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Mer de Chine du sud : risques de conflits. Pékin tente d’apaiser Tokyo et Hanoi et maîtrise sa colère contre Washington

Relation obligée entre Pékin et Washington.

Signes d’apaisement avec Hanoi et Tokyo.

Obama et Xi Jinping, à Washington fin septembre. Relations tendues mais incontournables.

Pour autant, s’il est vrai qu’on ne distingue pas encore de solution, on ne peut manquer de constater qu’au delà des empoignades verbales et des postures martiales, les États-Unis et la Chine tentent de circonscrire leurs différends dans des limites contrôlables en nourrissant un très dense tissu de relations.

En moins d’un an, Obama et Xi Jinping se sont respectivement rendus en Chine et aux États-Unis, qui développent un nombre considérable de coopérations (plus d’une centaine dans les domaines les plus divers, selon le Département d’État) y compris sur le sujet jusque là très bloqué en Chine de la protection de l’environnement et entre leurs marines de guerre (lire notre article Entre raison, émotions et rivalités stratégiques, la marine chinoise participe à RIMPAC).

Le tout baignant dans de vastes échanges commerciaux évalués à 600 Mds de $ en 2014 qui, avec l’achat par la Chine de bonds du trésor américains, prêts consentis par Pékin à la Réserve fédérale, tissent un écheveau très dense d’interactions dessinant des rapports complexes. S’il est vrai que l’émotion nationaliste pourrait les faire dérailler, leur nature est fondamentalement différente de ceux de la « guerre froide » dont le vieux visage resurgit de temps à autres.

Surtout, en prenant de l’altitude on perçoit que Pékin a récemment entrepris de raccommoder quelques uns des ses liens de voisinage passablement endommagés, notamment avec Tokyo et Hanoi. La manœuvre ne présage certes pas un basculement de la stratégie chinoise en mer de Chine du Sud, mais, à tout le moins, indique t-elle une souplesse nouvelle.

Reprise du dialogue à trois entre Séoul, Pékin et Tokyo.

Le 1er novembre reprise du dialogue à trois Pékin, Tokyo, Séoul interrompu depuis 3 ans. De gauche à droite Shinzo Abe, Park Geun-hye et Li Keqiang. Au programme le dialogue à 6, la dénucléarisation de la péninsule, le traité de libre échange et sur un mode plus discret, les exactions japonaises de la guerre en Corée et en Chine.

Le 1er novembre dernier, pour la première fois depuis 3 ans, Séoul, Tokyo et Pékin se sont retrouvés en Corée du Sud, pour se faire la promesse qu’en dépit de leurs différends stratégiques et territoriaux, ils se retrouveraient régulièrement chaque année. Contrairement, à la réunion des ministres de la défense de Kuala Lumpur le communiqué final qui n’entre pas dans les détails, est plutôt riche d’espoirs.

Après 3 années d’interruption, les trois grands pays d’Asie du Nord-est dont l’histoire, la culture et les économies sont étroitement imbriquées, se sont retrouvés en dépit des sévères aigreurs nées des tumultes de l’histoire, des rivalités de puissance, avec, par dessus tout en Chine et en Corée, un contentieux toujours vivace avec Tokyo, résultats des exactions de l’empire nippon durant la 2e guerre mondiale. Mais la relation à trois est encore compliquée par le fait que Tokyo et Séoul, anciens frères ennemis dont les discordes sont loin d’être réglées, se retrouvent au sein d’une alliance militaire avec les États-Unis, eux-mêmes embourbés dans une tension aggravée avec la Chine qui, au XVIe siècle, prêta main forte à la Corée contre le Japon avant que la dynastie Qing ne vassalise la péninsule.

Par contraste, le poids compliqué et douloureux de l’histoire éclaire d’autant plus les efforts des trois pour apaiser leurs relations. Le fait qu’ils aient convenu de se retrouver en 2016 à Tokyo, alors que Séoul et Pékin nourrissent toujours de profonds griefs contre le Japon, augure favorablement de la suite et marque une rupture avec les tensions qui ne cessaient de s’exaspérer depuis 2010.

