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IRSEM. Un rapport foisonnant sur l’ampleur protéiforme des stratégies d’influence de Pékin

A l’école de Machiavel. De la séduction à la menace.

La bascule de la diplomatie chinoise vers un mode plus agressif date de l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping à l’automne 2012. Relevée par le rapport, qui note ce virage comme « le moment machiavélien de la Chine », elle s’inscrit logiquement dans la pensée stratégique du n°1.

Ayant abandonné la quête du respect international par le « soft power » aimable, il entend désormais l’imposer par la crainte, y compris en attisant le nationalisme mémoriel anti-occidental. A cet effet, il fait souvent références aux « sacrifices » imposés à la Chine en XIXe siècle par les puissances occidentales et le Japon.

Parmi le foisonnement d’exemples énumérés par le rapport, citons celui des réseaux d’influence qui concernent la France en Nouvelle Calédonie, cœur de la présence française dans le Pacifique. Elle est homothétique de celle en cours à Okinawa.

Alors que se profile l’échéance du 3e référendum sur l’indépendance de l’Île, l’œil fixé sur les ressources de nickel, les influenceurs chinois se sont depuis longtemps rapprochés des indépendantistes.

La manœuvre qui appuie directement et sans subtilité excessive le mouvement de rupture avec Paris, fait partie d’une vaste opération d’influence également menée à coups d’investissements aux Fidji, en Papouasie Nouvelle-Guinée, au Vanuatu et aux Îles Salomon. Dessinant un arc de 1500 nautiques de rayon, à l’Est de l’Australie son but est de faire pièce à l’influence anglo-saxonne portée par Canberra, allié à Washington, en ralliant par sa diplomatie du chéquier, les anciens amis de Taïwan comme Kiribati et les Îles Salomon [2].

Pour clore le commentaire sur ce rapport fleuve, décrivant une manœuvre d’influence globale et tentaculaire de la Chine engagée dans une compétition à grande échelle avec l’Occident et dont les analyses concrètes dépassent très largement les exemples cités par cette note [3], il est nécessaire comme le fait la conclusion du rapport, d’évaluer l’efficacité de ces stratégies multiples et protéiformes.

Des succès tactiques.

Il est exact que les stratégies d’influence de Pékin ont permis nombre de succès tactiques dont la promotion des idées et des intérêts sonnants et trébuchants chinois dont les moindre ne furent pas l’efficacité des pressions sur les institutions et les groupes commerciaux, notamment les compagnies aériennes, à propos du nom qu’elles utilisaient pour désigner « Taïwan » au lieu de « China Taipei ».

Aux États-Unis, la NBA commercialement très engagée en Chine où ses joueurs les plus célèbres comme Rip Hamilton diffusaient l’image d’une Chine accueillante et aimable, relayée dans le championnat américain et en Chine même par la présence du Chinois Yao Ming (2002 -2011), a failli tout perdre à cause d’un seul « tweet ».

Celui-ci fut envoyé le 4 octobre 2019 par Daryl Morey, Président des « Houston Rocket », un des responsables exécutifs de la NBA : « Fight for freedom, stand with Hong Kong ». En Chine submergée par une féroce vague nationaliste et aux prises avec les événements à Hong Kong – chiffon rouge rappelant au régime les humiliations du XIXe siècle infligées à l’Empire -, le message fut perçu comme une nouvelle tentative pour affaiblir le pays et contrarier son retour de puissance.

A Houston, 48 heures plus tard, le consulat chinois réagissait, se disant « profondément heurté, par les commentaires erronés à propos de Hong Kong » et exigeait que « l’erreur soit corrigée ». Mais en dépit des excuses présentées par des joueur de la NBA, le gouvernement chinois bloqua les retransmissions en Chine des matchs, tandis qu’à Shanghai tous les programmes des rencontres et toutes les publicités où figuraient des joueurs américains étaient arrachés de murs.

