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En Grèce et au Brésil, Pékin donne le ton

Du 10 au 15 novembre, le président Xi Jinping s’est rendu en Grèce puis au Brésil où avait lieu le 11e sommet des BRICS.

Après le sommet de Johannesburg (lire : L’Afrique, la Chine et l’Europe.) où Xi Jinping était arrivé après un long périple international de 36 000 km visitant les Émirats et 4 pays africains, les 5 grands émergents ont, à Brasília, retrouvé une cohérence stratégique au moins dans le discours dénonçant unanimement sans jamais le citer explicitement, le protectionnisme unilatéral de Washington.

Alors que les disparités et les contrastes de puissance relevés par QC lors du sommet de Johannesburg n’ont pas disparu, il est remarquable que, cette fois encore, l’unité ait émergé autour d’idées dont le ton était donné par la Chine.

Invariablement, le Président chinois a mis en avant le thème de l’engagement pour le climat et la multipolarité opposé aux dangers du protectionnisme, présentant son pays comme une alternative entre « coopération » et « confrontation » et entre « bénéfices mutuels » et clientéliste de suzerain à vassal, dénonçant implicitement le système d’alliances occidental ordonné par Washington depuis 1945.

Les arcs-boutants irrésistibles de la parole chinoise restent ses capacités de financements (le plus souvent des prêts aux conditions variables selon les débiteurs) et la force d’attraction de son marché intérieur (en moyenne au moins 25% des exportations des 4 autres BRICS vont à la Chine), assortie de la promesse de son marché des nouvelles technologies (intelligence artificielle, métadonnées, information et cryptage quantiques, biotechnologies).

En arrière-plan flotte toujours l’intention géopolitique de puissance par laquelle Pékin ambitionne d’apporter sa contribution à la refonte du système de gouvernance mondiale.

Alors qu’en Occident se répand l’idée des limites délétères de la globalisation génératrice du recul des niveaux de vie des classes moyennes, à l’origine des transes secouant l’UE et de l’élection de D. Trump, la Chine imperturbable qui elle-même protège des pans entiers de son marché [1], prédit la poursuite irrépressible de la globalisation, en dépit, dit Xi Jinping, « des protectionnismes et des menaces terroristes ».

Pour le dire simplement, nonobstant les contrastes de puissance, de nature et d’intérêts dont la convergence se délite cependant progressivement [2], le discours chinois fait consensus. Au sein des BRICS en effet et au-delà de l’attrait direct du marché chinois, tous attachent de l’importance à l’émergence d’une puissance stratégique alternative.

Jair Bolsonaro, hôte du sommet est lui-même le symbole des tensions surgies dans le sillage de la rivalité stratégique entre Washington et Pékin, entre le projet vertueux d’une « mondialisation heureuse » que la Chine ne cautionne cependant qu’en ménageant ses intérêts directs, et le protectionnisme de l’Amérique associé à la personnalité de D. Trump.

Le président brésilien est pourtant un des thuriféraires du Président américain, auquel il avait réservé sa première visite officielle après son investiture au printemps 2019 : « J’ai toujours admiré les États-Unis et cette admiration est devenue encore plus forte après votre prise de fonction ».

A l’égard de la Chine, cependant la vision de Bolosonaro que Xi jinping avait pris soin de recevoir à Pékin 2 semaines avant le sommet, s’est ajustée aux nécessités pragmatiques du commerce brésilien qui exporte annuellement vers la Chine (son premier partenaire commercial) la valeur de 64 Mds $ (essentiellement soja et viande), soit 27,9% de son commerce extérieur.

Les ajustements pragmatiques de Bolsonaro.

La nouvelle attitude du président contraste radicalement avec ses thèmes de campagne où il accusait la Chine de vouloir « acheter le Brésil ». Cette fois, il a non seulement affirmé sa volonté de « développer la relation commerciale », mais également de la « diversifier », affirmant même que « la Chine faisait de plus en plus partie de l’avenir du Brésil ».

