Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chine - monde

Condamnés à cohabiter en Asie Pacifique, Pékin et Washington reprennent le dialogue

Pyongyang de plus en plus rigide.

Ajoutant à la pression pesant sur la Maison Blanche, le 22 juin, Bruce Klingner qui fut n°2 de la CIA pour la Corée du nord, aujourd’hui membre du Think Tank conservateur « Heritage Foundation » et son ancien collègue à la CIA Terry June, devenu consultant, publiaient dans le Washington Post un article intitulé « Nous avons participé à des pourparlers avec des envoyés nord-coréens. Voici ce que nous avons appris ».

Ciblant directement les avocats inconditionnels de l’apaisement avec Pyongyang que même, dit l’article, la mort de l’étudiant américain Otto Warmbier ne décourage pas, les auteurs affirment que le dialogue est une « perte de temps ».

*

De leur récente expérience d’une rencontre entre des émissaires de Pyongyang et leur délégation composée d’Américains, de Japonais, de Chinois et de Sud-coréens dont le but était d’explorer la possibilité d’une reprise du dialogue à 6 déserté par Pyongyang en 2009, (Lire à ce sujet : Corée du Nord : Misères du dialogue à six.) les auteurs affirment avoir quitté la table des pourparlers avec un état d’esprit encore plus pessimiste qu’à leur arrivée.

Les Nord-coréens ont clairement fait savoir que rien ne les détournerait d’augmenter leur arsenal nucléaire ou de tester leurs missiles intercontinentaux pouvant frapper les États-Unis et qu’ils n’avaient aucunement l’intention de négocier les modalités pour mettre fin à ces programmes.

Pour eux, la dénucléarisation était définitivement hors de l’éventail d’éventuelles négociations. Il n’y avait aucune raison que « le système d’armes le plus parfait reste la propriété exclusive des États-Unis ». A toutes les tentatives, ajoute l’article, pour ramener le débat sur les traces des anciens accords négociés avec les NU, la réponse fut invariablement négative. Se référant au sort fatal de Saddam Hussein et de Kadhafi, ils répétèrent que l’arme nucléaire était pour eux l’assurance de survie du régime.

Pire, encore, aux offres de négociations de la délégation, les Nord-coréens répondirent par ce qui ressemble à un ultimatum. Aucune négociation pour un traité de paix ne sera possible tant que le statut nucléaire de Pyongyang ne sera pas reconnu. « A ces conditions, nous sommes prêts à tout : soit la négociation, soit la guerre » (…) « Nous n’en serons pas les initiateurs, mais nous nous battrons si on nous provoque ». Par ces déclarations, la délégation confirmait avec, disent les auteurs, une assurance nouvelle confinant à l’arrogance, que l’objectif ultime du régime était un traité de paix à ses conditions, mettant fin à la guerre de Corée.

Vu de Pyongyang, le traité serait le principal catalyseur de l’évacuation des troupes américaines, la délégation n’ayant pas fait mystère que le programme nucléaire était la réponse à l’hostilité des États-Unis contre le régime. Pour Pyongyang, la Corée du sud, marionnette des Américains, est absente du paysage et l’idée de négociations nord-sud ne se posait même pas. Dans ce contexte extraordinairement durci, les auteurs estiment que le nouveau président sud-coréen Moon Jae-in devait se préparer à une grave désillusion s’il pensait relancer la politique d’embellie initiée par Kim Dae-jung en 1998.

Le crève-coeur du Président Moon.

Après ce constat, la fin de l’article est une suite de recommandations à la Maison Blanche à qui les auteurs conseillent implicitement de cesser de naviguer entre des propositions de rencontres directes au sommet et des menaces de guerre. Aucune de ces deux hypothèses n’était réaliste. La seule option restait l’alourdissement des sanctions. Pour l’heure le Département d’État est sur cette ligne qui, on l’a vu, ne satisfait pas Pékin.

*

Enfin, dernière occurrence venant à la rescousse des conservateurs pour lesquels « l’option dialogue » est une illusion, confirmant également que le contexte avait considérablement changé depuis 20 ans, le 26 juin, le comité olympique nord-coréen rejetait la récente proposition du président Moon de présenter une seule équipe coréenne aux jeux d’hiver de Pyoeongchang en 2018, au prétexte que la situation actuelle ne s’y prêtait pas. Lire à ce sujet : Moon Jae-in, le nouveau président sud-coréen. Un surgissement à contre courant, entre indocilité et pragmatisme.

Il faudra beaucoup de maîtrise et de hauteur de vue à Pékin et Washington pour tenir à distance de nouvelles crispations bilatérales dont la rigidité nord-coréenne sera sans doute un des plus efficaces ferments.

Note de Contexte.

Les faces cachées du réchauffement sino-américain.

Il est vrai que pour apaiser leur relation, Pékin et Washington ont récemment fait preuve d’une appréciable hauteur de vue dont il faut rappeler qu’en Chine elle est aussi articulée à la nécessité, en amont du Congrès, de présenter à l’opinion l’image d’une puissance sereine discutant de manière apaisée d’égal à égal avec Washington.