Conscient des risques financiers, aux États-Unis, lors des conférences de presse, la NBA bloqua toutes les questions liées à la controverse. L’épisode s’inscrit dans une longue histoire où les groupes investis en Chine savent les lignes rouges politiquement sensibles à ne pas franchir au risque d’avoir à en payer le prix sur leurs affaires. Elles concernent Le Tibet, Taïwan et Tiananmen. Depuis l’automne 2019, la question de Hong Kong, qui baigne dans de très incandescentes susceptibilités nationalistes, a été rajoutée à la liste.

En arrière-plan est apparu le spectre que la puissance des cupidités commerciales produise l’inverse de l’espoir longtemps nourri par l’Occident. Au lieu d’ouvrir politiquement la Chine, la densité de ses relations commerciales avec elle porte le risque d’importer en Occident sa censure politique.

En 2012 déjà, le blocage du site du New-York Times en Chine réagissait à un article sur l’enrichissement de la famille de l’ancien premier ministre Wen Jiabao. Dans le monde, nombre de marques connues de l’automobile, de la mode, de parfums et d’alcools hésitent désormais à passer des publicités dans des médias critiques de la Chine.

Tout n’a cependant pas toujours fonctionné à l’aune de la vision normative de Pékin.

Certaines opérations comme la manipulation de l’élection à Taïwan en 2020 (cf. ci-dessus), l’influence exercée sur le Directeur Général de l’OMS, ou encore la vaste opération « masques » en 2019-2020, vite perçue comme une propagande se sont soldées par un échec.

Note(s) :

[2Pour une idée générale des luttes d’influence globales entre Taipei et Pékin où l’Ile dispose de beaucoup moins de moyens que la Chine, lire Taiwan tente de réagir à l’offensive chinoise dans le Pacifique et Coups de boutoir méthodiques de Pékin contre l’Île. Le Panama quitte le navire taïwanais

[3La consultation du sommaire de ce travail donne une idée de l’ambition exhaustive globale des auteurs. Au foisonnement multiforme des manœuvres d’influence de la Chine, il répond par la profusion de cas concrets étudiés avec un précision clinique.

Très articulée, l’analyse chapeautée par des notes sur les concepts et les acteurs, explore en effet à la fois les secteurs de l’activité internationale de la Chine et ses cibles, qu’elles soient les États eux-mêmes, leurs institutions ou les entités académiques et culturelles comme « l’Institut Schiller » en Allemagne (p.323), et même leurs hommes politiques ou l’opinion placés sous influence et manipulée par la propagande.

Au passage, quand un institut d’études ou des chercheurs épousent les idées et le discours chinois, ils sont ostensiblement choyés par le régime. En revanche les critiques sont sanctionnées, par de violentes accusations publiques et des restrictions de visas.

Les 22 et 26 mars 2021, la Chine a imposé des sanctions à trois universitaires, Björn Jerdén, directeur du Centre national suédois de la Chine à l’Institut suédois des affaires internationales ; Jo Smith Finley, maître de conférences en études chinoises à l’Université de Newcastle, Royaume-Uni ; et Adrian Zenz, chercheur en études chinoises à la Victims of Communism Memorial Foundation aux États-Unis ; Le centre de recherche Allemand Mercator Institute for China Studies (MERICS), a également été visé.

Les sanctions étaient des représailles pour leurs recherches, leur enseignement et leur discours public sur la Chine. Le point d’orgue exalté des irritations chinoises fut quand ils dénoncèrent les déportations des Musulmans enfermés dans des camps de rééducation au Xinjiang, que certains universitaires et défenseurs des droits ont qualifié de « tentative de génocide en cours », notamment après les informations ayant filtré sur la stérilisation des femmes.

Leurs recherches sur le Xinjiang ont été largement citées, notamment à l’appui des sanctions en matière de droits de l’homme par l’UE et d’autres États contre des représentants du gouvernement du Xinjiang, les fonctionnaires chargés de superviser les violations présumées.

Enfin, l’étude documente aussi les « complices de la Chine », dont, en France l’IFRI et son Directeur Pascal Boniface qui, piqué au vif, s’est justifié sur une vidéo diffusée sur Youtube


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