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Stratégie agressive et retours de flamme

Le 18 avril, associant sa voix critique à celles Zi Zhongyun (lire : La Chine agressive et conquérante. Puissance, fragilités et contrefeux. Réflexion sur les risques de guerre.), Shi Zhan, le Directeur de Centre d’études des stratégies internationales à l’Université des Affaires étrangères qui forme tous les diplomates chinois, a clairement mis en garde le Parti contre les risques du nationalisme débridé exprimé par la diplomatie chinoise.

Rare remise en cause publique dans le contexte étroitement quadrillé de la politique intérieure chinoise, l’avertissement était sans ambages. Au milieu de la récession globale, la défiance et les atteintes au crédit de la Chine conséquences des commentaires agressifs de certains diplomates et du porte-parole Zhao Lijian seraient à la longue infiniment plus nuisibles que la faiblesse de la demande internationale handicapant les exportations.

S’exprimant sur la plateforme 正和岛- Z.H Island - réseau social de technologies et de services très fréquenté par les entrepreneurs chinois, le professeur Shi a notamment cité la réplique acerbe jetée par Zhao Lijian à la face des pays ayant relevé les défauts des masques chinois, « Ceux qui ne sont pas satisfaits des masques chinois n’ont qu’à plus en porter ». (…) « La remarque », dit le Professeur Shi « a aussitôt diffusé le sentiment que Pékin utilisait ses livraisons de masques comme une arme. (...) »

« Du coup, certains, y compris des pays amis de la Chine, ont vu l’opération planétaire de relations publiques livrant des masques aux pays touchés par la pandémie, comme un chantage ».

Les diplomates chevronnés appellent Pékin à la raison.

Replaçant ses remarques dans le contexte général de défiance né de la pandémie soulevant la question du rapatriement hors de Chine de certaines productions sensibles comme la fabrication de médicaments génériques (80% des principes actifs sont fabriqués hors d’Europe contre 20% il y a 30 ans – Le Figaro du 11/08/2019 -), Shi a ajouté « ce type de commentaire incontrôlé hystérise les méfiances et fera bien plus de mal à la Chine que le virus » (…) « La stratégie du “loup guerrier“ qui isole le pays, n’est pas tenable sur le long terme ».

Sa voix n’est pas isolée. Wu Sike, ancien ambassadeur en Arabie Saoudite et en Iran suggérait récemment d’être d’autant plus attentif aux critiques qu’elles viennent de pays amis comme l’Iran.

Début avril, à Téhéran, le ministre de la santé Kiannush Jahanpur s’était publiquement interrogé sur Twitter sur l’authenticité des chiffres des décès liés à l’épidémie à Wuhan qu’il avait qualifiés de « mauvaise plaisanterie », avant d’effacer sa remarque après la vigoureuse protestation de l’ambassadeur de Chine à Téhéran, Chang Hua. Lire : Les embarras du mensonge et la recherche d’une rédemption.

Mais pour Wu Sike, les réactions courroucées de Pékin provoquant parfois des rétractations diplomatiques embarrassées cachent une réalité qu’il est nécessaire de considérer plus sérieusement. En même temps que le ministre de la santé, plusieurs parlementaires iraniens avaient exprimé des doutes sur la sincérité des chiffres chinois.

Dans ces ambiances échauffées où s’expriment des opinions qui ne sont pas toujours celles des autorités officielles, Wu avait appelé à plus de sérénité diplomatique : « La diplomatie de la riposte agressive du tac au tac, à toutes les critiques, risque de mettre à mal nos relations avec les pays amis qui sont le socle de nos relations internationales ».

Le 8 avril dernier, tout juste 10 jours avant les mises au point du professeur Shi, Cheng Tao, ancien ambassadeur au Maroc et au Mali, diplomate expérimenté adepte de la diplomatie feutrée cherchant des terrains de compromis plutôt que des sujets de controverses, mettait en garde contre l’attitude internationale très agressive de la Chine, qui finirait par soulever des contrefeux partout, même en Afrique où, pourtant, l’aide médicale est très populaire.

Et, citée par le magazine Caixin, cette remarque qui ciblait directement la tête du régime, alors que la rivalité sino-américaine s’échauffe et que l’économie vient de subir un choc dévastateur, « Pour mieux nous préparer aux controverses contre la Chine, il importe de faire l’effort de nous évaluer nous-même de manière rationnelle et précise et de définir quelle relation nous voulons avoir avec le Monde ».

Au passage, Cheng Tao rappelait l’un des grands principes du Sun Zi que, tout à son affirmation nationaliste attisée par le souvenir des humiliations subies par la Chine au XIXe siècle, Pékin semble avoir oublié : « Il est de la plus haute importance d’avoir conscience de nos limites ».


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