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›› Politique intérieure

L’arrangement « Un pays deux systèmes » a vécu

Il y a 40 ans, lorsque Deng Xiaoping, négociait avec Margaret Thatcher les accords sur la rétrocession de Hong Kong signés en 1984, il avait prévenu que si, au cours des cinquante années des « Deux systèmes », de 1997 à 2047, la rétrocession de la R.A.S à la Chine était menacée, aucune considération, qu’il s’agisse de l’environnement des affaires ou de la réputation internationale de la Chine, ne prendrait le pas sur la détermination de Pékin à affirmer sa souveraineté sur la R.A.S.

C’est bien ce qui est à l’œuvre aujourd’hui. En dépit des critiques internationales venant essentiellement des États-Unis, du Japon et d’Europe, un an après les vastes manifestations contre la loi sur l’extradition ayant dégénéré en violentes émeutes, à la fin mai, Pékin a, contournant le Conseil législatif de la RAS, fait voter à l’Assemblée Nationale à l’unanimité des 2878 voix moins une et 6 abstentions, la loi sur la sécurité nationale.

Ayant jugé que l’autonomie et les libertés autorisées par les « Deux systèmes » avaient permis l’éclosion et la diffusion d’une dangereuse sensibilité indépendantiste, Pékin a fait appliquer la loi seulement 33 jours plus tard, à la veille de l’anniversaire de la rétrocession du 1er juillet.

Alors que, bravant l’interdiction de la police, quelques milliers de manifestants pro-démocratie étaient, comme chaque année depuis 2003, rassemblés en marge de la cérémonie officielle d’anniversaire de la rétrocession, près de 400 personnes ont été arrêtées sous couvert de la nouvelle loi.

Parmi elles, à la date de la rédaction de cette note, 10 qui criaient des slogans et agitaient des bannières pro-indépendance. Selon Zhang Xiaoming 張曉明 ,le n°2 du bureau de Pékin à Hong Kong, ils seront jugés en Chine.

La lourde main du pouvoir central a aussitôt provoqué des réactions de prudence et d’autocensure au sein de la population. Alors que plusieurs mouvements activistes se sont eux-mêmes démantelés, des militants se sont enfuis à l’étranger ; des commerçants ont arraché de leurs devantures des affiches de soutien aux manifestants ; tandis que méfiants, les usagers des réseaux sociaux effaçaient les messages pouvant les compromettre.

Un musée commémorant les massacres de Tian An Men a précipitamment mis ses archives à l’abri ; des centaines d’articles d’expression libre publiés en ligne ont été supprimés, tandis que les libraires se méfient de leurs clients qu’ils soupçonnent être des agents de Pékin. Le spectre de la défiance et de l’autocensure confinant à la mise aux normes de la pensée libre régnant en Chine s’est soudain propagée dans la R.A.S.

En l’espace d’à peine plus d’un mois, contournant le dispositif législatif indépendant de Hong Kong, la liberté de parole et le droit à manifester ont brutalement été supprimés du paysage politique.

A Pékin et à Hong Kong les autorités chinoises tentent de minimiser la portée et les effets de la Loi. Carrie Lam a, dans son discours, estimé qu’en évitant le chaos, elle était « une garantie des bonnes relations de la R.A.S avec Pékin ». (...) « La liberté d’expression, le droit de manifester et l’indépendance de la justice ne seront pas menacés » dit-elle. Seuls sont visés « les quelques activistes dont les intentions sont de nuire à la R.A.S. »

La réalité est différente. L’appareil sécuritaire chinois prend pour la première fois officiellement pied à Hong Kong ; une commission présidée par Carrie Lam assistée d’un envoyé de Pékin sera directement chargée de superviser l’application de la Loi dont les attendus sont suffisamment flous (- sécession, subversion, terrorisme, collusion avec une puissance étrangère - voir la note de contexte -) pour autoriser la répression de tous les opposants.

« Soudain, à Hong Kong, les militants démocrates sont confrontés au même dilemme que leurs collègues en Chine » écrit Li Yuan dans le New-York Times. Ils ont le choix entre céder à la crainte et rentrer dans le rang ou continuer à promouvoir leurs idéaux à leurs risques et périls.

L’appareil de sécurité n’a pas perdu de temps. Le 3 juillet un jeune homme de 23 ans qui brandissait une banderole prônant la libération de Hong Kong - mot à mot le retour de la gloire - et la révolution (contemporaine) 光復香港,時代革命 a été accusé de terrorisme après avoir lancé sa moto contre un groupe de policiers.

Le même jour, Zheng Yanxiong connu pour avoir en 2011 sévèrement maté des manifestations à Canton a pris ses fonctions de président de la Commission chargée de la mise en œuvre de la Loi sur la sécurité nationale. Détail intéressant, au moment des troubles à Canton, il avait accusé les médias étrangers d’avoir attisé la colère des manifestants.

Réactions internationales. Londres et Taïwan en première ligne.

En Europe, Boris Johnson a répété sur BBC que Londres offrira à « trois millions de résidents de Hong Kong la possibilité de s’établir au Royaume Uni. » (350 000 déjà titulaires d’un passeport de « Citoyens britannique d’outre-mer » + 2,6 millions qualifiés pour l’obtenir).

Taïwan, où un bureau spécial a été ouvert le 29 juin, est l’autre destination possible des réfugiés politiques s’étant clairement manifestée pour organiser concrètement leur accueil.

Ailleurs en Europe, où l’on prend soin de se démarquer des États-Unis pour protéger la position d’arbitre de Bruxelles et, souvent, ses intérêts commerciaux nationaux en Chine, s’il est vrai que l’Union a exprimé une position cohérente des 27, par la voix inhabituellement ferme de la présidente de la Commission (lire le § « Le raidissement d’Ursula Von der Layen » de l’article : L’horizon de la Chine se brouille.), les réactions n’ont pas dépassé le niveau de la condamnation politique formelle.

Le Japon, tout aussi critique par les voix du ministre des affaires étrangères Toshimitsu Motegi évoquant « la destruction de la confiance » et du ministre de la défense Taro Kono pour qui la séquence pourrait compromettre le projet de voyage au Japon de Xi Jinping, est cependant lui aussi prudemment resté dans les limites de la réprobation diplomatique.


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