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Huitième sommet Chine-Afrique. Vaccins et promesses d’une communauté de destin. Au-delà du rêve, les réalités

Quelques non-dits et fausses notes.

Dans son discours Xi a cependant évité d’approfondir la question de la dette. S’il est vrai qu’il a fait allusion à la nécessité de soulager les pays les plus pauvres d’Afrique des créances sans intérêts contractées auprès des banques chinoises, l’intention qui n’est pas nouvelle, ne représente qu’une infime fraction du portefeuille global de prêts accordés par Pékin au Continent avec des créances que certains pays ont du mal à honorer.

En dépit des indéniables apports des investissements chinois pour dynamiser le Continent et augmenter la fluidité des communications par des investissement d’infrastructures, l’opacité de la situation d’endettement de certains pays et le flou des conditions de remboursement des prêts restent un problème.

Une récente enquête « d’Afrobarometer » conduite dans 34 pays africains entre 2018 et 2021, citée par le Ministre Wang Yi très en colère des critiques occidentales comme celle du MAE français qui glosait récemment sur la « déception africaine des Chinois », révélait que 65% des Africains étaient satisfaits de l’action des Chinois dans leur pays.

Mais, la déclaration passait sous silence que, selon la même enquête, moins de 50% des sondés Africains étaient informés des dettes de leur pays à la Chine. Une étude de la China Africa Research Initiative (CARI) de l’Université Johns Hopkins citée par Deutsche Welle (DW), a par exemple révélé que la dette de la Zambie envers les prêteurs publics et privés chinois était de 6,6 milliards de dollars (5,9 milliards d’euros – 30% du PIB du pays -), soit près du double du montant divulgué par le gouvernement précédent.

Selon une investigation de « The sentry » organisation sans but lucratif domiciliée à Washingtron DC, qui met à jour les détournements d’argent par les dictateurs corrompus, les projets chinois ont déversé 65 millions de $ de pots de vin à l’ancien président congolais Joseph Kabila.

A côté de la corruption et du coulage, l’énorme déséquilibre commercial est un autre point noir de la relation. Les exportations africaines que Xi Jinping a promis de favoriser ne représentent que 4% des importations globales de la Chine. Mais, selon l’économiste et consultant nigérian Tope Fasua, la faute n’en incombe pas à Pékin. Blâmant la faiblesse de l’industrie africaine, il souligne pour Deutsche Welle que « Les Chinois n’ont pas grand-chose à importer d’Afrique au-delà des matières premières et des minéraux ».

Le manque d’égard des compagnies chinoises pour l’environnement est aussi un leitmotiv récurrent des sociétés civiles africaines. Récemment, notamment au Ghana et en Sierra Leone, des militants écologistes ont pointé du doigt l’impact des vastes projets d’infrastructure sur la préservation des écosystèmes africains.

A côté des promesses vaccinales qui voisinèrent avec celles d’améliorer « la qualité de vie des Africains », les dirigeants sénégalais Aissata Tall Sall, ministre des Affaires étrangères et Amadou Hott, son collègue de l’économie et du plan ont certes cosigné avec leurs homologues chinois Wang Yi et Wang Wentao, ministre du commerce, le « Plan d’action Dakar – 2022-2024 - » pour la coopération Chine–Afrique sur le changement climatique.

Il reste que l’efficacité de la déclaration dépendra de la mise en place d’un mécanisme de consultation et de suivi où les organisations de la société civile devraient avoir leur mot à dire, une hypothèse encore improbable en Chine et dans nombre de pays africains.

Enfin, les déclarations officielles chinoises rapportées par les médias publics ont spéculé sur la solidarité Chine – Afrique dans la « nouvelle ère » dessinée par le président Xi Jinping et, comme au temps de la rhétorique tiers-mondiste de la Chine maoïste, fait la promotion de leurs systèmes politiques séparés des influences occidentales pour un développement à leur « rythme », adapté à leurs conditions nationales particulières.

L’envolée lyrique de la déclaration publiée sur le site du Ministère des Affaires étrangères était à ce sujet remarquable. On y lisait notamment la volonté de « perpétuer l’amitié traditionnelle de la Chine – Afrique et de la transmettre de génération en génération, en renforçant les liens entre les jeunesses. »

Du rêve à la réalité.

Il reste que, par son pragmatisme concret, une phrase de l’effusion dithyrambique tranchait avec le lyrisme trans-générationnel du texte. Elle demandait en effet aux deux parties d’accorder plus d’attention à la protection de leurs ressortissants. L’allusion aux attaques contre des citoyens chinois perpétrées depuis le 21 novembre dans la province du sud-Kivu au Congo, tout juste huit jours avant l’ouverture du sommet, était claire.

Certes, les enlèvements de cinq nationaux chinois une semaine avant le sommet et le meurtre de deux autres au milieu de nouveaux kidnappings, quatre jours plus tard, surviennent dans une région du Congo à la frontière de l’Ouganda et du Ruanda secouée par l’insurrection de groupes rebelles et de milices qui, à coups de féroces engagements armés, se disputent la richesse des mines à l’Est du Congo. Les Chinois qui exploitent des mines d’or sans licence dans cette région n’échappent pas aux affrontements armés dont le premier motif est la cupidité.

Ils ne sont pas les seuls. Le 22 février dernier, l’Ambassadeur d’Italie et un de ses gardes du corps ont été assassinés par des rebelles lors de l’attaque d’un convoi de l’ONU accompagnant une mission du Programme Alimentaire Mondial qui se rendait au Kivu.

Mais les attaques répétées contre des nationaux chinois survinrent au moment où Théo Kasi, le gouverneur du Sud Kivu situé aux frontières du Ruanda et du Burundi, avait suspendu les opérations de six petites sociétés chinoises et ordonné à tout le monde, locaux et étrangers compris, de quitter la zone.

En même temps, au sommet de l’État, le Président Felix Tshisekedi engagé dans une opération de transparence, remettait en question un accord de six milliards de Dollars passé par son prédécesseur Joseph Kabila rétribuant par des droits d’exploitation minière les travaux d’infrastructure des groupes de construction chinois.

C’est dans ce contexte confus et violent que, récemment, Tshisekedi déclarait que « certains contrats miniers qui ne profitent pas suffisamment au Congo pourraient être revus ». Il est rare qu’un texte officiel publié par les médias chinois relayant les emphases publiques sur la cohérence des rêves chinois et africains, notamment celui de « l’Agenda 2063 » de l’Union africaine, tranche de manière aussi brutale avec la réalité.


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