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Ma Ying-jeou et Tsaï Ing-wen en quête du futur de l’Île

Il est rare que dans une région du monde quelle qu’elle soit, les déplacements de figures politiques majeures soient à ce point reliés à la marche globale de la planète, aux idéologies politiques rivales qui la sous-tendent et, de surcroît, véhiculent les risques assumés ou sur-joués d’un conflit de grande ampleur.

Au moment où l’ancien président taïwanais Ma Ying-jeou (2008-2016), qui fut aussi par deux fois le Président du KMT (2005 – 2007 et 2009 - 2014), rival malheureux du Parti Communiste chinois de la guerre civile chinoise, et huitième successeur de Sun Yat-sen effectue un long voyage d’une semaine en Chine continentale, Tsai Ing-wen l’actuelle présidente de Taïwan qui porte une pensée de rupture avec le Continent a, le 5 avril, au retour d’une visite au Guatemala et à Belize [1], rencontré le sénateur Mc Carthy.

La rencontre avec la troisième personnalité politique américaine, 2e dans l’ordre de la succession présidentielle, fervent promoteur d’un resserrement des liens avec Taïwan dont le positionnement politique est clairement hostile à Pékin a eu lieu sous les menaces répétées de Pékin qui dénie à l’Île toute latitude internationale.

Alors que la Chine accentue ses pressions dans le Détroit, la symbolique des deux visites parallèles trace des visions radicalement contrastées de l’avenir de l’Île où, depuis 2016, année de la première élection de Tsai, la défiance à l’égard du Continent n’a cessé de monter, tandis que l’audience électorale du KMT a faibli.

Ma Ying-jeou sur les traces « d’une seule Chine ».

Arrivé à Shanghai, le 27 mars Ma, 73 ans, qui a quitté la Chine le 7 avril était à la tête d’une délégation d’étudiants pour une visite au Mausolée de Sun Yat-sen le 28 mars et un pèlerinage sur les traces de ses ancêtres. A son arrivée il a clairement précisé sa position et celle du KMT « Les peuples des deux rives sont Chinois et descendants de l’Empereur Jaune ». Le lendemain il se recueillait au mémorial du massacre de Nankin.

Ayant pris soin de préciser qu’il n’irait pas à Pékin pour rencontrer Xi Jinping, il s’est le 30 mars, entretenu avec Song Tao, ancien Directeur du Bureau des relations internationales du Parti et Directeur du Bureau des Affaires Taïwanaises pour lui confirmer que le KMT restait attaché au « Consensus de 1992 ».

Sept années après avoir perdu le pouvoir à la suite de la sérieuse déconvenue du rejet au printemps 2014 de son « accord cadre » sur les services avec la Chine (lire : Taïwan : Craquements politiques dans l’accord cadre. Les stratégies chinoises en question), assimilé à une imprudente tentative de réunification rampante par des ONG, des Universitaires et des Étudiants qui occupèrent le Yuan Législatif durant trois semaines (mars – avril 2014), Ma est critiqué par la direction du Parti à Taipei.

Pour Eric Chu, président du KMT, peut-être agacé par cette incursion sur ses plates-bandes, Ma Ying-jeou, est dans « une démarche personnelle “égotique“ de réécriture de son héritage historique.  » Il y a probablement plus.

En amont des élections présidentielles de janvier 2024, l’ancien président taïwanais tente de démontrer la capacité du KMT à détendre l’atmosphère dans le Détroit, tandis que les opposants à Tsai Ing-wen la présentent comme inféodée aux États-Unis directement responsable des tensions par son refus d’endosser le « consensus de 1992 » et ses contacts répétés avec des responsables américains de haut niveau.

Les contradictions historiques du KMT.

Les avis sont partagés. Pour Tso Chen-dong, 左正東 jeune professeur de sciences politiques à l’Université Nationale de Taïwan, Docteur en sciences politiques formé à Denver aux États-Unis, la visite pourrait réduire les tensions et dissiper une partie de la défiance dans le Détroit, mais, même si les médias rappellent la rencontre entre Ma et Xi Jinping à Singapour en 2015 (lire : Pour la première fois un président chinois rencontre le chef de l’exécutif taïwanais en exercice), il estime que l’impact sur les élections à venir sera marginal.

La réalité est que pour le KMT héritier du projet de réunification, l’évolution de l’électorat de l’Île qui balance entre le statuquo, la crainte d’un embrasement, le désir de liberté et le rejet du rattachement avec le Continent tant qu’il sera dirigé par le Parti Communiste, complique la construction d’une ligne politique claire.

Pour l’instant sa seule marge de manœuvre politique est à double face. La première est celle empruntée par Ma Ying-jeou qui spécule sur la capacité d’apaisement, avec cependant la nuance qu’au KMT il n’y pas non plus d’appétit pour la réunification avec les héritiers de Mao.

La deuxième est que le paysage politique de l’Île est en pleine évolution. Avec le surgissement d’une troisième force « centriste », le recul de l’audience du DPP et le surgissement à la mairie de Taipei de l’arrière-petit-fils de Tchang Kai-chek, Jiang Wan-an, 將 萬 安 portant l’héritage symbolique de la réunification revisitée par un esprit démocratique les cartes politiques de la prochaine présidentielle se rebattent sous nos yeux (lire : Le DPP secoué par les élections locales. Retour des Chiang. La nébuleuse des « Indépendants », troisième force potentielle).

Le 5 avril, Ma était à 48 heures de la fin de son voyage, après avoir, avec les étudiants qui l’accompagnaient, visité Shanghai, Nankin, Wuhan, Changsha, l’Université du Hunan, Chongqing et les lieux de mémoire dont la tombe de ses ancêtres, le mausolée à Nankin de Sun Yat-sen honoré de chaque côté du Détroit et le mémorial aux victimes du massacre de Nankin par le Japon Impérial en août 1937.

A ce moment, à l’autre extrémité du Pacifique, la Présidente de Taïwan Tsai Ing-wen, 蔡英文, avocate portant un projet de rupture avec le Continent, mais qui à ses deux cérémonies d’investiture (2016 et 2020), a prêté serment face au portrait de Sun Yat-sen, réélue en janvier 2020 avec un score confortable 57,1% des voix favorisé par la mise au pas de démocrates à Hong Kong, rencontrait le sénateur Mc Carthy.

Symbole aux États-Unis de la résistance aux ambitions sino-russes de remodeler l’ordre du monde en s’appuyant sur le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, parties avec Moscou et Pékin des BRICS, le nouveau président républicain de la Chambre des représentants, cultive avec la majorité de la classe politique américaine, l’idée que la démocratie taïwanaise doit être fermement protégée contre les menaces d’invasion du Continent.

Note(s) :

[1Deux des treize liens officiels restant à l’Île d’un réseau diplomatique que Pékin s’efforce avec succès de réduire à sa portion congrue, alors même que le 26 mars, le Honduras rompait ses liens avec Taïwan. Lire : Coups de boutoir méthodiques de Pékin contre l’Île. Le Panama quitte le navire taïwanais.


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