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Les vents contraires de la relation Chine – Europe

Publié le 1er décembre 2017, « China at the gate », par François Godement et Abigael Vasselier est le 2e rapport de l’European Council on foreign relations sur les relations entre l’UE et la Chine.

Le premier rapport publié au printemps 2009 par François Godement et John Fox, était déjà un constat sans concession des vulnérabilités européennes face à la Chine et un appel pour plus de cohésion et plus de pragmatisme dans la politique chinoise de Bruxelles. Lire : Chine Europe. Le vent tourne.

Le nouveau travail enfonce le clou autour de plusieurs idées maîtresses allant du raidissement européen résultat d’une prise de conscience des États membres, aux stratégies chinoises articulées à un changement de paradigme reléguant le droit et les possibilités d’arbitrage des conflits à un rang subalterne, en passant par l’absence de réciprocité commerciale dans les échanges, les risques de captations de technologies et une mise en perspective des Investissements Directs étrangers chinois en Europe.

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Il est un fait que Chine donne le sentiment que, développant une stratégie planétaire, perceptible notamment par un mouvement global de prise de contrôle de la gestion de nombreux ports partout dans le monde, est décidée à promouvoir ses propres règles d’arbitrage séparées de la jurisprudence onusienne, dans un contexte où, en même temps, elle exige chez elle des transferts de technologies contraires aux règles du droit de propriété intellectuelle, en échange de l’accès au marché chinois.

Tel est le contexte qui fut à l’origine, d’abord d’une chute notable des investissements européens en Chine entre 2015 et 2016, tombés à 7,7 Mds d’€, ensuite d’une réaction de crispation des autorités de l’UE.

Crispations européennes.

Le premier point d’orgue du raidissement européen face à Pékin, coïncidant avec le « Brexit », eut lieu le 24 juin 2016, quand la Commission de l’UE et la Haute Représentante pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité adressèrent une note politique conjointe au parlement européen et au Conseil européen (Sommet des Chefs d’États).

Après une longue partie décrivant les opportunités et les espoirs de la relation Chine – Europe, le texte qui insistait sur la nécessaire solidarité des membres de l’UE à l’international, pointait du doigt l’évolution et la puissance des stratégies extérieures chinoises et affirmait la nécessité pour les pays de l’Union d’agir en « bloc cohérent et avec efficacité » afin, disait le texte, « de promouvoir les intérêts de l’Europe et de ses citoyens ».

Le deuxième épisode des crispations eut lieu le 2 juin 2017 à l’occasion du 19e sommet UE – Chine où Pékin était représenté par Li Keqiang, le premier ministre.

A cette occasion, ce dernier, placé sous la contrainte de la puissante bureaucratie du ministère du commerce qui l’accompagnait, continua à adopter la position intransigeante de Pékin d’une plainte à l’OMC contre le refus de Bruxelles d’accorder le statut d’économie de marché à la Chine. En représailles, Li Keqiang refusa d’endosser une déclaration commune sur le climat proposée par Bruxelles.

Sur le sujet du « statut d’économie de marché » de la Chine, lire la note de synthèse de Question Chine du 20 novembre 2016.

« Les représailles » qui furent le réflexe de la bureaucratie chinoise à Bruxelles, utilisant souvent l’accès (ou non) à son vaste marché, sont un réflexe récurrent de la Chine. L’objet des ripostes n’est d’ailleurs pas uniquement commercial.

Représailles et mises aux normes.

En 2008, Pékin agacé par les positions françaises sur le Dalai Lama avait déjà annulé un sommet UE – Chine. En 2010, pour protester contre l’attribution à Liu Xiaobo du prix Nobel de la paix, condamné à 11 années de prison pour « incitation à la subversion de l’État » alors qu’il faisait circuler une pétition demandant la fin du parti unique, Pékin décida de suspendre les négociations commerciales en cours avec Oslo « punie » après la décision du Comité Norvégien du prix Nobel, pourtant indépendant du pouvoir politique.

Au passage, rappelons que, quand il s’agit de la sécurité politique du Parti unique au pouvoir, le régime chinois est intraitable et féroce. Dans un article paru dans la « Revue des deux Mondes » en mars 2018, Anne Cheng, sinologue, titulaire de la chaire « Histoire intellectuelle de la Chine » au Collège de France écrivait que « Liu Xiaobo était mort presqu’en martyr en 2017 », dans une ambiance politique où, pour le Parti, « il n’existait pas ».

Ajoutons que, pour Pékin, « la faute » de Liu Xiaobo décédé d’un cancer du foie était d’autant plus grave qu’il avait reçu l’appui des États-Unis.

Lire à ce sujet : Les raisons de l’impitoyable sévérité du Parti.

Dernière représaille en date, le 21 mars 2018, Pékin refusait l’entrée en Chine à John Hugh, Australien d’origine chinoise renvoyé à Sidney après l’atterrissage de son vol à Shanghai en riposte à son engagement pour la défense de la démocratie en Chine.

L’incident faisait suite à la « séquestration » temporaire pendant une semaine en mars 2017 en Chine du professeur Feng Chongyi résident à Sydney, mais toujours titulaire d’un passeport chinois, pour s’être élevé contre l’organisation d’un concert en l’honneur de Mao Zedong qui, dit-il « était pour nombre d’Australiens, le symbole de la dictature, de la violence et de la persécution politique ».

Pour conclure ces réflexions sur la tendance de Pékin aux représailles, y compris pour « corriger une mauvaise manière de penser », en articulant un raisonnement aux arrière-pensées morales, il faut préciser que la reprise des relations avec Oslo en 2016 fut entourée de commentaires chinois exprimant la tendance politique « normative » de la pensée du Parti.

A cette occasion, Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères, ignorant toujours que le gouvernement norvégien n’avait rien à voir avec l’attribution ou non du prix Nobel, expliquait que la Norvège avait « sérieusement réfléchi aux raisons pour lesquelles la confiance mutuelle avait été affaiblie et à la manière d’améliorer les relations bilatérales ».


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