Il reste que cherchant activement les chemins d’une détente par des promesses de contacts réguliers, l’activation de mesures de confiance et le rapprochement des appareils militaires au sommet par le truchement, entre autres, d’exercices navals dont des exemples existaient déjà auparavant ; les deux ont, après la rencontre au sommet en Floride du mois d’avril, multiplié les signes d’accommodement stratégique exprimés du côté américain par plusieurs « tweet » de D. Trump faisant un éloge appuyé du président Xi Jinping. Du côté chinois, les compte-rendus par les médias officiels du dernier dialogue stratégique furent tous enrobés d’un optimisme laudateur presque sans nuages. Sur les échanges militaires lire : Entre raison, émotions et rivalités stratégiques, la marine chinoise participe à RIMPAC.

Récemment le Global Times publiait un article signé par Ei Sun Oh, chercheur Singapour exprimant avec mesure l’espoir que les efforts de Pékin et Washington pour réduire les risques de malentendus et d’erreurs de calcul porteraient leurs fruits notamment pour éviter des accidents militaires, améliorer conjointement la sécurité du Tiers Monde et coopérer activement dans la lutte contre les piratages informatiques, l’utilisation par les terroristes d’internet et des circuits de la finance globale.

Dessinant le souhait d’une coopération sans limite des deux rivaux pour faire face aux défis et aux troubles de la planète, l’auteur concluait que leurs dialogues futurs seraient suivis avec attention par tous les observateurs espérant que Pékin et Washington accorderaient leur compréhension et leur coopération sur des sujets d’intérêt général.

Il reste que les braises de la discorde qui sont également celles d’une puissante rivalité stratégique continuent de couver sous la surface. Aux lancinants sujets de discorde de la mer de Chine du sud, de Taïwan et des différends à propos de la Corée du nord, s’ajoutent ceux toujours présents des droits des individus, dont la sensibilité politique ne peut être sous estimée et, en dépit des bonnes paroles sur un partage du marché mondial, de profondes discordes commerciales.

Washington dénonce le trafic d’êtres humains.

Le 27 juin, preuve que les sujets ne sont pas faciles à déconnecter les uns des autres, le département d’État, principal interlocuteur américain du récent dialogue de sécurité, publiait un rapport classant la Chine parmi les pires acteur des trafics d’êtres humains, en compagnie de la Russie, de la Syrie et de l’Iran, faisant partie de 27 pays dont les performances se sont dégradées depuis le dernier rapport.

Expliquant le rapport lors d’une conférence de presse Tillerson précisait que la Chine n’avait pas pris suffisamment de mesures pour mettre fin aux abus. Ce qui, de son point de vue, rendait les autorités chinoises complices du travail et de la mendicité forcés, de l’exploitation sexuelle des femmes étrangères et du travail des enfants.

Le même jour le porte parole du gouvernement chinois Lu Kang exprimait la colère de Pékin en accusant Washington de manquer d’objectivité et de se livrer à des accusations irresponsables. S’il est vrai que les accusations américaines pour violation des droits ne sont pas une nouveauté dénonçant en effet des abus toujours présents en Chine à une vaste échelle, il n’en reste pas moins que la perpétuation du schéma des accusations publiques suivies de virulentes protestations de Pékin ne contribue pas à consolider la confiance.

Persistance des crispations commerciales.

A ces crispations récurrentes sur la question des droits s’ajoute la réalité des exaspérations commerciales récemment masquées par les déclarations conjointes sur l’ouverture réciproque des marchés aux produits chinois et américains dans le cadre d’un plan commercial dit « des 100 jours. » L’accord tranchait avec les réticences américaines qui, au temps d’Obama, avaient tenu la Chine à l’écart du Transpacific Partnership.

Ses prémisses furent arrêtées entre les deux présidents en avril en Floride, mais son succès dépendra de la qualité de sa mise en œuvre. Il concerne, entre autres, l’ouverture du marché chinois aux exportations de bœuf, aux services bancaires et aux biotechnologies américains, en échange de la réduction des droits américains sur les exportations de poulets cuits et de gaz liquéfié chinois. Il reste que la belle image d’une connivence commerciale sino-commerciale est en train de se brouiller.

Le 19 juillet dans une communication au congrès le ministre américain du commerce Robert Lighthizer jetait un froid en rappelant que la reconnaissance par l’Amérique du statut d’économie de marché en Chine aurait des « conséquences cataclysmiques » pour le commerce mondial.

Au passage, il exprimait sa désapprobation à l’égard de la décision de Ford de délocaliser en Chine la production de la « Focus » dont les voitures seraient réexportées aux États-Unis. Lighthizer conclut son exposé en promettant d’accentuer ses contrôles des exportations chinoises aux États-Unis à quoi il ajouta une critique sans nuance des stratégies obligeant les compagnies « high-tech » américaines à livrer aux Chinois leurs secrets de fabrication en échange d’un accès au marché.

Faisant écho aux récents raidissements de Bruxelles qui refusa également le statut d’économie de marché à Pékin, réclamant la réciprocité de traitement pour les compagnies américaines en Chine, il mettait une nouvelle fois en garde contre la volonté chinoise de prendre le contrôle de secteurs sensibles ou de s’approprier à peu de frais des hautes technologies que les chercheurs chinois ne maîtrisent pas.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements

Chine-UE. Misère de l’Europe puissance, rapports de forces et faux-semblants