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Les nouvelles « Grande Murailles »

De nombreux observateurs se sont récemment étonnés de voir surgir, tout le long de la frontière entre la Chine et la Birmanie, une nouvelle « Grande Muraille » de grillage renforcé de barbelés.

Depuis septembre 2020, la Chine a en effet entamé la construction d’un barrage de 2 000 km le long de frontière Birmane. Dans Asialyst, Thibaut Bara, chercheur spécialiste des relations Chine-Myanmar, fin connaisseur du Yunnan dont il a rédigé une « histoire politique », indique que la presse chinoise parle d’une nouvelle « grande muraille du Sud » (南方长城).

Déjà près de 700 km ont été achevés dans la zone de Kokang, enclave sinisée en territoire birman « où dominent le mandarin et le Yuan au milieu de casinos pour clients chinois » .

A ce jour 659 km auraient été construits. Selon les autorités locales, le mur équipé de caméra de surveillance et partiellement électrifié devrait couvrir l’ensemble de la frontière d’ici fin 2022. Les premières constructions ont pris de court les autorités birmanes.

Elles « se situent à la frontière avec la zone administrative spéciale de Kokang, une enclave en territoire birman où dominent le mandarin et le yuan, au milieu de casinos pour clients chinois. »

Dans cette région, les raisons d’une tension récurrente entre Naypyidaw et Pékin ne manquent pas. A l’été 2009, l’armée birmane avait, sans prévenir la Chine, déclenché une violente répression précisément dans la région de Kokang, 500 km à l’ouest de Kunming, principal objectif de l’armée, qui, on le sait, tient toujours les rênes du pouvoir, en dépit de la victoire électorale en 2015 de la Ligne Nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi.

Lire : Chine-Myanmar : le dilemme birman et Pékin, Aung San Suu Kyi, les Rohingya et les militaires birmans.

Arrivée au pouvoir, la fille du Père de l’indépendance a vite été confrontée aux réalités de la puissante tutelle de la Chine de Xi Jinping qui entend bien maîtriser sa frontière sud. Lire : Aung San Suu Kyi à Pékin. Retour au principe de réalité.

Freiner les contagions, les migrations et les trafics.

Les slogans accrochés à la barrière par les autorités chinoises le disent. Les milliers de kilomètres de ce barrage sont à la fois une barrière anti-COVID, un obstacle interdisant le passage des Chinois débauchés tentés par les casinos qui pullulent le long de la frontière et enfin le moyen de contrôler les trafics de drogue et de bois. « Luttons contre les sorties illégales du territoire, prévenons l’importation étrangère du virus - 重拳打击非法出入境 严防境外疫情输入 ».

La logique anti-trafics et de contrôle de la frontière se superposent à l’angoisse épidémique. S’il est vrai que le nombre de décès au Myanmar est resté faible, toujours inférieur à 50 par million d’habitants, Pékin s’inquiète de l’augmentation du nombre de cas depuis le mois d’octobre, variant entre + 2000, le 10 octobre, et + 555 le 10 janvier, avec un total de cas diagnostiqués ayant atteint 131 000. Les risques de contagion ravivent les souvenirs amers de l’épidémie de du sida des années 80.

Ces raisonnements ne manquent pas de logique. Le but d’une barrière est en effet d’empêcher les gens de passer. Et chacun sait que les intentions des quidams qui traversent la frontière en rase campagne hors des postes-frontières sont rarement animés d’intentions complètement pures.

Mais alors que dans ses discours publics le régime se targue d’être le parangon de l’ouverture opposée à la tentation de repliement de l’Amérique, ces lapalissades manquent plusieurs parties de l’image. Il y a des raisons profondes faisant qu’en Chine où « la tentation de la muraille » est toujours présente, il est plus facile que chez nous d’ériger des barrières.

« Protéger l’Empire » des agressions barbares extérieures est un très ancestral atavisme culturel ancré dans le subconscient de tous les Chinois pour qui la « Grande Muraille » est un référent indépassable. Ne dit-on pas : « Qui n’est pas allé sur la Grande Muraille n’est pas un véritable Han - “不到长城非好汉, ».

Les maisons traditionnelle dites « 四合院 si he yuan ou cours carrées » sont entourées de haut murs qui les protègent de l’extérieur. Dans les villes modernes, toutes les nouvelles résidences sont enfermées dans des enclos protégés par des vigiles.

Aujourd’hui, à cet héritage plusieurs fois millénaire, s’ajoute la paranoïa du contrôle marqueur de la Chine de Xi Jinping. Le souci de protéger la Chine, est complété par la variante inverse d’empêcher les Chinois de s’aventurer à l’extérieur.

Sans surprise, une autre muraille est en cours, le long de la frontière avec le Vietnam. Haute de deux mètres, le long des 1300 km de frontières avec le Tonkin, elle vise à contrôler les flux de chômeurs à la recherche d’un emploi dans les usines chinoises délocalisées au Vietnam pour éviter les taxes américaines.

En même temps, le mur vise comme le long de la frontière birmane, à freiner l’évasion de capitaux vers les casinos, tandis que, selon, l’ONG hongkongaise China Labour Bulletin 劳工通讯, une partie des migrants chinois vers le Vietnam se plaignent de n’avoir pas été payés en Chine.

Enfin, selon Carl Thayer, professeur émérite à l’Université australienne de Galles du sud, le Vietnam a autant d’intérêts que la Chine à contrôler les trafics frontaliers.


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