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A Taïwan, la pandémie éclaire la brutalité de Pékin

Alors que l’Île est férocement ostracisée par les menaces permanentes et tous azimuts de Pékin, son exclusion des réunions de l’OMS en pleine pandémie virale, jette une lumière crue sur les intentions punitives du régime chinois qui sanctionne la bascule politique en faveur de la mouvance indépendantiste de Tsai Ing-wen réélue en janvier 2020.

Mais Taïwan dont les performances de contrôle du fléau sont reconnues mondialement saisit l’opportunité de la pandémie pour tisser de nouveaux liens, parfois au détriment de Pékin, comme en République tchèque.

Dommage collatéral, dans une conférence de presse du 8 avril, le Directeur Général d l’OMS s’est plaint qu’au travers des insultes racistes que lui adressèrent les avocats de la participation de Taïwan à l’OMS, c’est toute la communauté africaine qui était gravement outragée.

Le 15 avril, mettant de l’huile sur le feu par une très choquante décision à l’emporte-pièce en pleine épidémie globale, D. Trump annonçait que les États-Unis mettraient fin à leur contribution à l’OMS. Derrière la mesure ayant déclenché des commentaires outragés partout dans le monde, les soupçons que l’Organisation, sous l’influence chinoise avait failli à sa mission d’alerte, de coordination des informations et de conseils.

Lire : L’influence du parti communiste chinois sur l’OMS.

*

La pandémie du coronavirus a souligné l’ostracisme dans lequel était tenue Taïwan par la Communauté internationale qui, depuis 1972, se plie aux injonctions de Pékin de « reconnaître » officiellement la « politique d’une seule Chine », imposée à tous les candidats à l’établissement des relations bilatérales avec la Chine et à l’ouverture d’une ambassade dans la capitale chinoise.

L’insistance faisant de la reconnaissance unitaire du « Monde Chinois », par-delà le Détroit, la condition obligée de la reconnaissance d’un partenaire diplomatique officiel, mêle ce qui, aux dires même de Pékin, est une affaire intérieure chinoise au jeu plus vaste des relations internationales.

Stricto-sensu, et selon la vision westphalienne des rapports entre États souverains prônée par le régime chinois lui-même, les considérations domestiques ne devraient pas s’immiscer dans les relations internationales et encore moins être utilisées comme un critère pour définir l’éligibilité d’un pays candidat à l’ouverture de relations diplomatiques avec un autre. Mais Pékin va plus loin.

Une fois les relations officielles établies, après l’ouverture des ambassades et l’accréditation des ambassadeurs, le régime impose en effet que chaque déclaration commune à l’issue des échanges bilatéraux, qu’ils soient culturels, économiques, scientifiques ou stratégiques, les interlocuteurs de Pékin mentionnent qu’ils « reconnaissent la politique d’une seule chine ».

Comme si Madrid, Londres ou Paris, imposaient à leurs partenaires de mentionner à chacune de leurs rencontres, que la Catalogne, L’Irlande du Nord ou la Corse étaient parties intégrantes de l’Espagne, du Royaume Uni ou de La France. S’agissant de Taïwan, depuis l’élection à la présidence de l’indépendantiste Tsai Ing-wen en 2016, l’exigence de Pékin que ses interlocuteurs confirment l’appartenance de l’Île à la Chine est encore plus pressante [1].

Une conscience souveraine susceptible et intraitable

Ayant ainsi affirmé sa souveraineté sans partage à l’ONU et à chaque rencontre avec ses 174 partenaires diplomatiques [2], Pékin exprime une susceptibilité sourcilleuse encore exacerbée après la victoire en 2016 de la mouvance indépendantiste hostile au « consensus de 1992 d’une seule Chine ».

Tous ceux qui ont pu, volontairement ou par inadvertance, laissé entendre qu’ils considéraient Taïwan comme une entité souveraine, groupes industriels ou commerciaux, agences de tourisme, compagnies maritimes et aériennes dont les déclarations, les sites web, les publicités et ou les actions, ne sont pas jugées conformes à la politique d’une seule Chine, sont régulièrement sommés de se conformer à la norme de Pékin, sous peine de représailles.

