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Les Formosans de souche par John Thomson. Une exposition à Taïwan à partir du 18 juillet

约翰·汤姆生:一 個半世紀後的故地重游 台灣早期攝影展

Pour visionner les photos de l’exposition, cliquer sur : Les premières photographies de Formose par John Thomson en 1871 (pdf).

Du 18 juillet à la mi-octobre 2020, le Musée ShungYe des Aborigènes formosans à Taïwan 順益台灣原住民博物館 museum.org.tw présentera cinquante photos et trente gravures sur bois de John Thomson datant d’avril 1871.

Le célèbre explorateur et photographe portraitiste écossais (1837 - 1921) voyageait avec son compatriote James Laidlaw Maxwell, fondateur des premières chapelles presbytériennes à Taïwan et du premier dispensaire médical de style occidental.

L’exposition est une version actualisée d’une première de Françoise Zylberberg et René Viénet en 2006 lors de l’Exposition internationale du livre de Taipei, puis en 2008 à la Bibliothèque nationale de l’Université de Taiwan, avec des conférences de Richard Ovenden, John Falconer, William Schupbach, Barbara & Michael Gray -. Elle présentait le seul ensemble encadré connu des 96 plaques originales (218 vues) des « Illustrations de la Chine et de son peuple » par John Thomson.

Ce projet global a commencé il y a près d’un demi-siècle, lorsque Viénet, en 1978, a identifié John Thomson comme le photographe original de 80 épreuves à l’albumine décolorées de la Société de géographie française, tirages originaux de Thomson fournis à son éditeur français pour préparer des gravures sur bois, dont huit images de Taïwan.

Depuis, Viénet a coopéré avec Michael Gray à de multiples occasions à propos de John Thomson, la plus réussie des expositions étant celle de l’année 2014 au Musée de Macao présentant des collotypes encadrés de Chine (avec 103 000 visiteurs), puis à Paris.

Wei YanNian.

De l’importance de Taïwan dans le monde chinois, Pavel Benyovszky

Couvrir l’actualité chinoise aboutit souvent à pédaler le nez dans le guidon, très vite et sans prendre le temps du recul. Il est donc salutaire de lever les yeux, de regarder en arrière, bref de ne pas perdre de vue les événements du passé qui - il faut s’en souvenir — parfument ou façonnent (et quelques fois déterminent) le présent.

Comprendre la Chine, implique aussi - entre autres - de s’intéresser à Taïwan, témoin rebelle et obsédant d’une guerre civile inachevée, devenu, face à la République Populaire, la seule démocratie du Monde Chinois.

*

Formose a joué un rôle fondamental dans la modernisation du Continent, lors des réformes et de l’ouverture lancée par Deng XiaoPing. Tout d’abord par une désescalade mutuelle et raisonnable des hostilités, encouragée par Washington. On oublia, des deux cotés du Détroit, les meurtriers affrontements passés, tandis que le KuoMinTang devenait même pro-Pékin, en passant de l’autre coté du cheval.

Puis vint le temps des investissements, énormes (le plus souvent très profitables de part et d’autre), par les entrepreneurs taïwanais et un transfert de savoir-faire et de carnets d’adresses internationaux mis en commun.

Taïwan avait une langue commune et la recette du succès : celle de ses propres performances dans la modernisation et le destin improbable d’une île ostracisée par les diplomates après avoir été ruinée par la guerre mondiale. Elle fut aussi meurtrie par les massacres de 1947 commis par le KuoMinTang contre l’élite locale.

Aujourd’hui, ayant dépassé cette très lourde histoire, elle est devenue un modèle démocratique paisible pour la Chine, et une vitrine exemplaire pour la lutte contre la pandémie, avec le sourire.

*

Taïwan, c’est une histoire insolite, peu connue en France depuis le best-seller totalement délirant et inventé de l’Avignonnais George Psalmanazar, en 1705, même si quelques universitaires (bien peu) se souviennent de la « politique des gages » qui conduisit Jules Ferry à occuper en 1884 le Nord de Formose pendant de longs mois.

L’amiral Courbet y est mort aux Pescadores et 800 militaires français reposent dans le cimetière français de KeeLung. Le futur maréchal Joffre, alors capitaine du génie, y fut en charge des fortifications.

Enfin, c’est en hommage à la France, malgré le bombardement de son université à MaWei au FuJian, où il avait appris le français avec Prosper Giquel, que le francophile général Tcheng KiTong (Chen JiTong), ministre des affaires étrangères de la première république d’Asie, la « République démocratique de Taiwan » [臺灣民主國 TáiWān MínZhǔ Guó] lui donna ce nom officiel.

Formose qui avait été cédée au Japon comme indemnité de guerre par l’empire mandchou et sa République - en fait un baroud d’honneur conduit par quelques officiels et quelques patriotes - ne dura que quelques semaines.

