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Raidissement marxiste de Xi Jinping. Quand la propagande se heurte aux réalités

Cette analyse qui s’inspire des réflexions de la rédaction du quotidien économique japonais Nikkei de réputation mondiale et des analyses de Barry Naughton, expert de l’économie chinoise à l’Université de San Diego en Californie, examine avec un œil critique les affirmations du discours d’ouverture du 20e Congrès de Xi Jinping, le 16 octobre.

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Priorité à l’idéologie et à la sécurité politique. Menaces contre la libre entreprise.

Le 16 octobre à l’ouverture du Congrès du Parti, dans la présentation du bilan de ses dix années au pouvoir, le Président s’est livré à une autopromotion laudative, décrivant d’abord non sans raison le « surgissement historique » de la puissance économique chinoise. 我国经济实力历史性跃升. Il ajoutait aussi que le pays avait « rejoint les rangs des acteurs de l’innovation mondiale. 我国成功 入创新型国家行列 ».

Ce n’était pas tout à fait exact. La vérité est que l’idéologie de loyauté absolue à l’autorité du Parti conçu comme une puissance d’ingérence omnipotente dans l’économie par laquelle tout commence et tout finit, a, au contraire, contribué à handicaper l’innovation. Il est exact que pour quelques chefs d’entreprise et entrepreneurs, pour l’élite politique et pour la partie la plus favorisée de la classe moyenne, les 10 dernières années furent l’occasion d’un enrichissement sans précédent.

Pour autant, la récente évolution des priorités politiques voulue par Xi Jinping a fait surgir de considérables défis et contradictions, dont la principale racine est que le parti a cherché à rester fermement et sans partage dans la position de contrôler l’entreprise.

Le secteur des technologies numériques et d’Internet dont l’activité a plongé dans le vaste engouement des consommateurs chinois s’est, par la force du nombre, porté au sommet des entreprises globales. Mais le souci de contrôle de Xi Jinping visant à protéger la Chine des influences occidentales l’a obligé à se développer en vase clos, limitant par construction la concurrence des groupes rivaux américains. Or chacun sait que, sans l’émulation de la concurrence, l’innovation ne marche que sur une seule jambe. Encore celle-ci est-elle handicapée par la pesante intrusion politique qui élimine toute pensée iconoclaste.

En 2010, J.P. Yacine, analysant le retour des cerveaux de la vague des « Haigui 海归 » revenus par fierté patriotique des États-Unis, avait exploré les contradictions entre l’esprit d’innovation et celui du côntrole politique. Lire : Accélération de l’immigration et retour des « cerveaux » expatriés.

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En 2014 le Groupe Alibaba introduit en bourse à New-York par une capitalisation de 25 milliards de dollars était alors le premier mondial du secteur, confirmant le rôle du fondateur Jack Ma dans celui d’un symbole du succès global de la Chine moderne.

Aussitôt, Alibaba 阿里巴巴集团 fondé en 1999, et Tencent Holdings 腾讯 (teng xen « message au galop » crée en 1998, ont par la force virale d’Internet et du nombre étendu leur emprise dans toute la Chine. Très vite, l’appétence du jeune public chinois pour les technologies numériques aidant, les deux ont dominé les secteurs du divertissement et des médias sociaux, du « cloud computing », du paiement en ligne et des prêts qui firent concurrence aux banques publiques.

Simultanément Alibaba et JD.com imitaient la grande consommation en ligne américaine symbolisée par le succès mondial d’Amazone, tandis qu’en 2021, « Pinduoduo 拼多多 - choisir ensemble - », nouveau venu du secteur de la vente par internet occupant le créneau bas de gamme et bon marché, devenait la première plateforme grand public chinoise.

Faisant preuve d’un remarquable esprit d’innovation, en 2015 son fondateur Colin Huang (Huang Zheng - 黄峥-) aujourd’hui milliardaire ayant quitté la direction du groupe, a imaginé un système interactif combinant la vente en ligne aux particuliers et la création spontanée d’associations d’acheteurs permettant de réduire les prix.

Depuis, l’élan d’innovation dont Huang Zheng est un étonnant exemple parmi des milliers d’autres, s’est enlisé. En 2020, la brutale mise sous le boisseau du secteur par l’appareil politique percevant que le foisonnement de l’entreprise privée pourrait être une menace politique, a provoqué la chute des cours.

Après que Jack Ma ait critiqué le système bancaire et ses régulateurs, le pouvoir a bloqué l’introduction de Ant Group, gestionnaire d’Alipay, filiale de paiement en ligne d’Alibaba. Entre 2020 et 2022, la capitalisation boursière du groupe fondé par Jack Ma est passée de 800 à 200 Mds de $.

En même temps, la société de covoiturage « Didi Global 滴滴出行 Didi Chuxing – voyager - » a été forcée de se retirer du NYSE et condamnée à une amende de 8 milliards de yuans (1,1 milliard de dollars) pour avoir enfreint les lois sur la sécurité des données et la protection des informations personnelles. D’autres entreprises notamment celles de jeux en ligne ont, au nom de la loi antitrust, été prises dans la bourrasque de mise aux normes et frappées par des amendes.

Il est exact que le contrôle des débordements désordonnés du secteur numérique générant des exubérances financières sans limite, devenait nécessaire. Il n’en reste pas moins que, comme l’écrivait J.P. Yacine à la mi-décembre 2021, « La sécurité nationale » à large scope, prétexte à l’exigence de loyauté sans faille, porte le risques de sclérose politique et sociale. »

« Les réformes de Xi Jinping ponctuées de brutales mises aux normes, toutes articulées à la sécurité nationale visant à protéger la prévalence du Parti des influences étrangères, induit une tendance à un repli sur le pré carré nationaliste, néfaste à l’éclosion d’un véritable esprit d’innovation. ». Sans compter que « le risque est de briser, à force de contrôle et de normes, le ressort de l’esprit d’entreprise, qualité chinoise essentielle qui fut à la clé du formidable élan économique privé de ces quarante dernières années. » (…)

« Il y a seulement quelques années, les patrons du numérique avaient le sentiment d’être à la tête d’un secteur de pointe et de faire partie intégrante de l’équipe chinoise qui gagne. » Ce sentiment vertueux, remplacé par l’obligation d’allégeance idéologique à Xi Jinping se délite à grande vitesse depuis 2021.


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