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›› Editorial

La 4e crise de Taïwan. Quels risques d’escalade ?

A Taïwan, un net rejet des prétentions chinoises.

Échaudés par la brutalité chinoise à Hong Kong qui, au passage, s’explique par l’histoire des humiliations des guerres de l’opium déclenchées par Londres, ils étaient 90% à rejeter la prétention de Pékin à réunifier Taïwan et 88,6% à approuver la stratégie de Ia Présidente Tsai Ing-wen, visant à rapprocher l’Île des démocraties.

Symptôme que les Taïwanais craignent aussi une « une réunification rampante » par les liens industriels et commerciaux, plus de 70% étaient en faveur d’une loi interdisant aux ingénieurs taïwanais d’aller travailler en Chine comme le font déjà 3000 d’entre eux attirés par les hauts salaires offerts par Pékin notamment dans le secteur des semi-conducteurs.

La sur-réaction de Pékin en amont du 20e Congrès qui, par référence obstinée à la « guerre civile inachevée » attend mécaniquement le réflexe d’une inflexibilité sans réserve de son premier secrétaire, candidat à une troisième mandat, a provoqué quelques réactions offusquées de la communauté internationale.

Condamnations, postures et ambiguïtés.

Sans surprise Antony Blinken a rappelé que « la visite de Nancy Pelosi était pacifique et qu’il n’y avait aucune justification à une escalade militaire aussi extrême et disproportionnée ».

Le Japon a officiellement protesté à Pékin, que 5 missiles chinois étaient tombés dans la ZEE du Japon dans les parages des îles Hateruma, Yonaguni et Senkaku, situées à 100 nautiques à l’Est et au nord-Est de Taïwan.

En retour, le Waijiaobu a convoqué l’ambassadeur du Japon pour protester contre sa participation à la déclaration commune du G.7 qualifié par Wang Yi « d’ingérence outrecuidante “放肆 – fangsi –“ dans les affaires intérieures chinoises. ».

Dans le même registre, sourd aux particularités de la situation de Taïwan et à son opinion publique, il avait précédemment accusé Nancy Pelosi « d’utiliser la démocratie pour violer la souveraineté chinoise ».

Indignée par la position de Tokyo, Pékin a annulé la rencontre prévue avec la délégation japonaise en marge d’une réunion à Phnom-Penh des ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN, où il était prévu d’évoquer la situation en Birmanie, mais où Taïwan a occupé tous les esprits.

Alors que Wang Yi a chaleureusement salué le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov d’une tape sur l’épaule, il a ignoré son homologue japonais Yoshimasa Hayashi.

Dans ce concert très tendu, la position de l’Inde, mérite attention. Tout en ne reconnaissant plus officiellement la « politique d’une seule chine » depuis 2010 [3], New-Delhi, qui soigne ses relations avec Pékin pour tenter de résoudre la querelle de frontières, n’a pas réagi à la crise en cours.

Pour Narendra Modi, la voie est étroite. Alors qu’il tente un difficile apaisement avec Pékin, au milieu des provocations chinoises dans la région du Ladakh (lire : Entre l’Inde et la Chine la fureur a baissé d’un cran. Mais la défiance demeure), son opposition donne de la voix et propose d’imiter la Chambre des représentants américaine, en envoyant à Taïwan une délégation de parlementaires sous la conduite d’Om Birla, président de la Chambre basse.

Quels risques à venir ?

Dans cette situation où les émotions et l’affichage des postures prennent le pas sur la raison et la réalité, le pronostic est compliqué. On gardera d’abord en mémoire que, contrairement aux discours de nombre d’analystes non seulement chinois ou russes, mais également occidentaux, « la provocation » directe est l’entière responsabilité du Parti Communiste chinois, même si, placée depuis des lustres sous la pression directe de la menace des missiles chinois, la population a pris ses distances avec le concept d’Une seule chine, sous l’égide de la brutalité sans nuances du Parti communiste chinois.

A trois mois du 20e Congrès, les extravagantes démonstrations de forces de l’APL dans le Détroit sont une sur-réaction à l’angoisse taraudant l’appareil que Taïwan, devenue démocratique, pourrait définitivement lui échapper.

Avec un logiciel resté bloqué à la guerre civile chinoise et à la fuite de Tchang Kai-chek dans l’Île, l’appareil cultive toujours le dogme inflexible et improbable de la réunification, dont il continue à expliquer qu’elle est une « fatalité » attachée au destin du Parti qui la mènera à bien, y compris contre la volonté des Taïwanais et au besoin par la force.

En même temps, tout indique, que contraints par la dissuasion nucléaire, Washington et Pékin dont on voit bien que l’effervescence de la démonstration de force a pris soin de ne pas violer les limites des eaux territoriales ou de l’espace aérien souverain de l’Île, veillent à ne pas franchir le pas d’une escalade irrémédiable.

Pour la Chine, l’impact catastrophique à prévoir d’un conflit militaire direct sur ses importations annuelles de microprocesseurs fabriqués dans l’Île, dont la valeur totale (300 Mds de $), dépasse de 60% ses achats de pétrole à 180 Mds de $, constitue un frein immédiat à ses intentions belliqueuses.

Le risque existe cependant d’un accrochage direct entre un chasseur de combat chinois et un des F-16 taïwanais décollant en urgence pour réagir à une menace de survol de l’Île, dont l’effet sur le moral des Taïwanais pourrait être négatif.

A moyen terme, une nouvelle tentative de blocus du Détroit où transitent 48% du trafic maritime mondial obligerait les États-Unis à réagir en vertu du Taïwan Relations Act. Obligation de droit interne votée en 1979 par le Congrès, le décret exige de l’exécutif américain qu’il ne reste pas inerte en cas d’une agression de l’Île non provoquée par une déclaration d’indépendance.

Les modalités d’une réaction américaine restent floues. Pour autant une chose est sûre, si la Chine autocrate attaquait militairement l’Île ou parvenait à la réduire par un blocus, sans que Washington s’interpose, le coup de théâtre sonnerait au moins pour un temps le glas de l’influence américaine, déjà récemment mise à mal par le retrait chaotique d’Afghanistan (lire : La chute de Kaboul vue de Chine).

Note(s) :

[3En riposte aux réclamations chinoises sur la région de l’Arunachal Pradesh, la position de New-Delhi est un coup de pied de l’âne : « Si la partie chinoise souhaite que l’Inde reconnaisse « la politique d’une seule Chine », elle devrait respecter le principe « d’une seule Inde ».


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