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IRSEM. Un rapport foisonnant sur l’ampleur protéiforme des stratégies d’influence de Pékin

Sous la direction de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Docteur en sciences politique et enseignant à Sciences Po, Paris et Paul Charon, Docteur de l’EHSS, diplômé de Langue et civilisation chinoises de Paris Diderot, enseignant à Sciences Po Paris / Saint-Germain et à Panthéon Assas, ancien analyste du Ministère des armées, le rapport de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM) documente, au long de 650 pages, avec une précision clinique et un foisonnement de détails inédits, l’ampleur et les stratégies des réseaux d’influence chinois.

Fruit de deux années de recherches, l’étude intitulée « Les opérations d’influence chinoises. Un moment machiavélien » apporte une justification concrète à la désignation peu amène des stratégies de Pékin dans les relations Chine - Europe, formulée au Président Xi Jinping par le Président Macron, le 26 mars 2019 à l’Élysée.

Au cours de cette deuxième visite en France du n°1 chinois [1] à l’Élysée, en présence de Jean-Claude Junker, président de la Commission Européenne et de la Chancelière allemande, le Chef de l’État français avait, en effet, qualifié la Chine de « rival systémique ». Lire : Face à Pékin, la solidarité hésitante de l’Europe

Par cette accusation, Paris, Berlin et l’UE signifiaient à Xi Jinping, qui n’en avait pas été ému, que les stratégies extérieures de Pékin avaient, au-delà des contentieux commerciaux, le potentiel de bousculer le paradigme socio-politique fondant l’épine dorsale de la marche des sociétés démocratiques de la planète.

Deux années après cette mise au point, la leçon de chose de l’IRSEM braque les projecteurs sur les réseaux multiformes portant les stratégies obliques de Pékin dont l’une des épines dorsales est de diffuser le plus largement possible l’idée du déclin de l’Occident et de ses valeurs démocratiques.

A cet effet, Pékin qui insiste sur quelques réalités comme l’élection de D. Trump, le Brexit, les déboires américains en Afghanistan, développe un discours sur l’incapacité des systèmes démocratiques à répondre de manière articulée à la crise pandémique, aux pressions migratoires et, plus largement, aux déséquilibres du Monde.

Dans cette logique, les réseaux d’influence portent le message que l’exemple chinois appuyant sa légitimité sur 40 ans de succès socio-économiques spectaculaires, est une solution alternative à la gouvernance globale née après la guerre et dominée par l’Occident.

Un vaste éventail de relais officiels et officieux.

La manœuvre tentaculaire s’appuie sur les diasporas, les centres de recherche, les universités, les diplomates, le « soft power » des Instituts Confucius et du Bureau National de l’enseignement du Chinois (Hanban (汉办) qui les contrôle.

Leurs actions de propagande sont dénoncées depuis une dizaine d’années, notamment en France par la sinologue d’origine chinois Anne Cheng, professeur au Collège de France, fille de l’académicien François Cheng. Lire son interview accordée au « Nouvel-Obs » en mars 2012.

A ces vecteurs classiques, s’ajoutent les opérations de désinformation par la puissance des cyber intrusions chinoises organisées militairement, ciblant notamment Taïwan où cependant les manipulations de la présidentielle de 2020 furent déjouées par un exercice spectaculaire de démocratie directe. Lire : A Taïwan la démocratie directe éloigne l’Île du Continent.

Autre levier d’influence s’apparentant parfois à du chantage, le poids de l’aide chinoise. En 2020, celle-ci eut d’abord un impact sur le Directeur Général de L’OMS originaire d’Éthiopie, un des premiers pays africain bénéficiaire de l’aide chinoise (lire : L’influence du parti communiste chinois sur l’OMS) avant de susciter sa défiance en 2021 (lire : Retour sur la troublante psychose de l’origine fabriquée de la pandémie).

En Suède, l’Ambassadeur Gui Congyou en poste de 2017 à 2021 a, comme en France et dans plusieurs pays Occidentaux, adopté une attitude de combat. Ses diatribes répétées sur un blog allaient jusqu’à proférer des menaces contre les chercheurs et commentateurs osant critiquer Pékin « A nos amis nous offrons des bons vins. Pour nos ennemis nous avons des fusils de chasse ».

A propos de la Suède voir aussi à la page 528, l’analyse de l’affaire Anna Lindstedt. Ambassadeur de Suède de 2016 au début 2019, la diplomate a été accusée par les procureurs suédois de « partialité lors de négociations avec une puissance étrangère », avant d’être relaxée en juillet 2020.

Alors que, sollicitée par Angela, la fille de Gui Minhai, libraire hongkongais de nationalité suédoise retenu illégalement en Chine (lire : A Hong-Kong, théâtre des luttes de clans, Pékin réduit la liberté d’expression), Anna Lindsedt s’était imprudemment entremise dans une opération risquée avec des membres du Parti communiste chinois qui se présentèrent comme des hommes d’affaires influents.

Sans scrupule, ces derniers firent pression sur la fille de Gui Minhai brièvement séquestrée dans une chambre d’hôtel à Stockholm et objet de chantage lui promettant un visa pour la Chine et la libération de son père contre son silence. Le scandale éclata quand Angela rendit la manœuvre publique sur son Blog.

Note(s) :

[1la première en mars 2014 sous la présidence de François Hollande qui n’avait pas manqué de soulever des frictions franco-chinoises, avait été plus conviviale. Lire : Chine – France. Histoire, politique, coopération et maîtrise des transferts technologiques.

Le rapport de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM), que l’Ambassadeur de Chine à Paris Lu Shaye 卢沙野 ; interviewé par Thinkerview a qualifié de « Fake news » été publié le 17 septembre.

La réaction officielle du porte-parole de l’Ambassade de Chine qui employait une langue plus châtiée, fut tout aussi directe : « Nous sommes scandalisés par ce que l’IRSEM vient de publier qui n’est pas un rapport objectif, mais une stigmatisation de la Chine et une désinformation du public. Nous sommes d’autant plus choqués que l’IRSEM est rattaché au gouvernement français et nous nous préoccupons d’une possible influence négative de ce faux rapport sur la connaissance que les autorités françaises ont de la Chine. »


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