Attisée par les ratés de l’économie et la force de leurs interdépendances, la bonne volonté des trois qui s’affiche à nouveau, est aussi le résultat de la prise de conscience chinoise. Pékin sait bien que ses antagonismes récurrents avec Tokyo nourrissent la proximité stratégique entre le Japon et les États-Unis dont les effets se répercutent d’autant plus sur la situation en mer de Chine du sud que, désormais, les forces d’auto-défense japonaises peuvent intervenir loin de l’archipel, éventuellement en appui de la 7e Flotte.

Compte tenu des relations en dents de scie entre Pékin et Tokyo on se gardera de prendre au pied de la lettre la déclaration de la présidente coréenne Park Geun-hye déclarant, après la conférence, que l’esprit de la coopération trilatérale dont c’était la 6e session depuis 2008, avait été complètement restaurée.

Il n’empêche que, même si les contentieux de l’histoire ont resurgi par quelques brèves allusions du premier ministre chinois sur l’insuffisance des contritions japonaises ou par des accusations plus directes de la présidente coréenne à propos des « femmes de réconfort » coréennes et chinoises enlevées pour approvisionner les bordels militaires de campagne de l’armée nippone, Shinzo Abe, Park et Li Keqiang se sont retrouvés sur la relance d’un dialogue à 6 « plus efficace » (avec Moscou, Washington et Pyongyang) pour la dénucléarisation de la péninsule, sans pour autant dire comment, et pour accélérer les négociations en vue d’un traité de libre échange à 3 qui donnerait à la Chine le moyen d’un efficace contrepoids au Transpacific Partnership (TPP) de Washington.

Lire aussi :

- Relations Chine-Japon. Les non-dits de l’irrationnel
- Chine-Japon : accord historique d’exploitation conjointe du gaz en Mer de Chine orientale
- Le triangle Chine – Japon – Etats-Unis entre raison et émotion. Quelle sortie de crise ?

Raccommodage compliqué de la relation avec Hanoi.

Le n°1 chinois est officiellement accueilli à Hanoi, le 5 novembre. C’était la première visite d’un président chinois depuis 10 ans. De gauche à droite Peng Liyuan, Xi Jinping, Nguyên Phu Trong, secrétaire général du PC vietnamien et son épouse.

L’autre événement témoignant d’un ajustement de Pékin aux réalités d’une situation qui commence à cristalliser des hostilités envers la rigidité de la politique chinoise en mer de Chine du sud, est la visite de Xi Jinping au Vietnam où, le 5 novembre dernier, il a reçu un accueil prestigieux. Première visite à Hanoi d’un n°1 chinois depuis 10 ans, l’événement est à mettre directement en perspective avec les tensions sino-vietnamiennes en mer de Chine du Sud qui, en mai 2014, avaient dégénéré en de violentes échauffourées anti-chinoises au Vietnam (lire notre article Explosion de violences anti-chinoises au Vietnam). Pour Pékin, le contentieux s’est encore alourdi quand, en décembre 2014, à la suite de Manille, Hanoi avait demandé l’arbritrage de la Cour Internationale sur le droit de la mer.

Depuis, Pékin s’applique à réparer les dégâts au moyen une stratégie amicale commencée en avril 2015 par l’accueil en Chine du n°1 vietnamien Truong Tan Sang. Le voyage retour du président chinois 6 mois plus tard qui fut précédé par une série de visites de bons offices de Yang Jiechi, ancien ministre des affaires étrangères en charge des Affaires stratégiques, puis de Yu Zhengcheng, n°4 du Politburo, est la 2e phase d’une manœuvre articulée autour d’une aide financière des banques chinoises pour construire des infrastructures routières et ferroviaires vers la Chine à quoi s’ajoutent des projets sociaux et de santé, et la promesse commune des deux de mieux gérer leurs différends en mer de Chine du sud à l’avenir.

