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›› Editorial

La Chine est-elle réellement isolée ? Ses relations avec Djakarta, un cas d’école

Les retards de Washington.

Se réveillant un peu tard d’une période d’obsession stratégique dominée par la rivalité avec la Chine, en août dernier, Washington a, avec Antony Blinken, tenté de redonner vie à son dialogue stratégique avec Djakarta.

Sur la table : la liberté de navigation en mer de Chine du sud. Le même mois, les deux organisaient le plus vaste exercice conjoint de leur histoire, auquel participèrent 3000 militaires des deux pays. Dans le même temps, le Département d’État et le Pentagone faisaient la promotion du Drone armé « MQ-1C Eagle ». Enfin, le 1er novembre dernier, Joko Widodo et Joe Biden se rencontraient à l’occasion de la COP 26 à Glasgow.

Mais, alors que les liens entre Djakarta et Pékin se sont notablement resserrés sur fond d’importants investissements chinois très utiles à l’économie indonésienne, Widodo a paru inquiet de ne pas afficher une trop grande proximité avec Washington.

Surtout, il est, comme d’autres pays de la zone, dont le commerce dépend beaucoup du marché chinois, soucieux de ne pas se laisser aller à un conflit direct avec la Chine dans le sillage de la rivalité stratégique sino-américaine.

Enfin, il faut le répéter, il est probable que la « générosité vaccinale » de Pékin a beaucoup joué pour apaiser les rancœurs des riverains excédés par les harcèlements chinois dans leurs ZEE.

Diplomatie des Vaccins, attractivité du marché chinois et défiance face à Washington.

En Indonésie, les livraisons de vaccins chinois au moment où l’Archipel comptait déjà 17 000 morts à un rythme de 80 décès/jour, ont limité la fureur du Président Widodo quand, en septembre 2020, des garde-côtes chinois et indonésiens sont restés face à face pendant 48 heures dans les parages de la ZEE indonésienne des Natuna dont les eaux sont traversées par la ligne en 9 traits chinoise qui les réclame.

Le Président Rodrigo Duterte à Manille dont les allégeances à Washington et Pékin avaient flotté au gré des pressions territoriales chinoises et des raidissements antichinois de son opinion publique, est un autre exemple que la diplomatie chinoise du vaccin fonctionne.

Il y a tout juste un an le Président philippin qui avait d’abord insulté Barack Obama, avant de se crisper contre les revendications chinoises dans les parages du haut-fonds de Reed (lire : Mer de Chine du sud. La carte sauvage des hydrocarbures. Le dilemme de Duterte) avait, par un brutal contrepied, manifesté sa gratitude à la Chine avec laquelle il était pourtant en pleine controverse publique à propos du récif de Scarborough.

Dès juillet 2020, il exprima un renoncement territorial en expliquant dans un discours aux parlementaires philippins que la Chine était « maître de la mer de Chine du sud et qu’il n’y avait rien à faire ». Aussitôt Pékin annonçait que les Philippines étaient placées sur la liste de pays prioritaires pour le vaccin.

Deux mois plus tard, au cours d’une réunion ministérielle, Duterte expliquait que « l’avantage avec les Chinois, était qu’ils “donnaient sans qu’on leur demande“, alors que les pays Occidentaux n’avaient en tête que le profit ».

Kuala Lumpur a également été placé sur la liste prioritaire de la stratégie des vaccins par Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères. Mais il l’a fait en demandant en échange la libération de 60 pêcheurs chinois arrêtés dans les eaux territoriales malaisiennes.

Il est en revanche exact que les États-Unis qui disputent l’influence chinoise dans la zone et tentent de rallier le soutien de Djakarta, n’eurent rien à offrir pour faire concurrence à la déclaration du Président Xi Jinping qui faisait des vaccins chinois « un bien public mondial ». La Maison Blanche avait en effet clairement fait savoir que les vaccins Pfizer, Moderna et Johnson & Johnson étaient en priorité destinés aux Américains.

Dans un contexte où les gouvernements de la zone étaient pressés de trouver une solution sanitaire alors que la réactivité de leurs hôpitaux était faible, la Chine avait une longueur d’avance sur Washington.

Elle avait - elle a toujours - l’avantage d’une capacité de production de masse et celui de pouvoir afficher une victoire contre la pandémie sur son sol, par sa stratégie-forteresse de « zéro-covid ». Pour nuancer cette posture, lire : Vaccination et stratégie du « zéro covid ». De la virologie à la propagande politique.

Il reste que c’est bien l’image d’une prévalence chinoise qui surnage. Pour Gurjit Singh, ancien ambassadeur Indien à Djakarta « La persistance de la pandémie et la réactivité des groupes pharmaceutiques chinois ont modifié l’équilibre stratégique de la zone. »

Ainsi, force est de constater que, quand au lieu de harceler ses voisins sur leurs ZEE, elle joue de ses principaux atouts qui sont ses capacités commerciales et sa puissance financière, principal levier de ses entrepreneurs toujours à l’affut de projets lucratifs, la Chine est difficile à concurrencer. A ce sujet, lire l’analyse de François Danjou : En l’absence de l’Inde, la Chine unique poids lourd du Partenariat Économique Régional.

Enfin, pour nuancer encore les analyses sur l’isolement chinois, il faut se souvenir que nombre de pays en développement, souvent autocrates en difficultés économiques, ont pris fait et cause pour Pékin sur le traitement des Ouïghour au Xinjiang, l’un des sujets les plus sensibles à l’origine des tensions entre Pékin, les États-Unis et l’Europe. Lire : Controverses globales autour du traitement des Ouïghour. Pékin rallie un soutien hétéroclite et brouille la solidarité des musulmans.


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