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›› Politique intérieure

La fin de l’année du Coq sur fond de lutte contre la corruption

La fin de l’année 2017 a été marquée par de nouvelles mises en accusation de hauts fonctionnaires corrompus.

Les unes visaient Lu Wei la figure emblématique des médias, de la propagande et du contrôle d’internet ; les autres précisaient les charges pesant sur Sun Zhengcai, ancien n°1 de la très sensible municipalité autonome de Chongqing qui, il y a 6 ans, fut le théâtre de la plus brutale secousse politique depuis Tian An Men. Lire : Le Parti purge Bo Xilai.

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A 58 ans, vétéran de l’agence Chine Nouvelle depuis 1994 année où, à 34 ans, titulaire du poste de n°2 de l’agence de la province du Guangxi, Lu Wei 鲁炜 en devint le vice-Directeur 10 ans plus tard, avant de parvenir en 2011 aux strates politiques nationales et du Comité Permanent du Bureau Politique de Pékin, avec le titre de vice-maire.

Lu Wei, le maître censeur d’Internet.

En 2013, un an après le début du premier mandat de Xi Jinping, Lu Wei entrait au gouvernement au poste de vice-directeur de l’information. L’année suivante il était nommé n°2 et de la propagande du Parti, en charge du contrôle de la « cybersphère » et des médias sociaux de la toile chinoise comptant 730 millions d’utilisateurs.

L’hypothèse de sa chute prochaine annoncée par la Commission de discipline le 13 février courait depuis qu’en juin 2016 il avait été écarté du contrôle d’internet et qu’en octobre, le 19e Congrès l’avait évincé du Comité Central. Son successeur Xu Lin, 55 ans entré au Comité central en lors du Congrès, a, hormis un passage de 3 ans au tibet, fait tout sa carrière à Shanghai. Sans surprise, il est un proche de Xi Jinping.

Le 14 février, l’historien Zhang Lifan, ancien membre de l’Académie des Sciences Sociales notait que le communiqué de la Commission Centrale de Discipline signifiant l’exclusion de Lu Wei du Parti était particulièrement virulent. Dénonçant non seulement ses « sérieux manquements à la discipline », mais également son « attitude tyrannique et immorale de corruption et de chantages sexuels à quoi s’ajoutait une ambition narcissique effrénée », la diatribe lui reprochait aussi d’avoir « trahi l’appareil ».

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L’autre affaire politique renvoie au télescopage entre les luttes de pouvoir, le redressement éthique du Parti et la vie familiale tourmentée de nombreux cadres de l’appareil devenant à la longue une fragilité politique du système.

A l’automne 2014, nous avions évoqué ces vulnérabilités analysées par Qiao Cuixia jeune directrice adjointe de l’Institut d’économie de l’Université Normale du Shandong également membre de l’Académie des Sciences Sociales de la province et ancienne de l’École du parti du Shandong.

Les femmes, talon d’Achille de Sun Zhengcai ?

Ancien du Bureau Politique dont il était le plus jeune membre avant sa destitution à l’été dernier, promis au plus hautes fonctions, Sun Zhengcai, le n°1 de Chongqing affecté à la tête de la municipalité autonome 2012 après les très acrobatiques turbulences de l’affaire Bo Xilai, exclu du Parti en septembre a, le 13 février dernier formellement été accusé de corruption par la cour de Tianjin.

On lui reproche d’avoir accepté des pots de vin et monnayé ses appuis dans tous les postes qu’il a occupés au cours de sa carrière, à la municipalité de Pékin dont il fut le secrétaire général de 2002 à 2006, comme ministre de l’agriculture (2006 – 2009), à la tête de la province de Jilin (2010 – 2012) et à Chongqing depuis 2012 où il a été remplacé par Chen Min Er, très proche du président (Lire 19e Congrès : Qui est Chen Miner 陈 敏 尔 ?)

Pour faire bonne mesure, le 6 févier, le magazine Caixin publiait un long article sur la liaison de Sun avec sa maîtresse de plus de 20 ans, Liu Fengzhou, 55 ans, ancienne fonctionnaire devenue femme d’affaires ayant utilisé l’appui de Sun pour mettre sur pied un « empire commercial » de 17 sociétés dans les fiefs que Sun Zhengcai a administrés au cours de sa carrière.

Selon le journal, à Chongqing, elle avait aussi, grâce à son amant, remporté un très lucratif appel d’offres de plusieurs dizaines de milliards de Yuan pour la construction d’une ligne de métro et d’un tunnel.

Liu Fengzhou, une « femme renarde » ?