L’argument est invariable. Il menace de fermer aux contrevenants l’accès au marché chinois. Jusqu’à mars 2020, quand le premier ministre tchèque Andreij Babis demanda le rappel de l’ambassadeur de Chine qui l’avait menacé, personne n’avait résisté à ces intimidations visant les intérêts en Chine ou risquant de priver les exportateurs de la manne des quelques 400 millions de consommateurs de la classe moyenne chinoise.

L’exclusion tient aussi l’Île à l’écart des grandes organisations internationales telles que le Comité International Olympique (CIO) ou l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI).

Mais, depuis l’explosion mondiale de la pandémie de coronavirus, à laquelle Taïwan a réagi de manière ordonnée et exemplaire, sans recourir au confinement massif, c’est l’ostracisme infligé à l’Île par l’OMS sous les injonctions chinoises suivies par l’ONU et toute la communauté internationale qui interroge toutes les consciences rationnelles.

L’argument officiel des autorités de l’OMS est que le statut de membre n’est conféré qu’aux États reconnus par l’ONU. Sans que personne ne s’en offusque, la mise à l’écart de l’Île, même des réunions techniques de routine, a été appliquée avec d’autant plus de rigueur que la Directrice Générale était la chinoise de Hong Kong Margaret Chan, proche de Pékin.

Lors de la session de l’OMS à Genève du 22 au 31 mai 2017, après la première élection de Tsai Ing-wen en 2016, Lin Bin le ministre chinois de la santé avait lui-même sans ambiguïtés clarifié les enjeux. Tant que Taïwan n’acceptera pas le consensus d’une seule Chine, son représentant ne sera pas autorisé à participer aux Réunion de l’OMS.

*

Aujourd’hui, conséquence de la fixité souverainiste de Pékin, en ces temps de grande pandémie, l’Île qui peut se targuer d’avoir un des systèmes de santé les plus performants au monde, a été exclue d’une réunion cruciale sur le covid-19 en février 2020, alors même qu’à ce stade du fléau, son expérience aurait encore pu être utile à toute la planète.

L’idéologie unificatrice aux normes du parti communiste chinois va loin puisque, défi à la logique statistique polluée par des considérations politiques, les données de l’Île sur l’état de ses contagions sont comptabilisées avec celles de la Chine.

Au demeurant, un regard en arrière rappelant qu’avant 2016 Taïwan était autorisée à envoyer un observateur à l’OMS, confirme que le durcissement observé aujourd’hui, sur lequel s’aligne la Direction Générale dans la droite ligne de Margaret Chan, entre dans la catégorie des représailles exercées sans état d’âme par Pékin.

La réalité est que, courroucé par les résultats du scrutin présidentiel ayant en 2016, porté au pouvoir une Présidente hostile à la norme unificatrice, le Parti, au mode de fonctionnement léniniste, incapable d’accommoder une pensée adverse et refusant de considérer les résultats d’un vote populaire, exerce une pression punitive sur l’Île, son système démocratique et toute sa population.

Si les graves accusations de Taipei étaient confirmées, l’obsession normative chinoise que l’OMS entérine sans protester au lieu de manifester l’indépendance et la hauteur de vue d’une grande organisation internationale, confineraient à l’indignité. Début mars, violant la plus élémentaire éthique d’information médicale, l’OMS n’aurait en effet pas répondu aux interrogations de Taipei sur les risques de transmission directe entre humains.

Ce n’est pas tout. A l’ombre menaçante de Pékin, la pusillanimité frileuse est contagieuse. La séquence a été maintes fois diffusée par les grands médias de la planète.

Note(s) :

[1S’il est vrai que, dans l’Île, un consensus existe pour rejeter une réunification avec la Chine communiste, le Guomindang, héritier de Tchang Kai-chek reste comme son adversaire de la guerre civile aujourd’hui au pouvoir à Pékin, attaché à l’unité des deux rives du détroit de Taïwan.

[2Sur les 193 pays des NU, seulement 14 + le Vatican ont des relations officielles avec Taïwan.


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