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En l’absence de l’Inde, la Chine unique poids lourd du Partenariat Économique Régional

Nous le disions à la mi-septembre, la perspective de l’accord de libre-échange régional dit « Regional Comprehensive Economic Partnership – RCEP - (lire : Où en est la reprise économique ?.) offre, en dépit des tensions avec quelques pays de l’ASEAN et surtout avec l’Australie, une puissante marge de manœuvre à la Chine qui tire profit de l’attractivité de son marché.

L’épisode jette la lumière sur la constance des stratégies visant à affirmer la prévalence de la Chine dans sa zone d’intérêt direct. S’il est vrai qu’en mer de Chine du sud, Pékin qui tente de s’imposer par la force, a suscité de forts vents contraires, ses initiatives commerciales rallient la totalité des pays de la zone Asie - Pacifique à l’exception notable de l’Inde.

L’appétit des pays (Chine, Japon, Corée du sud, Australie, Nouvelle-Zélande + les 10 pays de l’ASEAN) pour une vaste zone de libre échange régionale est d’autant plus fort que tous y voient le moyen de soutenir la reprise économique après la période de léthargie conséquence de l’épidémie. Dans cette cohorte, les plus à la traîne de la reprise bénéficieront du redressement plus rapide de la Chine, de la Corée du sud et du Vietnam.

Confrontés à l’exigence de reprise économique, tous, notamment la Malaisie, le Vietnam et l’Indonésie ont mis sous le boisseau leur méfiance et leurs différends face aux stratégies impériales de Pékin en mer de Chine du sud (lire : En mer de Chine du sud, les limites de la flibuste impériale chinoise.).

Le 15 novembre, la nébuleuse des 15 ministres de l’économie des pays cités plus haut, a tenu une cérémonie de signature en ligne orchestrée par le Vietnam, actuel Président de l’ASEAN. L’accord de libre-échange qui regroupe 30% de la population du monde et compte pour un tiers de son PIB, devra encore être ratifié par les instances législatives de chaque pays.

Ses perspectives sont amples. Pour le Japon, par exemple, les taxes sur 86% de ses exportations vers la Chine seront éliminées. Les premiers bénéficiaires seront les marques automobiles et des fabricants de pièces détachées japonais. Plus généralement, pour les pays qui viennent de signer le pacte, la zone de libre-échange- la plus vaste de la planète - est la destination d’au moins 50% de leurs exportations.

Pékin mène le jeu.

Dans ce mouvement où ce sont les concessions acceptées par Pékin qui donnent en partie le ton, l’accord ne couvre pas seulement les échanges commerciaux. Avec l’importante restriction qu’il n’impose aucune contrainte liée au droit du travail et à la protection de l’environnement, il consiste en un vaste catalogue de 20 chapitres.

Son but : règlementer le commerce en ligne, protéger la propriété intellectuelle et faciliter les investissements étrangers en réduisant les obstacles et en règlementant la concurrence sur les marchés publics, notamment dans les secteurs des services et des télécoms.

La signature de 15 novembre complète un tissu d’accords régionaux et bilatéraux – notamment entre les dix pays de l’ASEAN et la Chine et celui du Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership, formule revisitée du TPP d’Obama, abandonné par D. Trump en 2017 et dont la Chine avait été exclue.

En 2015, notre article sur le sujet qui dénonçait une « bévue » de Washington, montrait que le TPP avait été en partie conçu pour tenir la Chine à l’écart. Lire : Le « Trans-Pacific Partnership – TPP - », nouvelle bévue stratégique américaine ?

En affirmant cinq ans plus tard - coup de pied de l’âne - qu’elle est prête à accepter tout le monde au sein du RECEP, y compris les États-Unis qui l’avait exclue du TPP, la Chine confirme sa position de puissant ordonnateur régional dont l’attitude d’ouverture affichée tranche avec le rejet américain.

Le 20 novembre, 4 jours après la première publication de cette analyse, le Président Xi Jinping, anticipant un changement de stratégie de l’administration Biden, se payait même le luxe de proposer que la Chine rejoigne la formule revisitée du Trans Pacific Partnership dont Washington est absent.

