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A propos du possible renouveau d’un important contrat industriel français à Taïwan

Juillet 2022, huit mois plus tard.

La tribune date de janvier 2022. Rédigée en trois langues - à toutes fins utiles - elle était un instantané et un catalyseur mis en ligne sur la toile il y a un peu plus de huit mois, si l’on se cale sur le présent instantané, et point-fixe, à la date de cette tribune, fin juillet 2022.

Depuis, elle a fait son chemin, aidant à une saine maturation, aux deux extrémités. La situation qui a en effet évolué de manière positive, mérite une mise à jour. Mais elle n’a pas complètement décanté et il faut tenir compte d’obstacles logistiques. Un peu d’éclairage, quelles précisions, peuvent y contribuer.

Le DG d’Orano, Philippe Knoche, a confirmé en mars 2022 à l’ancien patron d’EDF en Chine (puis de sa production électronucléaire au sein de son Comex), Hervé Machenaud, qui l’interrogeait à ce sujet, qu’il était disposé à signer avec TPC un contrat d’enlèvement et de recyclage des combustibles usés de Taiwan.

Hervé Machenaud partagea le 18 mai 2022 cette bonne nouvelle avec Viénet (à la sortie d’une réunion de l’Asia Society à Paris, pour écouter l’ancien ambassadeur de France à Pékin, ancien Secrétaire général du Quai, Maurice Gourdault-Montagne).

Cela aurait deux conséquences importantes :

(a) Permettre le démantèlement programmé mais retardé des deux réacteurs du site de ChinShan, dans la proche banlieue de Taipei : ce démantèlement est impossible aussi longtemps que les deux réacteurs et leurs piscines sont saturés de leurs combustibles usés,

(b) En cas de besoin, prolonger (de manière bienvenue car Taiwan manque désormais l’électricité) de quelques années la production du réacteur KuoSheng n°2, qui est à l’arrêt car également sur-saturé par ses combustibles usés.

Dans le même temps, il semble que le MoEA (Ministry of Economic Affairs) ait lancé le processus qui donnera à TaiPower le feu-vert pour entamer avec Orano un nouveau dialogue direct entre spécialistes pour le retraitement en France de ses combustibles usés.

Cette information est sinon confidentielle, disons « retenue » pour conjurer le mauvais-sort. La rendre publique serait pourtant utile, bienvenu, et politiquement correct, et la meilleure façon de prouver le mouvement en marchant.

En effet, le MoEA exerce la tutelle de Taïwan Power Company, une entreprise d’Etat, et pensait devoir attendre - prudemment - pour donner publiquement son feu-vert - que l’industriel français se réimplante de manière crédible à Taiwan — ayant, il y a plusieurs années, dans un mouvement de mauvaise humeur, fermé son bureau de représentation à Taipei, et mis à la retraite une secrétaire qui n’avait pas démérité.

Également, le MoEA a besoin qu’un accessoire important soit choisi et synchrone, puisque ce contrat, très important, étalé sur plusieurs années, exigera pour toutes sortes de cautions et contre-garanties, impliquant Bercy, et autres finesses, un banquier-conseil crédible, garant et vecteur de l’implication du ministère de l’Economie français.

En 1891-83 ce fut Paribas, ensuite rejoint par la BNP, qui joua ce rôle décisif de garant. Ces deux enseignes bancaires ayant aujourd’hui fusionné, on peut s’attendre à ce que BNP-Paribas, toujours bien implantée à Taiwan, soit sur les rangs pour ce travail d’amont, fondamental.

Il est pertinent de rappeler que le budget correspondant à ce très important contrat est (largement) disponible dans le Nuclear Back-End Fund que TaiPower a, par avance, alimenté en versant dans ce compte-séquestre, aux bons soins du MoEA, pour chaque kWh d’origine nucléaire, une cotisation idoine.

Ce Nuclear Back-End Fund, « Fond indépendant pour la fin-de-cycle de l’électronucléaire », est donc doté à ce jour de bien plus qu’une douzaine de milliards d’US$, utilisables sans délai.

Si la raison et la logique s’imposaient.

On verrait rapidement :

* l’ANDRA (dans la foulée de son séminaire bilingue à Tpe en 2017) signer une convention de coopération,

* et l’ASN (l’Agence française de sureté nucléaire) renouveler avec l’Atomic Energy Council de Taiwan (AEC) la convention de coopération qu’avait signée son président, le Pr Lacoste, il y a plusieurs années, à l’initiative de Viénet :

Il n’est pas indifférent, en effet, que les procédures d’extraction des combustibles usés des piscines de réacteurs, la fourniture des emballages de transport, et leur embarquement vers la France soient validées du point de vue de la sureté, et leur mise-en-oeuvre contrôlée. C’est le coeur de métier de l’ASN.

