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Le psychodrame de la chasse aux ballons espions chinois

ANNEXE.
L’affaire de l’U2 et sa réplique de « l’incident de Hainan ».

Abattu le 1er mai 1960 par une salve de plus d’une dizaine de missiles SA-2 au-dessus de l’Oural, l’U2 américain qui avait décollé d’une base au Pakistan n’était pas un avion sans pilote.

A l’époque où les satellites espions n’existaient pas, Gary Powers (1929-1977), prématurément décédé dans un accident d’hélicoptère à 48 ans, s’était éjecté peu avant qu’une deuxième salve ne provoque la chute de son appareil dont la mission était de photographier les sites de missiles intercontinentaux soviétiques de la région de Sverdlovsk et Plessetsk, respectivement 1500 km à l’Est et 800 km au Nord-est de Moscou.

Si la destruction de l’U2, avait failli provoquer la mort dramatique du pilote américain, elle fut à l’origine du décès d’un pilote soviétique d’un des MIG-19 chargés de harceler l’avion-espion.

Quel que soit l’angle de vue, les conséquences géostratégiques menaçaient d’être infiniment plus graves que la simple élimination soixante-trois ans plus tard par un seul tir de missile, d’un ballon sans pilote appartenant à une Chine sortie depuis longtemps de ses transes maoïstes, mais dont, depuis Xi Jinping, la trajectoire accuse un retour idéologique proto-maoïste décrit par Alice Eckman dans son livre « Rouge Vif » Flammarion, 2020.

Il n’en reste pas moins que la suite de la chute de l’U2 fut marquée par des mensonges et des occultations américaines voisines de celles exprimées par la Chine aujourd’hui.

Pour accréditer l’idée que l’U2 était chargé d’une mission scientifique de « recherche météo », et non pas d’espionnage, c’est la NASA qui fut chargée de la mystification qui en réalité était une « grosse ficelle ». Après avoir repeint dans l’urgence un U2 à ses couleurs pour le présenter à la presse, elle déclara d’abord que l’appareil avait « disparu » au-dessus de la Turquie. Affabulant que Gary Powers se serait endormi et aurait été privé d’oxygène, elle déclara même qu’il avait péri dans l’accident, alors qu’en réalité il était prisonnier des Russes qui l’avaient arrêté à son atterrissage en parachute.

Le mensonge se dissipa un peu quand Nikita Khrouchtchev annonça publiquement au Soviet suprême la destruction de « l’U2 espion » tandis que la Maison Blanche, très embarrassée, reconnaissait qu’il pourrait s’agir du même avion. Quand la vérité éclata au grand jour, contrairement à Pékin aujourd’hui, qui cependant, nuance essentielle, ne reconnaît pas l’espionnage, le Président Eisenhower refusa de présenter des excuses.

La similitude avec l’affaire des « ballons-espions » dont il faut répéter qu’elle est infiniment moins dramatique, en dépit de l’insistance de la « centrifugeuse médiatique » qui spécule sur la peur d’une « escalade mortelle vers l’apocalypse  », réapparait quand on se souvient que Moscou décida en riposte d’annuler sa participation à la conférence de Paris du 16 mai 1960.

L’URSS elle-même ne présenta pas la version exacte et complète de l’événement, notamment, conséquence d’une mauvaise coordination tactique sol-air, la destruction par un nouveau tir de missile SA-2 d’un MIG-19 soviétique qui s’était rapproché de l’U2 pour, selon les ordres reçus, tenter de l’endommager en l’éperonnant directement. Effet collatéral malheureux de cette très acharnée compétition de guerre froide, Sergueï Safronov, le pilote du MIG-19 a été tué par la deuxième salve de SA-2.

Si on voulait se souvenir d’un incident ayant eu la même intensité dramatique que l’affaire de l’U2, il faudrait plutôt faire référence à « l’incident de Hainan », il y a vingt-deux ans entre les États-Unis et la Chine. Sortie de ses transes maoïstes des années 1958– 1976, son PIB par habitant toujours très faible par rapport à celui des premières puissances de la planète avait cependant augmenté de façon spectaculaire, passé de 100 $/hab en 1960 à 1000 $/hab en 2000.

Quarante ans plus tard, l’incident de Hainan.

Le 1er avril 2001, à 70 nautiques au sud de l’île chinoise de Hainan et à 100 nautiques des installations militaires chinoises des Paracels, un avion espion de l’US Navy de type EP-3E, avait été percuté par un chasseur J-8II dont le pilote le Lt-Colonel Wang Wei avait disparu après que son appareil gravement endommagé se soit abîmé en mer.

L’EP-3, également sérieusement abimé fut contraint de se poser en catastrophe sur l’île de Hainan, dont les autorités de la base de Lingshui ne répondirent pas aux appels de détresse de l’équipage. Ce qui permit par la suite à Pékin d’accuser l’EP-3 de s’être posé sans autorisation.

Avant d’être appréhendé par la police de la base, l’équipage eut le temps de détruire une partie des données collectées au cours de sa mission. Après dix jours d’interrogatoire sur place où ils furent bien traités, les membre de l’équipage ont été remis en liberté, le 11 avril 2001 (voir la photo de l’EP-3 endommagé sur la base de Hainan, page 3 de notre article La Zone d’Identification Aérienne chinoise. Symbole de souveraineté et de rivalité avec Tokyo et Washington).

Quant à l’appareil, entièrement démonté par les Chinois, il fut restitué le 3 juillet 2001, transporté aux États-Unis par deux Antonov An-124 appartenant à la compagnie Russe « Polet » qui entra en cessation de paiement en 2014.

A l’époque déjà, cherchant à éviter la responsabilité de son pilote, pourtant coutumier des dangereuses acrobaties autour des avions espions américains opérant aux limites de l’espace aérien chinois, Pékin expliqua que l’EP-3 avait fait une embardée pour tenter d’éloigner le chasseur ce qui provoqua l’accident.

Le Lieutenant Shane Osborne pilote de l’appareil américain et commandant de bord dit l’inverse. Son avion volait en ligne droite sur pilote automatique. La collision provoqua la destruction du J-8 par une des hélices de l’EP-3 dont le radôme a été arraché. Sévèrement déstabilisé, l’appareil plongea de 30° vers la mer, perdant 2400 m d’altitude en 30 secondes.

Après avoir réussi à en reprendre le contrôle, Osborne décida de le poser sur la base chinoise de Lingshui à Hainan, qu’il atteignit au bout de 26 minutes que l’équipage mit à profit pour détruire tant bien que mal les équipements électroniques et effacer les données confidentielles.

Mais, alors que l’équipage était encore détenu, les tensions baissèrent d’un cran quand Washington qui s’efforçait d’accélérer la libération de l’équipage, accepta de formuler des « regrets officiels » par écrit que les Chinois appelèrent « la lettre des deux regrets – 两 个遗憾 信 ».

Le premier exprimé à la République Populaire et à la famille du pilote 飞行员的家 pour sa disparition 损失 ; le deuxième pour être entré dans l’espace aérien chinois et avoir atterri sur l’Île sans autorisation 在没有得到中方许可. (alors que la base de Lingshui n’avait pas répondu aux appels de détresse du Lt Osborne).

Aussitôt les médias chinois caractérisèrent la lettre comme une « lettre d’excuses ». Même si Washington s’était empressé de nier que l’Amérique s’excusait, le Président Jiang Zemin, attentif aux réactions de l’opinion publique chinoise et soucieux de sauver la face, en accepta les termes, ce qui permit la libération de l’équipage dix jours après l’incident.


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