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›› Editorial

20e Congrès. Xi Jinping et sa garde rapprochée prennent brutalement le contrôle du Parti

Brutalité du discours d’ouverture de Xi Jinping.

Après avoir fait le constat ambigu que l’ère Hu Jintao avait réussi « l’ouverture et la modernisation socialistes », et que « des progrès notables avaient été réalisés dans la construction du Parti, créant des fondations solides et propices au progrès », Xi a tiré quelques coups directs contre le bilan de son prédécesseur.

Émaillant plus de trente fois son discours d’expressions liées au combat, à la lutte ou à l’esprit de bataille, 战争, 头争, 战争精神, il a notamment ciblé « des problèmes de fond dont certains s’accumulaient depuis des années et dont d’autres venaient juste d’émerger, ayant nécessité des actions urgentes. »

« Pour beaucoup de membres du Parti » dont il jugeait que « la direction centrale était affaiblie, la ligne de l’appareil n’était pas claire » ; « Certains hauts responsables du Parti avaient une conviction politique hésitante. Malgré les avertissements répétés, l’hédonisme et l’extravagance persistaient localement ou même à l’échelon des provinces. »

« Les mentalités et les pratiques recherchant systématiquement des privilèges privés posaient un grave problème, tandis que des cas de corruption profondément choquants avait été mis à jour ». (…) « L’économie chinoise était en proie à de graves problèmes structurels et institutionnels. « (…) « Le développement était déséquilibré, mal coordonné et pas durable » (…) « L’ancien modèle de développement était inadapté, bloquant le progrès du pays ».

« Certains problèmes profondément enracinés dans les institutions et les barrières érigées par des groupes d’intérêts devenaient des obstacles ». (…) « Les cadres manquaient de confiance dans le système politique socialiste aux caractéristiques chinoises. Trop souvent, les lois n’étaient pas appliquées. »

« Des modes de pensée “erronés“ subsistent tels que le culte de l’argent, l’hédonisme, l’égocentrisme et le “nihilisme historique“ (NDLR : en réalité la critique de la langue de bois occultant les faces sombres de l’histoire du Parti) étaient courants. » Il ajoutait que « tout cela a eu un grave impact sur l’opinion publique. »

Le Parti violemment secoué.

La corruption a été réprimée à des niveaux variables de férocité selon le degré d’allégeance à sa personne ; les magnats du secteur numérique et les exubérances de l’immobilier ont été mis au pas à la hussarde, aggravant le chômage des jeunes. L’industrie de la construction et le secteur de la propriété qui comptent pour plus de 25% du PIB ont été poussés au bord du désastre.

Alors qu’il accuse ses prédécesseurs de ne pas avoir réformé l’économie, lui-même n’a pas réussi à améliorer le partage de la richesse produite. C’est bien ce que signale l’écart entre le PIB global et le PIB/hab qui place la Chine, 2e économie mondiale au 90e rang, en compagnie du Costa-Rica de la Malaisie ou de la Bulgarie.

Quand Thomas Piketty, écrit un livre sur les errements du Capitalisme mondial « Le Capital au XXI1e siècle » qui pointe les dérives de la finance globale, Xi Jinping en fait la promotion en Chine ; mais quand en 2021, dans « Capital et idéologie » il analyse les inégalités en Chine, son éditeur chinois lui demande d’en « couper » 24 passages.

La plus critique de ces analyses décrit une situation que Xi Jinping refuse de diffuser à son public « On peut sérieusement douter que l’on puisse efficacement réguler les inégalités dans un pays de 1,4 milliards d’habitants simplement en ayant recours à des dénonciations et à des emprisonnements. »

« Tout cela sans aucune forme d’enregistrement et d’imposition systématique des patrimoines et des successions, et en empêchant les journalistes, les citoyens et les syndicats de développer une capacité autonome d’investigation et de participation, voire en mettant en détention ceux qui s’intéresseraient de trop près aux fortunes accumulées par les proches du pouvoir. Rien ne garantit que le régime chinois parvienne à éviter une évolution kleptocratique à la russe » (p. 726).

Il est possible que la santé de Hu Jintao (80 ans cette année en décembre) ne soit pas à son meilleur niveau. Mais il est aussi très probable que la brutalité du discours de Xi Jinping l’ait très sérieusement affecté. En dépit de l’affichage d’une unité de façade, il est prudent de considérer que, dans l’appareil, il n’est pas le seul.

Une autre explication de l’émotion de l’ancien Président est, à l’évidence, que la coupe des transgressions institutionnelles et de la jurisprudence collégiale des transitions de pouvoir est pleine.

Après que Li Keqiang, Wang Yang (65 ans tous les deux) et Hu Chunhua (59 ans) protégé de Hu Jintao, n’aient pas été reconduits au Comité Central et poussés vers la sortie, il est difficilement acceptable pour Hu Jintao que Xi Jinping (69 ans) s’attribue par acclamations d’un Parti férocement mis à sa botte souvent par la menace, un troisième mandat contre la jurisprudence de la retraite à 68 ans.

*

Pour autant quand on prend la peine de mettre en perspective la trajectoire du raidissement de Xi Jinping depuis son entrée au Comité permanent en 2007, force est de constater que l’arrière-plan qui dominait sa pensée n’était pas comme certains le croyaient, l’exigence de réformes libérales. Il était au contraire porté par le sentiment d’urgence que, sans une réaction vigoureuse de remise en ordre, la survie même du Parti à la tête de la Chine était menacée.


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