L’épisode apporte une éclatante illustration aux récentes positions internationales affirmées par le président Xi Jinping qui, dans la querelle avec Washington, s’est posé en parangon du commerce international à rebours des fermetures américaines.

Le discours d’ouverture de Pékin qui restera à confirmer par l’usage, promet même aux investisseurs étrangers des perspectives dans le secteur des hautes technologies, y compris dans les zones les moins développées de l’Ouest.

Là aussi, les largesses affichées par la Chine prennent le contrepied direct des féroces offensives déclenchées par Washington contre l’essor de la high-tech chinoise. (lire : Huawei sévèrement touché, mais pas coulé. La guerre sera longue et difficile.).

En contrepoint, les libéralités ostensiblement mises en avant confirment la dépendance de la Chine aux investissements étrangers dans un secteur où elle cherche à rattraper son retard.

Réticences indiennes

De ce paysage où domine la Chine et ses initiatives d’ouverture, surnage cependant la forte réticence de New-Delhi concurrent stratégique de Pékin avec qui les tensions persistent autour des frictions frontalières dans l’Himalaya. (lire : Chine - Inde, l’improbable réconciliation.).

L’absence de l’Inde – dont les réticences anti-chinoises paraissent irrépressibles – mais que Pékin et les 14 autres disent vouloir accueillir au sein de RECEP en dépit des tensions, crée un déséquilibre et un malaise. Au point que le premier réflexe de Tokyo fut d’abord de refuser de joindre l’accord.

Après avoir finalement accepté à « contre cœur, mais contraint et forcé », dit un diplomate japonais l’œil fixé sur le marché chinois, le Premier Ministre Yoshihide Suga a promis de tout faire pour rallier New-Delhi à l’accord.

Pour l’instant, les responsables indiens sont publiquement au refus. Au ministère des Affaires étrangères, exprimant sa frustration, un diplomate explique, sans entrer dans le détail, que l’accord n’apporte aucune solution aux « extraordinaires problèmes de l’Inde ».

Kanwal Sibal, qui fut n°2 à l’ambassade de Washington, ancien ambassadeur en Égypte, en France et en Russie, note que les signataires de l’accord n’ont pas les moyens de se déconnecter du marché chinois. Pour lui, leur dépendance est telle qu’ils s’y investiront de plus en plus.

*

Quand on hausse l’analyse, resurgit la question des alliances où, depuis quelques années, l’Inde est courtisée par les États-Unis et l’Europe - qui s’aligne - pour faire contrepoids à la Chine. Le 20 juin dernier, le New-York Times titrait « l’Inde ralliera t-elle l’Occident contre la Chine ? »

Les tensions sur la frontière sont un test. Elles furent l’arrière-plan d’un rapprochement entre New-Delhi et Canberra qui, à l’été, signèrent un accord d’accès mutuel à leurs bases pour leurs marines de guerre. Les facilités créent les conditions favorables à l’augmentation des échanges opérationnels et manœuvres navales communes.

A la fin octobre, l’Inde et les États-Unis ont, à l’issue de leur dialogue annuel stratégique 2+2 réunissant les ministres des affaires étrangères et de la défense des deux bords, conclu un accord de partage des renseignements satellites sensibles dont l’objectif est de faciliter la riposte à une attaque missile.

Pékin s’alarme de ces rapprochements cristallisés par le concept d’un théâtre « indo-pacifique » autour duquel se retrouvent plusieurs Occidentaux, dont la France, inquiète des avancées chinoises dans l’Océan indien.

Le 17 juin dernier, en pleine crise meurtrière sur la frontière sino-indienne dans l’Himalaya, un éditorial du Global Times accusait Washington d’avoir donné de fausses assurances à New-Delhi tout en aggravant les tensions avec Pékin. Il laissait entendre que les États-Unis ne seraient pas des alliés fiables. En arrière plan, Pékin regrette que l’Inde pays asiatique, ne fasse pas bloc avec la Chine contre l’Occident.


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