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« Un complot contre la Chine ? Comment Pékin voit le nouveau consensus de Washington ». Par Wang Jisi

Malentendus, ingérences et exigence de « respect mutuel »

Ayant exploré les visions que chacun se fait de l’autre et de ses responsabilités dans la crise actuelle, Wang expose son idée maîtresse, condition d’un retour au calme. Pour aller à l’essentiel, l’apaisement reposerait sur le respect par chacun des plates-bandes de l’autre.

Washington doit cesser ses intrusions dans la souveraineté chinoise. Et Pékin doit veiller à ne pas donner le sentiment que sa trajectoire vise à supplanter la position de leader global revendiqué par Washington, dont, au passage, il rappelle que la Chine a tiré profit depuis la fin des années 70.

Wang avance ces idées tout en exposant la complexité d’une situation où l’imbrication des relations commerciales et l’empreinte globale de la Chine éloignent l’actuel rapport des forces du schéma de la guerre froide où les interactions étaient faibles.

Plus encore, alors que le PIB de la Chine, devenue la première destination de l’investissement global, a atteint 71% de celui des États-Unis et que le modèle démocratique américain affaibli par de très sérieuses tensions sociales et raciales sur un fond violent où persistent la pauvreté et les risques d’instabilité, la jeune génération chinoise est saisie par un sentiment de confiance parfois exacerbé en triomphalisme.

Alors qu’en arrière-plan fermente toujours la vieille crainte chinoise que l’Occident tente de déstabiliser le régime, l’idée s’est progressivement installée dans les esprits que l’heure du retour de puissance globale du « Vieil Empire » avait sonné. Dans ce contexte, beaucoup en Chine imaginent que la riposte américaine à l’augmentation de l’empreinte globale de Pékin est uniquement motivée par la jalousie et la crainte du déclassement.

En réalité, suggère Wang à demi-mots, le raidissement occidental se nourrit d’abord de l’agacement que la Chine tente, à ses conditions, une incursion sur des plates-bandes internationales dont elle cherche à modifier les règles. Au passage, il met en garde contre le brouillage négatif de l’image globale de la Chine qui, récemment, a alerté le n°1 Xi Jinping lui-même.

Quant aux crispations du régime chinois, Wang en énumère les jalons et les causes, toutes liées à ce que le régime ressent comme d’insupportables ingérences visant à ébranler son magistère.

Spéculant sur l’action en sous-main d’une « main noire », Pékin dénonce l’insistance avec laquelle les médias occidentaux ont couvert les événements de Tiananmen en 1989, ponctués de sanctions ; ou encore la publicité donnée à la répression contre Falun Gong ; en 2008, l’élite politique du parti avait même considéré que les émeutes au Tibet n’étaient rien d’autre que la conséquence de l’appui américain au Dalai Lama et aux dissidents en exil.

Dans le même ordre idée, pour l’appareil, l’attribution en 2010 du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo, intellectuel dissident proche de Washington, était une manœuvre du Congrès des États-Unis. Récemment, les critiques occidentales à propos du traitement des Ouïghour au Xinjiang ont réveillé les suspicions chinoises que les violentes émeutes de 2009 auraient été organisées de l’extérieur par des activistes Ouïghour exilés aux États-Unis.

Quand en mars dernier, l’administration Biden a qualifié la politique chinoise dans l’ancien Turkestan oriental de « génocide  » tout en sanctionnant des officiels chinois, le représentant de Pékin à l’ONU a repris l’accusation que l’Occident « fabriquait des mensonges pour créer le désordre en Chine et freiner sa montée en puissance  ».

La vision chinoise de la situation à Taïwan et des tumultes à Hong Kong est tout aussi ancrée dans la certitude qu’ils sont manipulés par Washington dont les relais dans la R.A.S et dans l’Île attisent les ressentiments envers Pékin.

Sur la question de Taïwan dont pour la première fois la présidente a été invité à la cérémonie d’investiture du Président américain, le 20 janvier dernier, Wang note une tendance au rapprochement Taipei - Washington rehaussant le statut international de l’Île qui, pour Pékin, approche d’une très sensible ligne rouge.

L’évolution conforte les élites chinoises dans l’idée que Washington est et restera le principal obstacle à la réunification que le régime voit comme un l’épilogue nécessaire à la guerre civile avec Tchang Kai-chek et un des marqueurs essentiels du retour de la puissance chinoise. Mais, dit Wang, la puissance et l’audience interne du parti est telle que l’idée d’une déstabilisation du régime par une manipulation politique fomentée de l’extérieur est un leurre.

D’où la conclusion de l’analyse : « pour éviter un dérapage vers un conflit ouvert à Washington et à Pékin, les élites doivent accepter deux réalités fondamentales.  » Elles son exposées ci-après

L’exigence de lucidité pragmatique.

« La première est que la popularité du Parti à l’intérieur – et, NDLR, le contrôle qu’il exerce sur le pays – sont tels que son pouvoir est inébranlable » (…)

« En dépit des dysfonctionnements et des déconvenues internes allant du ralentissement de l’économie aux faiblesses des couvertures sociales, en passant par le vieillissement de la population, dans un avenir prévisible, l’emprise politique du Parti restera incontestée.  » Plus encore « les tentations extérieures pour l’affaiblir resteront vaines et pourraient même, en retour, aggraver le sentiment anti-occidental  »

La seconde réalité incontournable est qu’en dépit de leurs tensions internes, les États-Unis resteront le plus efficace acteur de l’ordre global. Leur puissance se nourrit de la diversité, de la capacité d’innovation et de la capacité de résilience de la société civile.

Il ajoute – ce qui sonne comme mise en garde au régime – « de nombreux pays pourraient être frustrés par l’hypocrisie, le dysfonctionnement et le leadership vacillant de Washington, mais peu souhaitent sincèrement voir les États-Unis quitter leur région et laisser derrière eux un vide de pouvoir.  » (…)

Compte tenu de ces réalités, Wang ramène les choses à l’essentiel, condition du retour à un modus-vivendi apaisé « Les deux pays devraient se conformer à ce que les Chinois appellent depuis longtemps une approche par le “respect mutuel“ ». « Washington devrait respecter l’ordre interne de Pékin ayant extrait des centaines de millions de personnes de la pauvreté et apporté la stabilité au plus grand pays du monde  ».

En même temps, ciblant directement l’hubris de puissance globale de l’actuelle direction chinoise, il ajoute : « Dans l’ordre international existant, Pékin devrait respecter le rôle positif de Washington qui a contribué à promouvoir la croissance économique et le progrès technologique, ayant en fait, grandement profité à la Chine. »


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