*

Mais examiner et comprendre Taïwan peut aussi conduire à d’autres surprises, qui méritent d’être regardées de près.

Autant à Taïwan qu’en Chine continentale, il y a une véritable religion (désordonnée, souvent aberrante) de l’Histoire. Mais, paradoxalement, les livres de photographies anciennes y sont peu nombreux : à ShangHai dans la gigantesque libraire ShuCheng de 7 étages, un immeuble entier, avec ses millions de livres, la vitrine des livres de photos occupe seulement un linéaire de trois mètres et peu de lecteurs en demandent la clé ou s’y attardent.

Il n’y a pas de musée de la photographie en Chine, juste quelques tentatives récentes pas encore convaincantes. A Taïwan non plus. Et le web ne parvient pas à compenser la carence des musées et de l’édition.

Que peut donc bien dissimuler à Formose - comme en Chine continentale - l’absence de ce regard précis, sur un passé relativement récent, que la photographie ancienne permet ?

Trésors cachés

Bien sûr, les ressources photographiques sur la Chine, depuis l’invention de la photographie en 1840, se trouvent en Occident.

Et les premiers daguerréotypes (de Macao), ceux de Jules Itier, se trouvent en banlieue parisienne, à Bièvres, au Musée Fage. En Chine, la révolution culturelle, maoïste, puis madame-maoïste est passée par là. Elle a détruit, entre autres un grand nombre de photos anciennes. Les reproductions sont disponibles, mais trop peu utilisées.

C’est un Britannique, Terry Bennett, qui a réuni la plus imposante collection privée de photographies anciennes de la Chine. Aucun Chinois ni Taïwanais n’en avait eu l’idée, alors que les moyens financiers privés ou publics ne manquaient pas. Bennett a publié trois gros volumes qui font autorité (depuis traduits en chinois) et a revendu sa collection à une fondation de HongKong.

De la même façon, ni à HongKong ni à Taïwan, en 1970, de manière surprenante, aucune cinémathèque ne préservait les films chinois. Elle seront établies assez tardivement. Celle créée, à Paris avec de très nombreux films réunis, à HongKong, par René Viénet, Chan HingHo et Françoise Zylberberg sera offerte à Taïwan en 1993.

A Taïwan même, le paradoxe se poursuit. Non seulement il n’y a pas encore de Musée de la photographie (un projet existe à TaiChung), mais de plus — lorsque les premières photos de Taïwan y furent apportées par Viénet en 1980 — l’intelligentsia locale tordit le nez. On n’y voyait pas de Han, seulement des Aborigènes, en l’occurrence des Sirayas — les aborigènes des plaines que les premiers colons GeJia (HakKa) avaient repoussés vers les montagnes.

Un peu plus tard, la directrice de la collection Marco Polo (consacrée, chez l’éditeur ChengBang, à la découverte de la Chine par les étrangers) soulignera que ces montagnards formosans ressemblaient trop aux domestiques philippins pour qu’on leur consacre un livre. Les photos furent reléguées dans les bibliothèques des départements d’ethnologie.

Pendant ce temps, à distance décente des bibliothèques des anthropologues, et des éditeurs avec leurs domestiques philippins, dans les ruelles adjacentes de HuaHsi Street (la « rue aux serpents »), des milliers d’adolescentes (aborigènes pour la plupart) étaient prostituées dans de sordides maisons d’abattage surveillées par des gangsters (ces bordels infâmes ont été éliminés depuis). Est-ce la raison d’un acte manqué ?

L’attachée culturelle de Taïwan à Paris, en 2015 (une dame Tsai) refusera de venir assister au vernissage de l’exposition place St-Sulpice de la collection dont il est question dans cette tribune. Viénet a encore quelques cruelles anecdotes au sujet de ces photos, mais on les lui laissera pour la rédaction de ses propres mémoires.

Il a donc fallu attendre 2006, à Taïwan, pour la mise en valeur de ces photos historiques, précieuses, belles et rares, lorsque la libraire française de Taipei, Françoise Zylberberg, les exposera dans le cadre du Pavillon français de la Foire internationale du livre.

Du coup, Chen ShuiBian, le Président de la République, alerté par le ministre de la culture, la pianiste Chen YuHsiu, débarqua un jour sans prévenir.

Admirant la collection, il bavarda pendant une heure avec les deux invités anglais de la librairie française : Michael Gray, historien fameux de l’histoire de la photographie, et William Schupbach, conservateur de la Bibliothèque Wellcome de Londres — où sont conservés 750 remarquables négatifs-verre du grand photographe écossais John Thomson — 500 sur la Chine, dont les 50 vues de Taïwan en avril 1871.


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Par Catoneo Le 12/07/2020 à 17h43

Les Formosans de souche par John Thomson.Une exposition à Taïwan à partir du 18 juillet.

Article remarquable. A archiver.
Merci.
Catoneo

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