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›› Politique intérieure

Congrès du Parti. Ruades militaires et perspectives pour la CMC

Le Parti commande à l’Armée.

Il est vrai que l’Armée Populaire de Libération fut le plus important acteur de l’épopée maoïste. Nombre de ses généraux occupèrent de très hautes fonctions y compris à la tête de l’état, depuis Zhu De (1975 – 1976) jusqu’à Yang Shankkun (1988 – 1993), en passant par Ye Jianying (1978) et Li Xiannian (1983 – 1988). Pendant longtemps, son influence interférait dans la sélection des élites politiques.

Mao connaissait bien ce pouvoir et s’en méfiait. « Le pouvoir est au bout du fusil » répétait-il, lors de la guérilla contre le Japon en 1938. Mais, fidèle aux préceptes communistes, il veilla toujours à être du bon côté de la crosse et à encadrer l’APL par des commissaires politiques. Les généraux Peng De Huai et Lin Biao avaient contesté son pouvoir. Le premier fut brutalement purgé et le deuxième a trouvé la mort dans un accident d’avion trouble alors qu’il prenait la fuite vers l’URSS.

Aujourd’hui ces rivalités paraissent éteintes à la suite d’un long processus de normalisation, marqué par la professionnalisation qui rapproche la hiérarchie de la technique et de la tactique en l’éloignant de la politique. A quoi s’ajoutent l’abandon partiel de l’affairisme, compensé par l’augmentation très sensible des budgets, et le clivage grandissant entre les élites civiles et militaires.

Jusqu’à ce jour, hormis quelques exemples d’insubordination, vite mises sous le boisseau lors de la répression de Tian An Men en 1989, toutes les prédictions ou analyses qui spéculaient sur le retour du poids de l’APL dans l’équilibre politique interne ne se sont pas vraiment matérialisées.

Effervescences nouvelles.

Pourtant, alors que le pouvoir politique donne quelques signes d’hésitation, sinon d’affaiblissement, nombre d’analyses attribuent à l’APL un rôle accru à la fois en politique intérieure et dans l’élaboration des stratégies extérieures.

De fait, depuis 2008, la Chine a durci ses positions dans son environnement proche, vis-à-vis du Vietnam, des Philippines, de l’Inde et du Japon. A l’intérieur de l’APL apparaissent quelques rares figures, mais dont la voix porte, pour dénoncer les scléroses, les clientélismes et la corruption, non seulement au sein de l’armée, mais également dans le fonctionnement du Régime.

De proche en proche, avec les spéculations sur l’influence grandissante des militaires, resurgit l’interrogation existentielle sur le degré de fidélité de l’APL au Parti. Répondre à cette question, qui touche au fondement même du Régime, est une entreprise complexe, compte tenu de l’opacité du système et de la sensibilité du sujet. Il y faudrait une longue enquête effectuée au cœur même des unités.

Mais le fait est qu’au printemps dernier, en pleine affaire Bo Xilai, le Quotidien de l’Armée mettait en garde contre la sensibilité de la période en amont du 18e Congrès et stigmatisait les idées occidentales qui prônent « les trois erreurs » que sont la « séparation » entre le Parti et l’Armée, la « dépolitisation » de l’APL et de sa « nationalisation. » Ces idées courent cependant dans les plus hautes sphères de la hiérarchie militaire.

Tel est le contexte plutôt tendu qui a entouré la nomination, en juillet dernier, par la Commission Militaire Centrale de 6 nouveaux généraux, dont l’un, Liu Yazhou, très atypique, s’exprime abondamment et de manière très critique sur des questions politiques, rompant régulièrement les habitudes de grande discrétion des chefs militaires.

A côté de ces prises de position parfois clairement iconoclastes d’un officier général qui vient pourtant d’être promu au plus haut grade de l’APL, quelques indiscrétions ont aussi révélé une violente rancœur visant directement le Secrétaire Général Hu Jintao, de la part d’un plus hauts responsables de l’Etat-major général, connu pour ses idées prônant une prise de distance des militaires vis-à-vis du Parti.

L’analyse évoque aussi le fils de Liu Shaoqi le Général Liu Yuan, promu en 2009, qui fait beaucoup parler de lui, à la fois par ses prises de position politiques très iconoclastes, son nationalisme anti américain exacerbé, sa ferveur pour l’élimination de la corruption et sa proximité avec le futur secrétaire général.

Enfin, la revue d’effectifs se termine par un inventaire de quelques candidats possibles pour la prochaine Commission Militaire Centrale.

La Commission Militaire Centrale en attente de sang neuf.

Cinq des généraux de la CMC sont âgés de 68 ans et plus. Parmi eux, se trouvent les titulaires de 4 postes clés de la Défense : le premier Vice-président de la CMC et plus haut gradé de l’APL, Guo Boxiong 70 ans, membre du Bureau Politique, officier des forces, ancien commandant des Régions Militaires (RM) de Pékin et Lanzhou, le Ministre de la défense, Liang Guanglie, 72 ans, officier des forces, ancien chef de l’état-major général, le Chef de l’Etat-major général, Chen Bingde, 71 ans, officier des forces, ancien commandant de la RM de Jinan, et Xu Caihou, Commissaire politique de l’APL, membre du Bureau Politique, 69 ans.