L’ANDRA (agence française pour l’entreposage final des déchets radioactifs) n’est pas concernée par ces combustibles nucléaire usés taiwanais, mais peut apporter - en sus - de manière bienvenue - la preuve que la France ne se désintéresse pas, par ailleurs, d’un autre souci taiwanais lancinant et bien connu, mais bien plus facile à régler : celui des quelques 100,000 fûts de déchets de faible-activité à vie-courte (en anglais LLRW, Low-Level Radioactive Waste) malencontreusement entreposés dans des tranchées littorales de Orchid Island.

Taipei veut établir (depuis 2017) une comparable Taiwan Radwaste Agency. L’ANDRA avait alors aussitôt délégué à Taiwan trois spécialistes (dont le chef de cette mission à Taipei le Pr Patrick Landais, est depuis devenu Haut-Commissaire à l’énergie atomique) pour un symposium bilingue qui fut un réel succès. Mais le projet gouvernemental taiwanais a par la suite pataugé, pour avoir tenté maladroitement, et à contre-temps, d’y inclure les combustibles usés.

Or, ces Nuclear Spent Fuel sont loin d’être des déchets. Leur valorisation passe par le recyclage (à LaHague) : en France près de 20% de l’électricité provient du MOX, donc du recyclage des combustibles nucléaires, i.e. font bon usage du plutonium et de l’uranium de retraitement, dans la première génération des réacteurs de 900 MW.

Si Taiwan, débarrassé — grâce à Orano — de ses NSF, veut rapidement régler également son autre souci (celui des LLRW) l’ANDRA serait un partenaire français, amical et compétent, plus que bienvenu, pourquoi pas avec son sous-traitant industriel, Veolia, par ailleurs présent à Taiwan, depuis 1992 — lorsque Viénet créa (avec Taiwan Cement) sa filiale TaHo — depuis devenue le leader dans l’ile de la collecte et de l’incinération des déchets domestiques.

En fait, les obstacles à la signature puis la mise-en-oeuvre d’un tel (très important) contrat de recyclage sont d’ordre logistique, et ne sont plus du tout fumeux, ni idéologiques, comme à l’époque regrettable d’Anne Lauvergeon : ils découlent de ce que LaHague pour répondre aux besoins du marché devrait augmenter ses capacités, au moins d’accueil, dans ses piscines pour le moins.

C’est ainsi que EDF, le principal client désormais d’Orano, a proposé de financer une nouvelle piscine dédiée — puisque Orano paye les salaires de ses équipes plus avec le recyclage qu’avec l’accueil et l’attente en piscine du retraitement.

Mais ce qui est conjoncturel est toujours facile à solutionner : dans le cas de Taïwan, ce qu’il est important de mettre dans l’équation, c’est que les combustibles nucléaires usés de l’agglomération de Taipei, au milieu de 7 M d’habitants, enfin s’éloignent — soulageant élus, population locales, et les électeurs anti-nucléaires du DPP.

Donc que ces combustibles usés rejoignent - pour commencer - le site pratiquement inhabité de MaAnShan (appartenant déjà à TPC, qui y exploite deux réacteurs) en donnant aux élus du méridional Comté de PingTung l’assurance, sur la base d’un contrat signé avec Orano, que cet intérim sera véritablement de brève durée, étalé possiblement sur quelques années, et qu’Orano se sera déjà impliqué en veillant à l’évacuation depuis KuoSheng et ChinShan dans des châteaux double-usage, entreposage et transport (à l’opposé des immobiles sarcophages du Nord de l’ile, rejetés par tous).

Ce sera la véritable preuve de l’avantage de l’insertion d’Orano dans l’aval du cycle du combustible nucléaire taïwanais, un demi-siècle après avoir, en amont, été un partenaire amical, fiable et précieux.

On se retrouve donc peut-être, aujourd’hui, dans la situation favorable, celle de 1995-1997, que Viénet avait, depuis 1983, fait parvenir à maturité, lorsque le Chairman de TaiPower était venu à Paris proposer à Cogema un acompte substantiel pour l’enlèvement de 3,000 tonnes de combustibles usés, à la plus proche convenance de l’industriel français. Encore faut-il que l’important travail de terrain soit correctement assuré par une équipe et un délégué familiers avec les dizaines de techniciens et fonctionnaires concernés, et donc crédible à Taïwan.


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