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›› Politique intérieure

Radicale volte-face intérieure et signes d’apaisement de la querelle stratégique avec l’Occident et les États-Unis

Rivalités au sommet.

En haussant l’analyse à hauteur des rivalités politiques on perçoit dans cet enchaînement allant de la rigueur normative anti-Covid à la relance prônée par le Premier Ministre, un conflit entre le dogmatisme politique de Xi Jinping et le pragmatisme socio-économique de Li Keqiang.

En décembre dernier J.P. Yacine avait déjà pointé du doigt « le risque que l’excès de normalisation politique grippe le ressort de l’esprit d’entreprise, qualité chinoise essentielle à la clé du formidable élan économique privé de ces quarante dernières années. ». En réalité, se précise sous nos yeux le conflit politique entre les deux têtes du régime dont QC avait perçu les prémisses à l’été 2020.

Lire : Xi Jinping et Li Keqiang à couteaux tirés ? Un défi à la résilience de l’appareil.

La rivalité s’inscrit aussi dans une vision stratégique et idéologique contrastée entre le Président et le Premier ministre.

Li Keqiang proche de la pensée réformatrice libérale fut, par le truchement du centre de recherche du Conseil d’État, le coauteur du document de prospective « China 2030 » rédigé avec le concours de la Banque Mondiale et de son président de l’époque Robert Zoellick, dont la pensée insistait sur « l’incroyable succès du développement chinois », sans nier les défis clairement identifiés dans le rapport, dont l’essentiel insistait sur la nécessité de réformer le schéma de développement. Lire à ce sujet : Au-delà des confinements, l’exigence de vivre et la réforme du schéma de développement.

En revanche Xi Jinping développe depuis 2012, et plus spécialement à partir du 19e Congrès des idées politiques recentrées sur les « caractéristiques chinoises » idéologiquement opposées à l’Occident, jusqu’à porter une posture d’affrontement direct avec Washington.

Celle-ci s’est d’abord précisée en riposte aux pressions fiscales sans mesure exercées par D. Trump au point de menacer l’équilibre politique du régime chinois, avant de se dilater en une rivalité stratégique globale qui domine la pensée de toute la classe politique américaine.

Aujourd’hui cependant, les nuances de politique intérieure et d’ajustement de l’économie acceptées par Xi Jinping sur un mode moins rigide, semblent se dilater à un adoucissement de la posture stratégique. Au moment où de nouvelles tensions ont surgi dans le Pacifique Sud, nombre d’indices signalent en effet la discrète mais réelle volonté de Pékin de renouer le dialogue avec Washington.

Nouveau signe de la volonté chinoise d’apaisement.

Le 24 mai, le parti a, par Xinhua, laissé percer une information signalant une convivialité amicale du Président chinois se remémorant son séjour dans l’Iowa aux États-Unis. Il s’agit de la première marque de sympathie exprimée à l’égard de l’Amérique depuis 2016 par le Parti qui pèse au trébuchet toutes ses déclarations publiques.

On lit dans l’article que le Président avait répondu à une lettre de Sarah Lande, vieille amie de la Chine qu’il avait connue lors de son séjour dans l’Iowa en 1985 et qu’il avait revue lors de son voyage aux États-Unis en février 2012, alors qu’il était encore vice-président, neuf mois avant d’être nommé à la tête du parti.

Les termes de la lettre de Xi Jinping sont sans équivoque : « Les peuples chinois et américain sont tous deux de grands peuples ; leur amitié n’est pas seulement un atout précieux, mais elle est aussi une base importante pour le développement des relations bilatérales. Le peuple chinois est prêt à continuer de se joindre au peuple américain pour renforcer les échanges amicaux, faire avancer la coopération mutuellement bénéfique et promouvoir conjointement le bien-être des deux peuples, a déclaré M. Xi. »

La balle est dans le camp de Washington. Le 26 mai, Antony Blinken a prudemment commencé à la jouer dans un discours à l’Université Georges Washington sur les relations sino-américaines.

Il est vrai qu’il a d’abord repris les griefs bien connus de la Maison Blanche, depuis le vaste différend commercial jusqu’aux tensions stratégiques en passant par le contraste culturel, désignant la Chine comme « le seul pays ayant à la fois l’intention et les moyens économiques, diplomatiques, militaires et technologiques de rebâtir à sa main l’ordre international ».

Sans surprise, Blinken a pointé du doigt la proximité de Pékin avec Moscou dans la guerre en Ukraine « La défense par Pékin de la guerre du président Poutine pour effacer la souveraineté de l’Ukraine et sécuriser une sphère d’influence en Europe est une alarme pointant le risque d’une réplique sino-russe en Asie Pacifique ».

Mais il a aussi souligné que, tel qu’il était aujourd’hui, l’ordre global que pour la première fois depuis longtemps un responsable américain n’a pas relié au « Droit international », concession notable au discours des « caractéristiques chinoise », ne représentait pas équitablement les intérêts de tous les pays – en particulier ceux des puissances en développement, y compris « les proches partenaires des États-Unis comme l’Inde » -.

Surtout, peut-on lire dans un article de la revue The Diplomat du 27 mai, sous la plume de Shannon Tiezzi, spécialiste de la Chine, ancienne étudiante à Qinghua « en dépit des sévères critiques formulées sur la répression des opposants et l’agressivité internationale de la Chine, il a longuement évoqué la coopération avec la Chine sur les défis majeurs de la planète. ».

Au passage cependant, Blinken n’a pas manqué de critiquer le relativisme écologique de Pékin qui affirme ne pas vouloir séparer les ambitions de réduction de gaz à effet de serre des spécificités du mix énergétique chinois, encore largement tributaire pour son développement des énergies fossiles.

Au total, on voit bien que si la volonté de dialogue existe des deux côtés, déjà manifestée par l’attention ostensible que Pékin avait accordé au cinquantième anniversaire de la visite en Chine de Nixon en février 1972, elle est pour l’instant plus nette chez Xi Jinping que chez Biden [2].

Note(s) :

[2L’arrière-plan historique de la volonté d’apaisement avec le n°1 mondial, est enraciné dans l’antique tradition impériale.

Selon les annales, à l’époque des Han qui durèrent quatre siècles, historiquement à cheval sur le début de l’ère chrétienne et contemporaine de l’Empire romain, les stratèges chinois dont la vision était comme aujourd’hui autocentrée sur la puissance de la Chine, parlaient de Rome comme un équivalent d’eux-mêmes qu’ils appelaient « le Grand Han de l’Ouest ». A cette époque déjà, l’Empire était animé d’une intention de contact avec une puissance équivalente à la sienne, mais dans une sphère culturelle différente.


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