques au Nord-est de Taïwan, sont revendiqués, depuis 1945, à la fois par la Chine, Taïwan et le Japon.

Mais la querelle est loin d’être épuisée. Aux Chinois qui demandaient que Tokyo s’excuse publiquement, le Ministre des Affaires étrangères japonais, Seiji Maehara, récemment nommé, et connu au sein du parti démocrate pour ses réticences à l’égard de la Chine, a répondu que la requête de Pékin était « sans fondements et totalement irrecevable ».

Plus encore, peu avant la relaxe du pêcheur chinois, on apprenait par l’agence Xinhua, que 4 Japonais, membres de Fujita Corporation, appartenant depuis 2009 à Goldman Sachs, travaillant au nettoyage des sites pollués par les armes chimiques japonaises de la deuxième guerre mondiale étaient accusés d’avoir filmé des installations sensibles, et placés en détention dans une emprise militaire à Shijiazhuang, 250 km au sud ouest de Pékin.

Retour des tensions après 5 années d’apaisement

A Tokyo on se souvient des années noires 2004 et 2005, qui furent jalonnées par des débordements nationalistes en Chine, que Pékin avait tardé à mettre sous le boisseau, ciblant les intérêts japonais et par de fortes tensions en Mer Jaune, autour des gisements de gaz contestés.

Le différend s’était envenimé en 2004 quand la Chine avait commencé des forages sur l’un des gisements de gaz, à quoi le Japon avait répliqué par l’envoi sur zone de plusieurs navires de guerre et avions de patrouille maritime.

Cette fois, les crispations ont surgi après une période de calme commencée en 2006, suivie d’une embellie, avec, en avril 2007, la visite au Japon de Wen Jiabao et, en mai 2008, celle du Président Hu Jintao. Le mois suivant, les deux pays signaient un accord cadre sur l’exploitation conjointe du gaz en Mer Jaune". Il est probable que ce nouvel épisode de tensions laissera des traces dans un contexte général de tensions en Mer de Chine, où Pékin affirme de plus en plus clairement ses prétentions de souveraineté.

Ces dernières induisent mécaniquement un renforcement des positions américaines en Asie du Sud-est. En amont de la réunion à New-York entre les Etats-Unis et ses alliés de l’ASEAN, le Premier Ministre Singapourien Lee Hsien Loong a affirmé que « les Etats-Unis jouaient en Asie un rôle que la Chine ne pourrait pas tenir : celui d’y maintenir la paix et la stabilité ». Dans le même temps, quoique de manière plus prudente, les Philippines, l’Indonésie, la Malaisie, Brunei et même le Vietnam encouragent discrètement Washington à défendre la liberté de navigation en Mer de Chine.

La querelle des Senkaku - Diaoyu renvoie à la fois à la question de la souveraineté sur les îlots, avec en arrière plan les potentiels de gisements de gaz autour de l’archipel, et à la profonde méfiance stratégique qui dessine le fond de tableau de la relation entre les deux pays depuis la fin de la guerre. (Lire à ce sujet l’article de QC du 2 avril 2007 : « Relations Chine Japon. Les non-dits de l’irrationnel).

Selon la version japonaise que contestent les Chinois, l’archipel, cédé au Japon en 1895, en même temps que Taïwan par la dynastie mandchoue - traité de Shimonoseki -, n’aurait pas été rendu à la Chine en 1945 après la défaite japonaise.

Fortes crispations et tensions nationalistes

Le 21 septembre, après une succession de déclarations menaçantes de plusieurs hauts responsables du MAE chinois et six convocations de l’ambassadeur japonais à Pékin, dont une au milieu de la nuit, le premier ministre Wen Jiabao lui-même avait sommé Tokyo de relâcher « immédiatement et sans conditions », le capitaine du bateau chinois.

Lors de la détention de Zhan Qixiong au Japon, la Chine a annulé les négociations finales sur les tarifs des exportations de charbon vers le Japon et sur l’augmentation du nombre des liaisons aériennes avec l’archipel. La querelle a également provoqué la suspension des pourparlers pour l’exploitation conjointe des gisements de gaz en Mer Orientale, dans le cadre de l’accord de 2008. (Voir l’article de QC du 20 juin 2008 « Accord historique d’exploitation conjointe du gaz en Mer de Chine orientale »).

Dans ce contexte, le Japon, d’autant plus irascible que son grand voisin monte en puissance à sa porte, et affirme sans complexe sa souveraineté sur des zones qu’il revendique également depuis des lustres, a mis en garde Pékin contre des débordements nationalistes tels que ceux observés en Chine en 2004 et 2005.

On pourrait même assister à une escalade militaire avec risques d’incidents plus sérieux, si les deux marines décidaient d’engager des unités de combat de plus fort tonnage, comme l’avait fait le Japon en Mer Jaune en 2004. A cet égard, un sujet de préoccupation est l’hypothèse japonaise selon laquelle la Chine allait lancer une exploration unilatérale en Mer Jaune en violation des accords de 2008.

Selon l’agence de presse japonaise Kyodo News, les forces d’auto défense japonaises auraient pris des photos montrant que la Chine avait récemment transporté des équipements de forage sur le site du gisement de gaz contesté en Mer Jaune.

Le tout est attisé en Chine par les sentiments anti japonais hérités de la brutale occupation de la Chine par l’armée nippone entre 1931 et 1945. A Tokyo, la classe politique qui observe la montée en puissance de l’APL avec inquiétude, continue d’éprouver une profonde méfiance à l’égard du régime chinois qui bloque sans esprit de recul tout espoir d’attribution au Japon d’un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité.

Il est un fait que, de part et d’autre, les sentiments nationalistes pèsent sur les gouvernements et gênent les éventuels efforts de conciliation.

Au Japon, les intellectuels et le Parti libéral critiquent vertement le pouvoir pour avoir cédé à la Chine : Hidenori Ijiri, professeur de relations internationales à Tokyo estimait que « les pressions exercées par la Chine sur le Japon étaient immorales », ajoutant que « Tokyo, dont la diplomatie a montré sa faiblesse, ne devrait pas donner le sentiment qu’il cède facilement aux pressions de Pékin ». Quant au parti Libéral, il qualifiait la relaxe du capitaine chinois de « stupide »

En chine, le Global Times, surgeon du Quotidien du Peuple, publiait le 23 septembre un article au titre menaçant : « Trouver le talon d’Achille du Japon », où tout un paragraphe examinait les possibles mesures de représailles économiques contre l’archipel, y compris au moyen de manœuvres obliques qui pourraient s’affranchir du droit international des affaires.

« Il est aujourd’hui clair que la Chine sera contrainte d’endurer de longues tensions avec le Japon (...). Elle doit en identifier les vulnérabilités, afin d’y exercer des pressions directes, capables de faire mal. (...) Les compagnies japonaises doivent prendre conscience des pertes qu’elles pourraient subir (...) Les lois chinoises et les consommateurs (des produits japonais) peuvent tous être manipulés ».

Pour ne rien arranger, Pékin a été contraint de démentir une information publiée par le New-York Times, selon laquelle elle aurait bloqué les exportations de terres rares vers le Japon. Toutefois, selon Reuters, aucun des intermédiaires japonais ou chinois impliqués dans ce commerce n’a confirmé la mesure de rétorsion chinoise.


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