Arrêtée en mai dernier, amateur d’art, bouddhiste pratiquante, collectionneuse connue pour son entregent dans les milieux artistiques, la figure de Liu qui, à sa nomination à Chongqing avait offert à Sun son portrait en pied en robe impériale de soie jaune brodée de dragons, évoque, sans que jamais l’article de Caixin ne le précise explicitement, les « femmes renardes - 狐狸精 hulijing – ».

Se métamorphosant en une gentille jeune fille séduisante pour ensorceler les héros, tantôt, bénéfiques, tantôt maléfiques, les « Hulijing » et leurs histoires d’amour avec les lettrés confucéens sont des personnages récurrents des romans de Pu Songling (1640 – 1715), l’écrivain bien connu de la dynastie Qing (1644 – 1911) dont la biographie dit qu’il avait lui-même été marqué par son mariage avec la demoiselle Liu.

Auteur du Liaozhai Zhiyi 聊斋志异 - Contes extraordinaires du pavillon du loisir - dont une traduction a été publiée par Gallimard en 1969, Pu Songling est célèbre pour ses chroniques fantastiques où les personnages de femmes fatales intéressées, avides de pouvoir et jalouses, décrites avec réalisme et concision, tiennent le haut du pavé.

Deux autres femmes dont les médias disent qu’elles ont un lien avec cette affaire, sont sous les verrous ou font l’objet d’enquêtes. Il s’agit d’abord de Duan Weihong, 49 ans, native de Tianjin.

En prison depuis plusieurs années, son nom avait déjà été évoqué en 2012 dans un article du New-York Times sur la corruption de la famille Wen Jiabao dont elle était le prête-nom pour ses investissements dans le groupe d’assurance Ping An. La connexion avec Sun passerait par le district de Shuny au nord de Pékin où Sun Zhengcai qui y était en poste en 2002, avait rencontré l’ex-mari de Duan.

L’autre femme de cette cabale politico-commerciale dont la justice chinoise s’est saisie après la Commission de discipline est Huang Suzhi native du Jiangsu. Vice-présidente du groupe « IZP », impliqué dans les placements financiers, les études de marché et les transactions commerciales, Huang dont l’article dit qu’elle serait une autre maîtresse de Sun, est retenue depuis avril dernier par la police pour enquête.

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S’il est vrai que les charges accusant Sun Zhengcai d’avoir favorisé sa (ou ses) maîtresse (s) sont lourdes et qualifiraient clairement, si elles étaient avérées, le délit de corruption, les déclarations du Parti le concernant ne se sont pas limitées aux accusations de prévarication.

Sun accusé de complot politique.

En l’accusant publiquement à l’ouverture du 19e Congrès de « comploter contre la direction du Parti pour se saisir du pouvoir », Liu Shiyu, président de la Commission de régulation boursière a introduit le soupçon que le limogeage d’un des jeunes prétendants à la succession, condamné avant d’être jugé et dont personne ne prend la défense, avait aussi un fort parfum de lutte politique dont le ton avait été donné en octobre dernier par la Commission de discipline du Parti qui accusa Sun d’être « un politicien carriériste et un conspirateur ».

Dans un article paru dans le South China Morning Post en décembre dernier, interrogeant le sens des mises au pas politiques systématiquement assorties de soupçons de complots qui accompagnent depuis un an le contrôle idéologique des universités et des institutions académiques que le régime cherche à protéger des influences étrangères, Cary Huang éditorialiste du journal depuis les années 90 se demandait si cette vague de rectifications et d’expulsions du parti, mêlant procédures judiciaires uniquement à charge, défiance politique complotiste, condamnations morales et fermeture académique, n’était pas le symptôme préoccupant d’une faiblesse politique du régime.

Lire : Le « China Quaterly » et la rigueur académiques aux caractéristiques chinoises.

1,3 millions fonctionnaires emprisonnés.

Observation plus prosaïque, mais non sans lien avec l’hypothèse d’une faiblesse du régime, le 14 février, un autre article du South China Morning Post signalait que la prison de Qincheng où sont incarcérés les prévenus membres de l’élite du régime manquait de cellules, ce qui avait, faute de place, conduit la direction de la prison à annuler les visites aux prévenus de haut rang durant la fête du printemps.

Au bas mot 1,3 millions de fonctionnaires de tous niveaux, depuis les « tigres » jusqu’aux « mouches » sont incarcérés dans les geôles chinoises, au point que la prison de Qincheng située au nord de la capitale dans le district de Changping, rénovée dans les années soixante et réservée aux membres de l’élite en disgrâce purgés ou condamnés par la justice, déborde. La dernière fois que ces quartiers réservés aux VIP avaient manqué de place c’était durant la révolution culturelle.


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