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P4 de Wuhan et accord France-Chine sur les maladies infectieuses. La France a-t-elle manqué de clairvoyance pendant plus de 15 ans ?

L’article restitue la genèse bilatérale de l’accord franco-chinois sur les maladies infectieuses émergentes (MIE) d’octobre 2004 avant de rappeler que sa mise en œuvre chaotique jusqu’aujourd’hui s’explique autant par son contenu déséquilibré que par un désintérêt des acteurs français.

Parmi ces derniers, le Quai d’Orsay fait exception : pendant plus de 15 ans et jusqu’à aujourd’hui, des moyens substantiels sont engagés pour, d’une part faciliter les transferts de technologies vers le P4 de Wuhan et, d’autre part, mettre gracieusement au service de la Chine des chercheurs français spécialisés dans les MIE.

Cette générosité est entretenue par nos diplomates qui n’ont cessé de réclamer davantage d’engagement de la France, sans succès.

Pendant ce temps, les chinois passèrent à autre chose. Dès 2015, ils décidèrent de reprendre la main sur le P4, jusqu’au dernier développement en 2020 : le P4 est aujourd’hui officiellement une installation chinoise !

Cette décision chinoise relève-t-elle de l’opportunisme ou du fait que la Chine ne se considère plus comme redevable envers la France ? Selon l’auteur, la seconde hypothèse renvoie à l’accord de 2004 et aux possibles contreparties chinoises restées secrètes, en échange de technologies sensibles fournies par la France.

La rédaction

*Pseudonyme d’un responsable d’administration centrale qui travaille dans un ministère technique. L’auteur a suivi les développements de l’accord franco-chinois de 2004 ainsi que certains dossiers de la coopération bilatérale non économique. Il a une bonne connaissance de la Chine.

1re Partie : La genèse de l’accord de 2004.

C’était le 21 avril 2015 à Wuhan. Accompagné d’un représentant du Consulat de France, qui avait tout organisé sur place, le professeur Jean-Louis Romette se présente à l’Institut de virologie de l’Académie des sciences de Chine (IVW/CAS). L’IVW est une grande institution de recherche (plusieurs centaines de personnes), elle est le pilote du centre de confinement P4, récemment construit grâce à la France. Le professeur Romette (Université d’Aix-Marseille) n’est pas n’importe qui.

Il a d’abord dirigé le projet européen EVA - European Virus Archive - (2009-2014) d’archivage européen des virus, puis EVAg - EVA goes global - (2015-2019), prolongement mondial du même projet. Son but est de répertorier les virus présents et nouvellement identifiés afin d’en partager les caractéristiques avec la communauté scientifique, voire de procéder à des échanges de souches.

Le professeur Romette est reçu par le prof. YUAN Zhiming, secrétaire du parti de l’IVW (et membre de la Commission Consultative du Peuple Chinois) et une dizaine de chercheurs. Comme souvent dans ce type de réunions, la partie chinoise manifeste son intérêt pour participer au projet tout en prenant soin de préciser qu’elle doit solliciter le feu vert de ses autorités politiques.

Dans le cas présent, YUAN Zhiming indique qu’il s’agit de l’Académie des Sciences (CAS), du Ministère des Sciences et de la Technologie (MoST), du Centre de Contrôle des maladies infectieuses (CDC) et de la Commission Nationale de la Santé et de la Planification (CNSPF).

Une manière élégante de dire que cela prendra du temps et que ce n’était pas forcément sa priorité.

La prudence de YUAN Zhiming, chercheur formé en France (Pasteur, CIRAD), s’explique sans doute déjà par la ligne rouge fixée en haut lieu limitant les échanges scientifiques dans le cadre du P4 et, de façon annexe, par la législation chinoise qui interdit toute exportation de matériel biologique.

Il reste que dans un réseau scientifique du type d’EVAg, il faut savoir donner pour recevoir. L’attitude chinoise est donc, en elle-même, un facteur d’assèchement des échanges.