Hanoi insiste pour le maintien du statu-quo et la signature d’un code de conduite excluant la militarisation des îlots. Pour Pékin qui, tout à ses querelles avec Washington, n’est pas tout à fait sur cette ligne, l’enjeu est d’importance, car son très rétif voisin vietnamien lorgne avec insistance vers Tokyo et Washington pour lui faire contrepoids. Compte tenu des contentieux territoriaux en cours, la compétition d’influence au sein de la machine politique vietnamienne entre une faction proche de Pékin et une mouvance pro-occidentale violemment critiquée par les conservateurs pro-chinois pourrait constituer un des thèmes les plus disputés du 12e Congrès du Parti Communiste vietnamien en janvier 2016.

Hanoi, un interlocuteur rétif.

Mais tout indique que la restauration de la relation sino-vietnamienne n’en est encore qu’à ses débuts. S’il fallait illustrer à quel point le rattrapage d’influence de Pékin au Vietnam est complexe, il suffirait de se souvenir d’abord que Hanoi a signé le traité de libre échange du Transpacific Partnership proposé par Washington et dont la Chine est exclue, ensuite que la visite de Xi Jinping a coïncidé avec celle du ministre de la défense japonais, le général Nakatani.

Ce dernier, arrivé à Hanoi le 6 novembre, 24 heures à peine après Xi Jinping, tirait profit du fait que Tokyo a placé Hanoi en tête de ses objectifs d’aide directe, dont une part importante est destinée aux coopérations de sécurité maritime (1,5 Mds de $ en 2015).

Le ministre japonais avait dans ses valises un projet d’escale des navires de guerre japonais au port de Cam Ranh situé à 300 nautiques à l’ouest des Spratly qui fut l’emblématique base navale américaine pendant la guerre avec le nord, puis un puissant point d’appui soviétique. Nakatani qui, contrairement à la Chine, s’est réjoui des nouvelles facilités d’intervention accordées à la marine japonaise par la diète en septembre dernier, a également évoqué l’approfondissement de relations militaires entre les deux pays.

La visite faisait suite à la livraison de 2 premiers garde-côtes japonais de 800 tonnes, sur un total de 6. Comme avec Manille la coopération martime japonaise avec le Vietnam est orientée vers les techniques de surveillance côtière, avec une priorité : tenir à distance les nombreuses intrusions des pêcheurs chinois dans les eaux vietnamiennes.

Bâtiments de guerre chinois en Floride.

Enfin par dessus les efforts chinois d’apaisement en direction de Hanoi et de Tokyo, coexiste, en même temps que les postures bravaches sino-américaines en mer de Chine du sud, une réelle intention réciproque à Pékin et Washington de protéger la relation bilatérale pour éviter qu’elle ne s’envenime au-delà d’une limite irréparable. Comme si les deux avaient conscience qu’en dépit des échauffourées nationalistes et des démonstrations martiales, leur coopération était inévitable.

Ainsi, alors même que les échos irrités des dernières tensions autour du récif de Subi n’étaient pas encore retombés, le Quotidien du Peuple publiait un reportage photos amical de l’escale à Jaksonville en Floride d’un groupe naval chinois composé de la frégate lance-missiles Yiyang, du destroyer Jinan et du ravitailleur Qingdao.

Fait exceptionnel, les marins chinois furent accueillis par le Contre Amiral féminin Mary Jackson, préfet maritime de la région Sud-ouest. A cette occasion, le ton des discours échangés entre l’Amiral Jackson, l’Ambassadeur de Chine Cui Tiankai et le capitaine de Vaisseau Wang Jianxun commandant la flottille en escale contrastaient radicalement avec l’acrimonie des mises au point chinoises et américaines à propos des querelles en mer de Chine du sud.


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