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Huarong le fleuron de la « défaisance » dans la toumente. Coup d’œil sur l’endettement chinois

Cette note propose un éclairage sur les tribulations de la société de défaisance publique Huarong 华融 [1] – une des quatre entités créées avec Cinda, Orient et Great Wall après la crise asiatique de 1997, spécialisées dans la défaisance des dettes non recouvrables des groupes publics.

Alors que par son rôle, Huarong est au cœur même de l’entreprise d’assainissement et de transparence des finances chinoises (lire : Assainissement des finances, effets de la guerre commerciale et impact du crédit social des entreprises), son histoire récente traduit à la fois l’ampleur de la tâche et la rémanence insistante des imbrications entre les affaires et la politique.

L’exécution le 29 janvier dernier à la prison de Tianjin de l’ancien président Lai Xiaomin, moins d’un mois après sa condamnation à mort le 5 janvier pour corruption, marque à la fois le terme d’une expansion désordonnée des actifs du groupe et l’intention du pouvoir de poursuivre sans faiblir le nettoyage du système financier, dont Huarong est à la fois le symptôme du dérèglement et la pointe avancée de l’opération d’assainissement.

Dans un système où la justice est le bras armé du pouvoir, l’impitoyable brutalité de la sanction exprime aussi la détermination sans faille de l’exécutif et probablement la colère que l’entreprise publique phare de la défaisance des dettes toxiques ait elle-même été gangrénée par la corruption.

En 2000, un an après sa création, Huarong commençait discrètement sa mission d’assainissement, en rachetant pour environ 408 millions de Yuan soit 64 millions de $ US des prêts non recouvrables de la banque Industrielle et Commerciale 工商银行.

L’opération était une infime goutte d’eau dans l’océan des dettes non recouvrables qui, depuis, n’ont cessé de prospérer, au point qu’en 2020 les créances toxiques des banques avaient atteint 3000 Mds de Yuan, soit 467 Mds de $ (lire : China’s top banking regulator sees surge of bad loans in 2021 as effects of coronavirus bite).

Le 2 mars dernier, Guo Shuqing, président de la Commission de régulation bancaire, jeta un froid en annonçant que le poids des dettes toxiques allait encore s’alourdir en 2021 du fait des effets de la pandémie.

Une dérive affairiste néfaste.

En 2014, le groupe Huarong fut saisi par un vertige boursier, attisé par l’affairisme spéculatif des investisseurs ayant perçu dans la reprise des dettes chinoises la perspective de juteux bénéfices portés par la croissance de l’économie [2], introduisit dans son capital sept entreprises et groupes financiers chinois et américains, avec cependant le ministère des finances toujours largement majoritaire par le truchement de sa société d’assurance-vie China Life (保寿).

La dernière opération financière eut lieu un an plus tard, en 2015 quand Huarong réussit à lever près de 18 Mds de $ de Hong-Kong soit de 2 Mds de US $ à la bourse de Hong Kong, mettant sur le marché près de 6 millions d’actions.

Moins de trois ans plus tard, Huarong était pris dans les filets de la lutte anti-corruption menée par le Commission de discipline. En 2018, Lai Xiaomin, le PDG et chef du parti de la société aussi ciblé pour bigamie était accusé d’avoir accepté près de 2 Mds de Yuan de pots de vin (310 millions de $) dont, compte tenu de la structure du capital et de la mission même de Huarong concentrée sur les entreprises publiques, l’essentiel s’était échappé des entrailles même du parti où s’enchevêtrent les intérêts d’affaires et la politique.

Autant dire que la corruption de Lai révélait au grand jour la persistance de la culture mêlant intimement le pouvoir aux transactions financières et à l’économie, principale source de la corruption.

Le spectre de la faillite.

La descente aux enfers s’est accélérée en 2021 avec la condamnation et l’exécution du PDG. A la bourse de Hong-Kong, la valeur des obligations offshore du groupe d’une valeur totale de 43 Mds de $ s’effondrait. Enfin, fin mars, Huarong manqua l’échéance limite de publication des performances de ses obligations.

Quand commencèrent à circuler les rumeurs de faillite tout le marché obligataire chinois entra en effervescence, tandis que la cohorte des étrangers détenteurs des obligations, parmi lesquels Goldman Sachs, Black Rock, Aberdeen Asset Management et le Crédit suisse, s’interrogeaient sur la conduite à tenir.

Compte tenu que plus de 63% du capital est détenu par le ministère des finances chinois et en dépit du catastrophique impact d’image sur l’exécutif qui restait silencieux, la plupart des analystes financiers conseillèrent aux détenteurs des obligations de ne pas vendre.

Les craintes d’un défaut imminent s’éloignèrent quand le groupe se dit prêt à honorer ses obligations à la fin avril à hauteur de 450 millions de $. En même temps, pour réduire les risques de réactions en cascade, les régulateurs ordonnèrent aux banques publiques d’abonder les finances en difficulté du groupe.

Après le sauvetage qui se poursuivra toute l’année 2021 avec la nationalisation de 20 Mds de $ de dettes non recouvrables, les régulateurs ont entamé l’élagage à la hache des actifs non essentiels dont notamment une banque, un holding financier, un fond d’investissement et un organisme de prêts à la consommation.
Aussitôt, les trois autres gestionnaires publics des dettes non recouvrables cités plus haut ont été sommés d’emboîter le pas de ce grand nettoyage de leurs actifs sans aucun lien avec leur mission initiale.

Après 20 années de laisser-faire hors des clous, la consigne du ministère des finances est désormais de se recentrer sur le cœur du métier de la défaisance des dettes toxiques dont la somme totale pour les seuls quatre piliers de la finance chinoise [3] s’élèvent à près de 1000 Mds de Yuan, (126 milliards de $), en hausse de près de 30 Mds par rapport à la même période de 2020.

Note(s) :

[1Mot à mot « finances chinoises » à partir de 金融 signifiant « fondre de l’or »

[2A la fin de 2013, la croissance de l’économie chinoise était encore proche de 8% quand la moyenne des autres grandes économies de la planète plafonnait à moins de 2%.

Du coup Huarong, toujours contrôlé par le ministère des finances, intégra à son capital les gestionnaires privés américains Warburg Pincus et Goldman Sachs, les Chinois CITIC, Fosun, COFCO (pétrole et alimentation), China International Capital Corporation, ancien fief au milieu des années 90 de Wang Qishan, l’actuel Vice-président et Kazanah Nasional, le fond souverain malaisien.

[3Dans l’ordre de la valeur des actifs, il s’agit de la Banque de l’industrie et du Commerce – 工商银行-, de la Banque de Chine - 中国银行 -, de la Banque de construction- 中国建设银行 – et de la Banque de l’Agriculture - 农业银行 –.


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