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Indices d’une mise aux normes des mœurs dans une ambiance générale de défiance et de contrôle politique

ANNEXE
Le Parti et les LGBT

Après 1949, le Parti a entretenu une relation flottante avec le mouvement LGBT. Pendant la Révolution culturelle, les homosexuels furent sévèrement persécutés et fustigés comme des « malades » et des « indésirables ».

Après cette époque où on les accusa aussi d’avoir des comportements « honteux », vint une période qui coïncidait avec la réforme et l’ouverture, où ils furent mieux acceptés. Pour autant jusqu’en 1997, les hommes ou des femmes surpris au cours d’une relation homosexuelle pouvaient être poursuivis en vertu de la loi sur le hooliganisme (流氓罪 liumang zui).

Au cours des dernières années du XXe siècle et récemment, le mouvement LGBTQ a bénéficié d’avancées légales importantes. Il a notamment remporté des victoires au cours de jugements de tribunaux nationaux et locaux qui exprimèrent plus de tolérance. Depuis cette époque, même si les couples de même sexe et les transgenres ne sont toujours pas légalement reconnus, ils sont moins persécutés. Il reste que ces avancées dont on voit cependant qu’elles ne se traduisent pas encore formellement dans la loi, n’ont pas été sans revers.

Ouverture politique et tolérance.

En 1997, l’homosexualité a été officiellement dépénalisée puis retirée de la liste officielle des troubles mentaux par la Société chinoise de psychiatrie. Selon Brian Wong, politologue à Hong Kong, fondateur de la Oxford Political Review, même si le mariage gay n’est toujours pas légalement reconnu, les avancées positives du traitement des LGBT dans la société chinoise surpassent les survivances de l’ostracisme traditionnel.

En 2006, selon l’étude du sociologue et défenseur des LGBT Pan Suimíng 52,2% des personnes interrogées refusaient d’admettre que les homosexuels devraient être complètement égaux aux autres. En 2015, ce pourcentage était tombé à 28,3%. Pendant plus d’une décennie, la « Shanghai Pride », a attiré une importante population de Chine et de toute l’Asie.

Shanghai a également été la ville où furent crées les premiers bars gays officiellement reconnus en Chine. En 2005, l’Université de Fudan mettait en place un programme d’études LGBT, une première parmi les universités chinoises. Dix ans plus tard, la « semaine LGBT de Shanghai » avait attiré plus de 30 000 touristes.

Ailleurs, sur les campus du pays, des groupes d’activistes liés à la cause ont progressivement vu le jour, militant en faveur du mariage homosexuel, des « « toilettes unisexes et non sexistes. Ils réclamaient davantage de fonds pour la lutte contre la violence, contre les discours de haine anti-LGBTQ, et pour l’aménagement de programmes universitaires sur le sujet.

Sur les médias sociaux, des étudiants d’universités de grandes villes - dont Shenzhen, Guangzhou et Pékin – ont fait connaître la cause LGBTQ et rendu publiques des statistiques démographiques des homosexuels jusque-là, assimilés à des « déviants » et tenues sous le boisseau.

Surtout, l’appareil politique n’y voyait pas un risque d’instabilité. Même le très nationaliste « Global Times » surgeon du quotidien du peuple, avait publié un éditorial en anglais reconnaissant ouvertement l’existence de la « culture BL » (Boys’ Love). Le public chinois s’ouvrait à la diversité sexuelle et, pendant un temps au moins, l’État a semblé prêt à accepter cette évolution des mœurs.

« Caractéristiques chinoises » , censure et resserrement politique.

Mais depuis cinq ans, beaucoup de choses ont changé. En février 2016, la série gay chinoise « Héroine » (connue en chinois sous le nom de上瘾 shangyin qui signifie intoxiqué) a été supprimée de la diffusion en ligne. En 2018, le portail Sina Weibo a interdit toutes les questions liées aux LGBT.

Au Festival international du film de Pékin de 2018, la censure publique a également interdit le film « Call Me by Your Name » pourtant primé aux Oscars dont le sujet est la romance entre un jeune homme de dix-sept ans en vacances avec sa famille en Italie et un étudiant américain de vingt-quatre ans. C’était deux ans avant l’annulation pour cause de Covid-19, de la Shanghai Pride, dont personne ne sait si elle sera relancée un jour.

On peut être tenté de considérer que les attaques contre la mouvance LGBTQ seraient entièrement orchestrées par l’État. Pour Brian Wong, les choses ne sont pas si simples.

Sur Weibo, plusieurs influenceurs de premier plan se sont réjouis de la récente rumeur de censure officielle contre les groupes LGBTQ sur les campus. Parmi eux, le blogueur Ziwuxiashi 子午侠士 n’a pas caché sa joie que le pouvoir prenne des mesures contre les LGBT. Ailleurs, des voix conservatrices ont célébré l’élimination de ce qu’elles considèrent toujours comme « une perversion et la distorsion des normes sexuelles et des valeurs familiales établies. »

Au milieu de l’hystérie nationaliste, beaucoup d’autres ont associé le mouvement à une ingérence étrangère occidentale dans les « affaires intérieures » de la Chine. L’idée est souvent recyclée par des sources officielles et des personnalités médiatiques de premier plan pour fustiger les valeurs considérées comme « occidentales » ou « antichinoises. »

Dans cette ambiance, il n’a pas fallu longtemps pour qu’apparaisse l’idée selon laquelle l’homosexualité serait « contraire aux valeurs chinoises », propulsant sans nuance la question dans l’arène politico-stratégique des rivalités entre la Chine les États-Unis et l’Occident. L’amalgame classant les homosexuels parmi « les ennemis de la Chine influencés par l’étranger », est devenu d’autant plus populaire que l’appareil attise sans mesure les sentiments nationalistes.

De fil en aiguille, les liens entre les associations chinoises et leurs homologues occidentales sont apparus comme une menace politique pour le Parti dont la paranoïa s’applique par ailleurs à restreindre l’influence domestique des associations d’étudiants.

La contre-offensive moralisatrice reflète aussi l’intention du gouvernement de restreindre le niveau de discours pro-LGBTQ dans le système éducatif. L’ambivalence des manuels et des programmes dans les années 2000 et au début des années 2010 n’a plus cours. Elle a été supplantée par un coup de barre traditionaliste dont l’épine dorsale est que les cours sur les droits LGBTQ n’ont pas leur place dans une salle de classe.

Enfin, depuis 2013, la régression politique et sociale sur le sujet des homosexuels s’inscrit dans la volonté inflexible de Pékin d’exercer un contrôle absolu sur les acteurs de la société civile, en particulier sur le front des organisations non gouvernementales (ONG). En ce sens, il s’agit moins d’une mise aux normes des mœurs que d’un contrôle politique.

Au cours des dernières années, l’État chinois a exprimé avec de plus en plus de virulence sa défiance et ses griefs déjà anciens envers les acteurs non étatiques considérés par lui comme des foyers potentiels d’insurrection politique.

Dans cette ambiance, il n’est pas étonnant que la loi de 2017 sur les ONG étrangères exige qu’elles s’enregistrent auprès du ministère de la Sécurité publique avant d’établir un bureau sur le continent. Plus récemment, en cette année de centenaire du Parti, le pouvoir a encore renforcé les restrictions et réglementations des ONG dont il redoute a capacité de mobilisation sociale.


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