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Le retour des routes de la soie. Le « grand jeu » du contrôle de l’Eurasie

Le train chinois venant de Yiwu est arrivé à Téhéran le 15 février. Selon Xinhua qui rappelle que la route de la soie fut un pont entre l’Orient et l’Occident et un lien entre les civilisations chinoises et perses, l’initiative Yi Lu Yi Dai proposée par le président chinois Xi Jinping en 2013 est la « route de la soie du XXIe siècle » reliant la Chine aux pays d’Asie du Sud-Est, à l’Europe et à l’Afrique.

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Confronté à l’intérieur aux doutes de ses réformes, le Politburo n’en poursuit pas moins sa grande œuvre internationale du moment, qu’il appelle, par une formule devenue un slogan « Une route de la soie, une ceinture économique 一丝绸 路 一个经济带 en abrégé Yi Lu Yi Dai ». Vaste stratégie de contournement des projets américains de contrepoids à la Chine dans le Pacifique occidental et des accords commerciaux transpacifiques et transatlantiques en cours de négociation, la manœuvre chinoise qui vise aussi à redynamiser la machine économique essoufflée, avance vers le proche Orient et l’Europe, en même temps que vers l’Asie du Sud et du sud-est, à quoi s’ajoutent les bifurcations vers l’Afrique et la péninsule arabique.

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La dernière pierre de cet édifice qui utilise des infrastructures déjà existantes a été posée le 16 février dernier, lorsqu’un train parti le 28 janvier de Yiwu dans le Zhejiang à 260 km au sud de Shanghai, vaste foire mondiale des articles de consommation courante et de la contrefaçon aux prix cassés, est arrivé à Téhéran. Chargé de 32 conteneurs de marchandises, le train a accompli en 14 jours (3 fois plus vite que la voie maritime par Shanghai) les quelques 10 000 km du voyage à travers l’Asie centrale par le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan, jusqu’au port stratégique de Bandar Abas sur le rivage nord du détroit d’Ormuz, 1000 km au sud de Téhéran.

Le trajet du voyage par une voie ferrée que la Chine propose de doubler par une ligne à grande vitesse, traverse le Xinjiang, passe au large du Kirghizistan et de l’Afghanistan, pour rejoindre Téhéran en longeant le sud de la Caspienne. Après quoi, le trajet bifurque plein sud vers le golfe persique.

Sur les traces d’Alexandre, Han Wudi et Marco Polo.

Après les lignes septentrionales par la Sibérie vers Madrid et trois destinations allemandes (Hambourg, Leipzig, Duisburg), la branche iranienne installe la deuxième direction occidentale du projet, la plus proche des anciennes routes de la soie.

Au XIIIe siècle, elle fut la route de Marco Polo, par le nord de l’ancienne Bactriane, conquête d’Alexandre et rêve de l’Empereur Han Wudi, prolongée vers la Mésopotamie à l’ouest, puis vers l’actuelle Syrie par Palmyre et les grands ports italiens, le long de plusieurs itinéraires concurrents dont au moins deux traversaient la Perse, par Ispahan, Chiraz et Meched (ou Mashad). Ils venaient de Xian, l’ancienne capitale du Qin, des Han et des Tang, après avoir traversé Samarcande au nord ou Kaboul au sud.

Par les temps qui courent où les États-Unis ont toujours en arrière-pensée la stratégie de Zbigniew Brzeziński qui, pour leur sécurité et le maintien de leur magistère global, leur prescrit de contrôler le monde eurasiatique (4,5 Mds d’habitants) par le truchement de l’Union européenne, le symbole a du poids. Pékin dont les relations avec la vielle Perse remontent à plus de 14 siècles, marche sur ses très anciennes traces pour ouvrir une nouvelle page de l’histoire de l’Eurasie par l’Asie Centrale. Lire notre article Les très anciennes relations entre la Chine et la Perse

Elle le fait après avoir construit avec la Russie, l’Organisation de Coopération de Shanghai, un pôle dont le poids stratégique dans la région augmente lentement, regroupant autour de Moscou et Pékin 4 pays d’Asie Centrale, auxquels se joindront bientôt l’Inde et le Pakistan dont le processus d’adhésion a été mis en route en 2015 au sommet d’Oufa en Russie. L’Iran y a pour l’instant le statut d’observateur avec la Mongolie et la Biélorussie, mais on peut conjecturer qu’avec la levée des sanctions, l’entrée de Téhéran dans l’Organisation, déjà appuyée par Moscou et Pékin, est probable dans un avenir proche.

Cette branche des nouvelles routes de la soie où s’injecteront les capitaux collectés par les banques créées depuis 2014 autour des capitaux chinois dont la Banque pour les investissements d’infrastructure, n’est pas la seule dans la région.

L’autre s’est développée au Pakistan le long d’un couloir nord-sud qui conduit du col de Khunjerab jusqu’à la mer d’Arabie (lire aussi Le Pakistan, premier souci stratégique de Pékin. Les faces cachées de l’alliance). Elle est nourrie par de nombreux projets d’infrastructures, avec cependant de fortes hypothèques de sécurité dans la partie sud-ouest du projet, dans la province du Balûchistân au nord du port de Gwadar.

L’Inde, voisin direct du projet pakistanais qui reliera le sud du pays à l’Iran par un oléoduc est intéressée par la manne énergétique même si, à New-Delhi, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre les défis d’infrastructure des hautes altitudes de la région de Karakorum et les difficultés liées à l’insécurité au nord de Gwadar.

Il n’empêche que l’irrigation économique chinoise avec ses deux ramifications vers l’ouest par la Sibérie et par l’Asie centrale en direction de l’Europe et de l’Iran, à quoi s’ajoute la branche pakistanaise vers le sud, déjà appuyée par 45 Mds de $ d’investissements chinois pour construire des routes, des voies ferrées et des pipe-lines, pose concrètement les bases cohérentes de la plus vaste entreprise terrestre jamais menée par un pays pour se projeter à l’extérieur.

Les immenses ambitions commerciales affichées sont d’ailleurs à la dimension des vastes projets d’infrastructures de transport, puisque, lors de sa visite à Téhéran en janvier dernier, Xi Jinping avait convenu, avec son homologue iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, de multiplier par 10 le commerce bilatéral Chine – Iran pour le porter à terme à 600 Mds de $, c’est à dire au niveau actuel des relations commerciales de la Chine avec les États-Unis.


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