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Les causes croisées de l’agitation en Mongolie intérieure

Hu Chunhua, 48 ans, Secrétaire Général du Parti de Mongolie intérieure, repéré par Hu Jintao (pas de lien de parenté, en dépit du patronyme), ancien secrétaire général de Ligue de la jeunesse communiste, et étoile montante de la 6e génération des dirigeants, dont la trajectoire devrait culminer en 2022, est aujourd’hui confronté à une situation difficile dans les plus grandes villes de Mongolie intérieure.

Depuis le 23 mai, la minorité ethnique mongole - dont le poids démographique n’est plus que de 20% dans la province - est en effet entrée en effervescence à la suite de la mort, le 10 mai, d’un berger mongol tué par un camion chargé de charbon, conduit par un Han ayant pris la fuite. La victime, dénommée Mergen, était connue pour son activisme contre les appropriations de terres par les compagnies minières exploitant le charbon. La nuit de sa mort il tentait, avec plusieurs de ses amis, de barrer la route à un convoi.

Constatant que l’affaire, également liée aux controverses sensibles sur les politiques publiques à l’égard des ethnies minoritaires, connaît déjà un large retentissement international, relayé par les associations mongoles à l’étranger, le Secrétaire Général Hu, qui a aussi une longue expérience au Tibet, a compris que la situation recèle, après les émeutes au Tibet en 2008 et au Xinjiang en 2009, un potentiel explosif, même si les Mongols, dont la dernière révolte remonte à 1981, sont considérés comme beaucoup mieux assimilés que les Ouïghours et les Tibétains.

Il a donc agi dans deux directions : le renforcement massif des forces de police anti-émeute, présentes partout dans les centres urbain, au point que certaines informations parlent de loi martiale, et simultanément le dialogue avec les protestataires pour les assurer que les coupables seront punis.

Mais les racines des troubles plongent également dans la désinvolture avec laquelle les compagnies minières ont jusqu’à présent exploité la province, dont le paysage est, par endroits, gravement saccagé. Cette observation renvoie aussi aux risques réels d’instabilité sociale identifiés par le Parti et directement liés au mépris des lois affichés par certaines catégories de puissants - hommes d’affaires et membres du Parti - dont le comportement arrogant fournit les sujets d’innombrables articles de la presse quotidienne chinoise.

Les incidents en cours, dont l’épicentre est situé à moins de 300 km de Pékin, se trouvent donc à la croisée de plusieurs controverses. A la question ethnique s’ajoutent en effet celles liées à l’environnement et à la difficile mise au pas des compagnies minières cupides et destructrices, dans un contexte où la société commence à s’insurger contre l’impunité d’une catégorie de notables sur lesquels la loi ne semble pas avoir de prise.

A l’heure des réseaux sociaux et d’internet qui ne cessent de contourner les blocages de la censure pour diffuser instantanément aux internautes, les abus d’autorité, l’arrogance et la brutalité de certains cadres, le pouvoir a bien compris le potentiel déstabilisant des privilèges et de l’impunité dont bénéficie une partie de la classe au pouvoir en cheville avec le monde des affaires.

S’il est vrai qu’en Chine, l’instabilité sociale a peu de chance de se nourrir de l’émergence de concepts abstraits tels que ceux de la démocratie ou de l’indépendance des tribunaux, il n’en reste pas moins vrai que l’injustice au profit des puissants recèle historiquement un fort potentiel de mobilisation populaire.

Les multiples faces et la sensibilité de l’incident qui tient la province en haleine - question ethnique, destruction de l’environnement et comportement arrogant de certains cadres et de quelques hommes d’affaires - n’ont pas échappé au Parti, d’autant que les Mongols se plaignent amèrement que l’industrie minière se développe exclusivement au profit des Han.

L’agence officielle Xinhua vient en effet de déclarer que le gouvernement régional allait évaluer l’impact des industries minières sur le mode de vie des populations. Simultanément le secrétaire général de la province Hu s’engageait à indemniser la famille de la victime et à « protéger la dignité de la loi, ainsi que les droits de la victime et de sa famille ».

A Pékin, une campagne politique contre les abus.

Dans le même temps, se développe à Pékin une campagne politique, il est vrai encore bien timide, qui vise les privilèges et les passe droits des membres du Parti dans trois domaines, identifiés par le terme « 三公 » - san gong - pour « trois (dépenses) publiques », que sont l’utilisation hors service des voitures officielles ainsi que des fonds publics pour les repas et les voyages privés.

Mais tout indique qu’il y a urgence à aller plus loin pour éradiquer l’impunité et les privilèges qui donnent au commun des mortels le sentiment d’un affaiblissement de l’état de droit, au profit d’une oligarchie.

Enfin, le 30 mai, lors d’une réunion du Bureau Politique, dont a rendu compte la presse chinoise, le Président Hu Jintao a encore une fois insisté sur la nécessité de renforcer et de rénover les méthodes de « gestion » de la société 加强和创新社会管理, slogan inauguré par le Président en février dernier dans son ancien fief de l’Ecole Centrale du Parti et repris lors de la cession annuelle de l’ANP en mars. Reconnaissant que le pays était confronté à d’importantes contradictions sociales, il ajoutait - mais ce n’est pas la première fois - que les capacités du Parti à améliorer ses performances dans ce domaine seraient la clé de sa longévité au pouvoir.

Toutefois s’il est vrai que la déclaration de Président suggérait un effort pour protéger les « droits de citoyens » et instaurer plus de justice, il n’en est pas moins évident que l’heure est au resserrement de la sécurité publique, au contrôle plus étroit des critiques et de la presse, dans un contexte général où la tendance semble aussi tourner le dos à la marche vers un état de droit à l’Occidentale.


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