« L’avenir est prometteur » a renchéri le Président chinois, faisant allusion aux accords conclus (fruits, accords-cadres de coopération dans les transports, les investissements et les services), dont l’un concerne l’extradition des condamnés dont la peine sera purgée en Chine ou au Brésil.

Le grand écart de Bolsonaro, pourrait cependant devenir plus difficile si, cédant aux attraits imbattables de l’offre chinoise, le Brésil choisissait Huawei pour développer au Brésil la 5e génération des télécoms, tandis que Washington multiplie ses pressions globales pour freiner l’expansion du groupe chinois dans le secteur des réseaux à haute fréquence et à très haut débit.

Alors qu’à Vancouver Meng Wanzhou la fille du PDG de Huawei attend toujours une décision d’extradition vers les États-Unis, symbole sulfureux de la rivalité globale entre Pékin et Washington, un rapprochement du Brésil avec Pékin serait d’autant plus irritant pour la Maison Blanche qu’il se ferait par le truchement de la technologie du groupe chinois.

A cet égard rappelons que Huawei et la fille du PDG Meng Wanzhou sont sous le coup de 13 chefs d’accusation formulés le 28 janvier 2019 par le Département de la justice des États-Unis dont « fraude financière, obstruction à la justice, vol de secrets commerciaux, violation des sanctions américaines contre Téhéran, espionnage, blanchiment d’argent, violations des lois sur la sécurité des États-Unis (…) ».

Note(s) :

[1Voir le Rapport Mc Kinsey Juillet 2019 : « China and the world : Inside the dynamics of changing relationship ».

Il donne une image contrastée de l’ouverture de la Chine, de sa puissance réelle et de son attractivité que le rapport résume ainsi : « La Chine a réduit son exposition au monde, alors que celle du reste du monde à la Chine a augmenté » et en substance : S’il est vrai que la puissance chinoise a atteint une dimension mondiale, son intégration au monde reste partielle.

On y lit notamment que : 1) Le commerce chinois (import-export) compte pour 11% du commerce global, mais seulement pour 6% des échanges de services ;

2) 20% des fortunes mondiales sont chinoises, mais seulement 20% de leurs revenus sont générées hors de Chine ;

3) Le système financier chinois est le 3e du monde par son ampleur mais les investissements étrangers n’y comptent que pour 6% ;

4) 150 millions de Chinois voyagent annuellement à l’étranger, mais la proportion globale des migrations vers la Chine ne représente que 0,2% du total global ;

5) Les investissements en R&D sont en volume les 2e du monde (293 Mds de $), mais la Chine importe 6 fois plus de technologies qu’elle n’en exporte ;

6) Le nombre des internautes chinois atteint 802 millions, mais leurs échanges ne représentent que 20% des échanges générés par les internautes américains ;

7) 48% des investissements globaux dans les secteurs des renouvelables sont chinois, mais les émissions de gaz à effet de serre chinoises comptent pour 28% du total ;

8) Les revenus du « Box Office » chinois sont les 2e de la planète, mais l’impact international des productions chinoises n’est que le 1/3 de celui de la Corée du sud.

[2La Chine et l’Inde sont les deux « monstres » démographiques et économiques de l’attelage avec un net avantage à la Chine (la puissance relative des 3 autres étant en recul de 7 à 6% du total) ; Jim O’Neill, expert de Goldman Sachs, auteur du vocable BRICS en 2001, avait aussi caricaturé leurs rôles : « La Chine, usine du monde, l’Inde son “agence de services “, Brésil son “épicerie“, la Russie sa “station-service “ d’hydrocarbures ».

Ajoutons que Moscou en est aussi l’expression de sa puissance militaire et que l’Afrique du Sud, à la fois connectée au Pacifique et à l’Atlantique, en est, par sa mémoire historique de l’apartheid, sa « caution morale ».


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