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L’œil sur la crise en Ukraine, la querelle des concepts de défense. L’implication américaine en question

A Taïwan, l’agression russe contre l’Ukraine ne laisse pas la classe politique indifférente. Le bouleversement de l’Est du Continent européen par un conflit que beaucoup croyaient impossible trois décennies après la chute du mur de Berlin, ravive les angoisses sur la fragilité de l’Île face au géant chinois.

L’inquiétude percute les débats théoriques internes sur le concept de défense de l’Île et, en dépit des récents signes de rapprochement entre Washington avec Taipei de plus en plus éloignés des promesses des « trois communiqués » (lire : Les nouvelles eaux mal balisées de la question de Taïwan), elle soulève la question lancinante de la réalité et du type de soutien que Washington apporterait à l’Île en cas d’agression chinoise dans le cadre du Taïwan Relations Act. (voir à ce sujet l’analyse de F. Danjou à l’occasion du 40e anniversaire du TRA : Le « Taïwan Relations Act » et les illusions du statu-quo).

Même si à Taïwan et en dépit des démonstrations de force récurrentes des chasseurs de combat chinois au sud de l’espace aérien de l’Île, l’humeur est loin d’être à la panique (peu avant l’agression russe, à peine plus d’un quart des Taïwanais croyaient à l’imminence d’un conflit dans le Détroit), la montée en puissance militaire de l’APL, la menace de ses missiles capables de tenir à distance l’aéronavale américaine, créent une sourde incertitude.

En arrière-plan, la montée inexorable du sentiment taïwanais d’identité séparée du Continent télescope la promesse maintes fois répétée par Xi Jinping selon laquelle la réalisation du « rêve chinois 中国 梦 » serait incomplète sans la réunification. Plus encore, l’extension à la fin 2020 par Pékin du concept de « sécurité nationale » à l’exigence de réunification, placée dans la liste des intérêts vitaux, ajoute encore au sentiment des Taïwanais d’être prisonniers d’un destin dont ils ne détiennent pas toutes les clés.

La 12 avril dernier, le ministère de la défense a publié – c’est une première - un manuel de « défense civile » de 28 pages destiné à préparer le public à un conflit militaire avec la Chine. On y trouve des informations illustrées expliquant comment se protéger de tirs de missiles et ce qu’il convient de faire en cas de rupture d’approvisionnement de l’eau courante et de panne massive d’électricité.

Ces échauffements provoqués par la guerre en Ukraine surgissent au milieu de vifs débats internes autour du concept de « défense globale » élaboré par l’Amiral Lee Hsi-min qui fut le Chef d’état-major général des forces armées taïwanaises de 2017 à 2019.

Le concept de « défense globale » et la guerre « asymétrique »

La stratégie vise à faire face à une éventuelle invasion chinoise « dans un environnement aux ressources limitées ». Basée sur le concept de « guerre asymétrique » et tirant profit des avantages pour un défenseur du terrain difficile de la partie Est de l’Île, elle envisage de combiner tous les moyens civils et militaires pour mettre en œuvre une guerre d’attrition et de résistance contre l’occupant, sur le modèle d’une « défense opérationnelle du territoire. ».

Le but : « dissuader et, si nécessaire, vaincre une invasion par l’Armée populaire de libération (APL) chinoise ».

En janvier 2022, le Yuan Législatif votait à l’unanimité un additif budgétaire de 8,6 Mds de $. Le rectificatif réagissait aux pressions des chasseurs de combat exercées par Pékin dans le Détroit sur fond de sanctions contre les entreprises taïwanaises politiquement liées au parti au pouvoir.

Les ressources supplémentaires devaient permettre la mise en chantier de navires « de combat à haute capacité » et l’acquisition de missiles de précision permettant de frapper des cibles sur le littoral chinois lui-même. La planification du ministère de la défense prévoyait également l’achat aux États-Unis de drones de combat, l’accélération de la fabrication locale de missiles de croisière anti-navires 萬劍 (Wan Jian - dix mille sabres) - et l’amélioration des capacités de combat des gardes-côtes.

Mais le concept de « guerre asymétrique » qui envisage à la fois une invasion de l’Île par l’APL et une résistance intérieure multiforme, est sévèrement critiqué par l’opposition. Les principales objections furent formulées lors de la dernière conférence des industries de défense américaine et taïwanaise en octobre 2021, par la délégation du KMT conduite par Denis Weng (履中翁 Lu Zhong-weng).

La guerre « asymétrique » critiquée par le KMT.

Professeur de sciences politiques, détaché de l’Université taïwnaise de Tam Kang 淡江大學) à l’Université Sam Houston de Huntsville au Texas, Denis Weng, sur la même ligne qu’Alexander Huang, 黃介正 Directeur des Affaires internationales du KMT, considère que le concept de guerre asymétrique est une stratégie du « porc-épic » laissant peu de marge de manœuvre.

Ayant au mieux la capacité de retarder une invasion, elle n’a aucune chance de la dissuader. Surtout, il pointait le risque d’un blocus « La forteresse de Taïwan peut être assiégée et le porc-épic pourrait mourir de faim. »

Sous la surface de ces critiques il y avait aussi une crainte qui court chez tous les militaires. Celle que sous un apparent rapprochement politique formulé par les déclarations américaines en faveur de Taïwan, initiées par D. Trump transgressant les « Trois Communiqués » et poursuivies par Joe Biden, les intentions réelles de Washington fervent soutien de la « stratégie asymétrique », seraient en réalité de se tenir à distance de toute implication militaire directe dans l’Île.

Alors que le DPP, spéculant sur la connivence démocratique de la défense des libertés, semble assuré du soutien indéfectible de Washington y compris en engageant des forces dans l’Île, Alexander Huang comprenait au contraire que la « stratégie asymétrique » promue par Washington était en réalité l’indice d’un désengagement. Le 12 avril dernier, il twittait « Nous devons planifier la défense de l’Île en faisant l’hypothèse que personne ne viendra au secours de Taïwan ».


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