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Chassé-croisé de navires de guerre dans la zone « Indo-Pacifique »

Mer de Chine du sud. Manille à nouveau en première ligne.

Les enjeux de la compétition navale sont les « points chauds » connus de Taïwan et de la mer de Chine du sud. Déjà les marines américaine et chinoise s’y défient par des démonstrations de force, dans le Détroit de Taïwan et autour des îlots que Pékin militarise à marche forcée pour en faire des points d’appui. Écartelés entre les rivalités de puissances et leurs intérêts sur le marché chinois, les riverains se crispent.

Lire : En mer de Chine du sud, les limites de la flibuste impériale chinoise.

Les hésitations et volte-face des riverains face à la puissance de l’influence chinoise sont exprimées de manière emblématique par la trajectoire heurtée des relations entre Manille et Pékin.

Au moment même où Rodrigo Duterte, tournant le dos à Washington cherchait un accommodement avec Pékin (lire : Duterte, l’imprévisible, rebat les cartes et s’invite dans la cour des grands), il prenait aussi conscience de la force invasive des prétentions chinoises sur ses ressources d’hydrocarbure du haut-fonds de Reed (lire : Mer de Chine du sud. La carte sauvage des hydrocarbures. Le dilemme de Duterte.).

Aujourd’hui cinq années après le changement de pied de Rodrigo Duterte, rien ne va plus entre Pékin et Manille.

Le prétexte est la revendication chinoise sur le récif corallien « Whitsun » partie des Spratlys. D’une surface de 10 km2, inhabité et submergé à marée haute, les Philippins l’appellent « Julian Felipe ». S’appuyant sur le droit de la mer, ils affirment avec raison que, situé à 175 nautiques de Palawan, le récif se trouve à l’intérieur de leur ZEE.

A la mi-mars, la réclamation chinoise violant la Convention de Montego May signée par Pékin qui ne l’applique cependant qu’avec la réserve qu’elle ne contrevienne pas à ses prétentions de souveraineté sur la plus grande partie de la mer de Chine du sud, s’est exprimée de manière invasive par la présence massive de 200 bateaux de « pêche », technique éprouvée d’une intimidation par le nombre par ce qui est en réalité une milice nationale, troisième marine après la flotte de combat et les garde-côtes.

La crispation de Manille anticipe que l’insistante manœuvre chinoise par le nombre, préfigure une annexion partielle ou totale à l’instar de celles opérées par Pékin en 1995 sur le récif des Mischief (130 nautiques de Palawan) et en 2012 sur celui de Scarbourough (123 nautiques de Subic Bay).

Alors que, dans la controverse, Washington soutient les Philippines et que Duterte prenant la Chine à contrepied a décidé de renégocier le stationnement des forces américaines, les relations se sont tendues à l’extrême. Tandis que Pékin est devenu de plus en plus agressif, à Manille plus personne ne soutient la politique d’apaisement de 2016 initiée par Duterte en 2016 avec Xi Jinping.

Les Philippins et les autres riverains dont le Vietnam, la Malaisie et Brunei ne sont pas les seuls à s’irriter des prétentions souveraines de Pékin.

Le retour sur ses traces de la « Royal Navy ».

Le 26 avril, Ben Wallace, le ministre de la défense britannique annonçait que dès le mois de mai, la Royal Navy enverrait vers la Malaisie, Singapour, la mer de Chine du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande la plus importante flotte jamais rassemblée depuis 25 ans.

Entourant le porte-avions HMS Queen Elizabeth dont ce sera la mission inaugurale, capable d’embarquer 70 aéronefs dont les F-35B furtifs de 5e génération, le mouvement de la flotte vers l’Extrême Orient exprimera concrètement, dit Ben Wallace, la volonté de Londres de « s’engager avec ses alliés pour relever les défis de sécurité présents et à venir. ». (…)

Faisant clairement allusion aux projets chinois de rebattre les cartes du fonctionnement international, selon Pékin, trop contrôlé par les États-Unis et l’Occident, Wallace ajoutait que l’intention du Royaume Uni post-Brexit était de jouer un rôle actif pour « bâtir le système international du XXIe siècle ». En arrière-plan, le ministre avait en tête les conclusions de la dernière revue stratégique publiée en mars, annonçant une bascule des priorités britanniques de défense vers l’IndoPacifique.

La Chine y était clairement mentionnée comme la plus importante menace contre « la sécurité économique du Royaume Uni venant d’un État ». Tandis que l’augmentation de sa puissance était analysée comme l’élément géopolitique le plus déterminant des années à venir.

La flotte britannique, qui outre le PA Queen Elisabeth comptera deux destroyers lance-missiles, deux frégates anti-sous-marines, un sous-marin nucléaire d’attaque et un navire logistique, constituera le plus important déploiement de la Royal Navy depuis la guerre des Malouines en 1982. Il sera accompagné par un destroyer de la marine américaine et d’une frégate hollandaise.

Durant le périple qui durera plus de six mois, des exercices auront lieu au passage avec le PA Charles De Gaulle en Méditerranée et avec des unités italiennes, grecques, danoises, turques, des Émirats, d’Israël, de l’Inde, du Japon, de la Corée du sud, d’Australie et de Nouvelle Zélande. Pour l’heure, la route de la flotte vers la mer de Chine de l’Est et le Japon, passera par la mer de Chine du sud, mais évitera le Détroit de Taïwan.

Souvenirs amers.

Venant après les implications françaises récentes du PA Charles De Gaulle et du sous-marin nucléaire d’attaque Émeraude (lire : Les armes françaises en Asie) qu’une flotte de cette ampleur, battant le pavillon britannique vienne croiser dans des espaces marins que Pékin considère comme son arrière-cour stratégique exclusive et même pour les plus nationalistes, sa mer intérieure, ne peut que toucher un nerf sensible en Chine.

Ayant laissé sur le Continent et à Hong Kong de très amers souvenirs ponctués par les humiliantes défaites des guerres de l’opium, préludes au dépeçage du pays et de Hong Kong, aujourd’hui au cœur des tensions souverainistes et de la bataille sur le modèle politique, l’Union Jack, de retour dans la zone avec un tel déploiement de forces, est ressenti à Pékin comme une sérieuse blessure d’amour propre.

Interrogé sur les récents passages dans la zone de bâtiments français et le futur déploiement du porte-avion britannique et de sa flotte, le ministre chinois de la défense Wei Fenghe, 魏凤和, 67 ans ancien commandant de la force missiles de l’APL, s’est contenté de répéter la position officielle de Pékin.

Elle consiste à « s’opposer fermement à tout pays n’appartenant pas à la zone, s’immisçant dans les affaires régionales. Agissant sous le prétexte de liberté de navigation, ils portent en réalité atteinte aux intérêts communs des pays de la région. »


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