C’est pourquoi il est douteux que la collaboration ait pu s’amorcer. A fortiori se poursuivre puisque, depuis le 15 mars 2020, les chercheurs chinois ont visiblement eu instruction de ne plus communiquer avec l’extérieur.

Le P4 de Wuhan est en effet officiellement fermé depuis le 23 janvier 2020 date du début de confinement de Wuhan et de la province du Hubei. Le blocage s’est ajouté aux restrictions imposées en matière de visa et à l’interruption de la coopération scientifique internationale.

Dans tous les cas, une évidence. C’est sous le contrôle strict de sa hiérarchie et des autorités politiques que, le 20 avril 2020, le professeur YUAN Zhiming déclara, devant les caméras du monde entier qu’il était « (…) impossible que ce virus soit sorti de chez lui (IWV + P4) ».

Mais comme personne ne peut se rendre à l’IWV, des soupçons ont surgi. Ils sont alimentés par le contraste entre le blocage de l’information et la déclaration péremptoire de Yuan Zhiming. « Il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas »…(E. Macron, sur l’épidémie en Chine, avril 2020). Les mêmes doutes ont été exprimées par Angela Merkel.

Le déni est à la mesure de la situation intenable dans laquelle se trouve désormais l’IVW/CAS, et, au-delà, la Chine. Le pays est en effet soupçonné sans preuve directe par la plupart des pays occidentaux, dans une ambiance de défiance qu’il alimente lui-même par une opacité confinant à la dissimulation.

Le doute est encore attisé par la nomination, le 14 février 2020, de Madame CHEN Wei, Major Général de l’APL en charge de la guerre bactériologique à la tête de l’Institut de virologie de Wuhan (IVW/CAS).

Pour autant, et les militaires le savent bien, lutter contre les armes biologiques, c’est également contribuer à les connaître et d’abord en échangeant avec d’autres. Lire à ce sujet le § sur Madame Chen Wei 陈 微, § « La rumeur persiste ».

Mais, au risque d’écrire une banalité, il n’est pas certain qu’il soit possible d’en savoir beaucoup plus, malgré l‘insistance américaine pour diligenter une enquête de grande ampleur, voire même d’exiger « des réparations » comme l’a récemment suggéré le Président Trump (27/4).

Au passage rappelons que, dans la mémoire chinoise, le terme « réparations » renvoie à une des périodes de l’histoire où les tensions entre la Chine et l’Occident avaient atteint un point extrême. Le traité conclu avec la Chine impériale qui mettait fin à l’insurrection des « Boxers », le 7 septembre 1901, exigeait en effet que l’Empire très affaibli par des révoltes paysannes, verse aux Occidentaux des « réparations » exorbitantes représentant à l’époque 1600 millions de Francs-or, payables en 40 ans.

Tel est l’arrière-plan funeste d’une tension qui s’aggrave entre la Chine et les Occidentaux et où tout indique que la chape de plomb politique pesant sur la situation s’alourdira, attisant mécaniquement l’incrédulité et les sarcasmes.

A l’image de l’échec patent du PCC qui chercha à compenser ses errements de la gestion initiale de la crise à l’origine de graves questionnements internes (lire : Covid-19 : La démocratie, l’efficacité politique et l’attente des peuples.), par l’activisme diplomatique tous azimuts ponctué par des livraisons de masques, d’une diplomatie humanitaire appuyée par un intense effort de propagande destiné à mettre en scène l’efficacité du modèle sanitaire chinois.

Ainsi fonctionnent les appareils politiques monolithiques. Manquant d’agilité, ils ne savent communiquer qu’en direction de leurs propres troupes. Pour autant, à ce jour, malgré les indices et les coïncidences, et en l’absence de preuves directes, la diffusion du COVID 19 par un accident de confinement à l’IVW/P4 reste une rumeur.


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