Auxquels il faut ajouter les généraux Jing Zhiyuan 68 ans, commandant la 2e artillerie, Li Jinnai, 70 ans, directeur du département général politique, Liao Xilong, 72 ans, responsable de la logistique.

Wu Shengli, commandant la marine, 67 ans, Chang Wanquan, chef du Département de l’armement, 63 ans, et Xu Qiliang, commandant l’armée de l’air, 62 ans pourraient être maintenus à la CMC. Parmi eux, le Général Wu Shengli, le plus âgé des trois, pourrait prendre le poste de Ministre de la défense. Le 18e Congrès verra donc un profond remaniement de la haute hiérarchie militaire, avec les départs à la retraite d’au moins 7 généraux sur 10.

Mais la relève dans les armées n’est pas plus apaisée que celle de la classe politique. Elle est en effet placée sous la pression de plusieurs controverses qui touchent à la corruption, au népotisme, à la gestion non transparente des ressources humaines ainsi qu’à la question ultra sensible de la séparation du Parti et de l’armée.

Quand, en juillet dernier, le Parti a promu 6 généraux trois étoiles, le rang le plus élevé de l’APL, dont 5 commissaires politiques et un officier général des forces, chacun savait que les chances des heureux élus d’accéder à la CMC étaient minces. Le seul remplissant les critères serait le général Tian Xiusi, 田修思, 62 ans, depuis 2009 commissaire politique de la Région Militaire de Chengdu et membre du Comité Central depuis 2007.

Mais le tableau d’avancement ayant sélectionné le Général Liu Yazhou, un des officiers les plus volubiles en analyses politiques, catalogué comme un libéral convaincu, force est de constater que les sujets de la bonne gestion des ressources, la controverse sur la séparation du Parti et de l’armée et les débats sur la démocratie, non seulement dans les armées mais également au Parti, sont revenus au premier plan.

La grogne des officiers des forces, dont certains prônent le concept d’une armée, non plus inféodée au Parti, mais à la Nation, s’est peut-être exprimée lors d’un l’incident survenu au moment d’un banquet en août dernier, en présence du Secrétaire Général Hu Jintao, également n°1 de la CMC.

A cette occasion, le Général Zhang Qinsheng, 64 ans, membre du Comité Central, ancien commandant de la région militaire de Canton, n°2 de l’Etat-major général, responsable de l’instruction et des opérations, promu trois étoiles en 2010, aurait « sous l’empire de la boisson », violemment apostrophé le Secrétaire Général, l’accusant de vouloir, par le truchement des promotions de juillet, lui barrer la route de la CMC. Dans sa colère, il aurait même bousculé un autre général qui répondait au toast du n°1 du Parti.

Selon plusieurs témoins, dont les comptes-rendus ont été rapportés par un article du New-York Times du 7 août 2012, Hu Jintao aurait quitté le banquet, « écœuré ».

On ne saura peut-être jamais les vraies raisons du coup de sang du n°2 de l’Etat-major général, dont la rumeur court qu’il aurait été rappelé à l’ordre au printemps 2012 par le secrétaire général, précisément pour s’être fait l’avocat de la séparation entre l’Armée et le Parti.

Cette tension s’ajoute à celles liées aux attaques directes et très virulentes contre la corruption lancées par général Liu Yuan, fils de l’ancien président Liu Shaoqi qui ont secoué la haute direction militaire en 2011 et 2012, et dont les idées politiques antioccidentales prennent le contre pied de celles du Général Liu Yazhou.

Enfin on peut se demander si l’APL restera indéfiniment et sans sourciller le garant du Parti, dans un contexte où la situation politique devient à la fois insaisissable et heurtée.

Il est vrai que l’armée figure parmi les bastions les plus conservateurs du régime, d’abord parce qu’elle est le garant ultime du magistère du Parti, dont certains militaires estiment qu’il pourrait être menacé par des réformes politiques, ensuite parce que la Commission Militaire Centrale, elle-même traversée par un tissu de connexions affairistes corrompues liées au complexe militaro industriel, n’est pas prête à remettre en cause l’essence de son pouvoir économique et politique, qui se nourrit en partie des prébendes attachés à la maîtrise des hautes technologie, toutes contrôlées par l’armée.

Mais les rapports de forces ne sont jamais immuables. Même si les nouveaux venus n’ont que très peu de chances d’intégrer la CMC, l’arrivée dans les parages des plus hautes strates du pouvoir militaire de personnalités aussi extraverties, déterminées et prolixes que les généraux Liu Yuan et Liu Yazhou pourrait bien signaler que les plaques tectoniques des anciennes féodalités sont en train de bouger.


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